Les initiatives de la société civile pour asseoir la Justice transitionnelle se multiplient. Une des premières approches a été l'œuvre du Centre de Tunisie pour la Justice transitionnelle, présidé par la militante des Droits de l'Homme Sihem Ben Sedrine. Un travail de groupe a été engagé pour formuler des recommandations qui peuvent servir de feuille de route pour la Justice transitionnelle. Des assises avaient été organisées pour paufiner des recommandations utiles. Les deux volets, réforme de la justice et rôle des médias sont intéressants à plus d'un titre. La conception choisie, avait tenté « de réunir et de concilier la paix et la justice, une tentative de reconstruire une société épuisée par un sentiment d'injustice et d'oppression et ce, en l'aidant à dépasser son passé, de le traiter avec sagesse et d'aborder son futur avec sérénité et confiance en soi ». Cette conception se rapporte aux principes généraux et aux bases connues de la Justice transitionnelle, tout en essayant de les adapter au contexte tunisien, parce que le succès d'une telle expérience exige que soient respectées les spécificités de la société. Par ailleurs, les participants à ces assises, affirment que « l'un des facteurs de succès de la Justice transitionnelle dépend de l'existence d'une réelle volonté politique qui devra mettre rapidement en œuvre les outils et les mécanismes de la justice transitionnelle pour qu'on puisse tourner la page et démanteler le système dictatorial et construire une société démocratique basée sur l'Etat de droit, le respect des droits humains, conditions d'une paix sociale durable et globale qui rompra définitivement avec la dictature ». Comme le pouvoir judiciaire a un rôle fondamental dans la réussite de la Justice transitionnelle, un atelier a été consacré aux réformes institutionnelles favorisant l'établissement d'un Etat de droit. Cet atelier s'est penché sur les réformes du système de sécurité et les réformes de l'administration de la justice. Il propose, entre autres, « la révocation des auteurs d'exactions des postes de la fonction publique et la formation en droits de l'homme des fonctionnaires. » La séparation entre pouvoir exécutif et pouvoir judiciaire doit être étanche. Cette séparation est au cœur de la réforme de la justice. Une réforme globale de l'appareil judiciaire est revendiquée. Ainsi, il est recommandé de créer « des conseils de la magistrature qui se chargeraient de la justice judiciaire, administrative et financière. Le souci est de réfléchir sur une composition de ces conseils qui respecte et réponde le mieux à l'indépendance et l'impartialité des juges ». En plus, le cadre légal règlementant le statut des magistrats doit être modernisé, en garantissant le principe « d'inamovibilité des juges et leur non mutation sauf avec leur consentement préalable ». Les critères de promotion doivent être objectifs. L'aspect matériel et social dans la carrière des juges doivent gagner en importance. La formation de base ainsi que la formation continue des juges doivent être améliorées. Les tribunaux doivent connaître une mise à niveau technologique par l'informatisation. Il faut réfléchir à une justice de proximité pour tous les citoyens et ce en révisant la carte d'implantation des tribunaux judiciaires, administratifs et financiers. Il faudra créer une Cour constitutionnelle « qui veillera d'une part au contrôle de la constitutionnalité des lois et à leur conformité avec les décisions, les arrêts et les principes généraux que garantissent les textes règlementant l'organisation provisoire des pouvoirs d'autre part ». Par ailleurs, les médias et la société civile doivent jouer pleinement leur rôle en tant que contre pouvoir. L'implication de la société civile, parallèlement à l'action des pouvoirs publics est primordiale. Pour établir la vérité sur les exactions passées, il faudra se référer aux enquêtes nationales officielles menées après la Révolution ainsi que celles effectuées par les associations tunisiennes. Le mandat et les modalités de mise en place d'une Instance nationale de vérité doivent être définis. Concernant les médias il est recommandé « d'ouvrir sérieusement le dossier de la corruption du secteur afin de connaître la vérité entière et d'ouvrir une requête sur les dossiers de l'Agence Tunisienne de Communication Extérieure, comme premier pas vers le démantèlement du système dictatorial ». L'appareil de censure de l'ancien régime doit être dévoilé. Un observatoire devra être créé. Il aura pour mission d'évaluer la performance des médias. Le droit à l'information doit être consacré. Il est recommandé d'organiser un débat national large qui « réunira professionnels, membres actifs de la société civile et administration pour dégager des suggestions globales et opérationnelles de nature a assurer l'indépendance du secteur ». Information libre, société civile active et justice indépendante sont les éléments essentiels pour la réussite d'une Justice transitionnelle. Une conférence nationale sur la Justice transitionnelle, devra être organisée, au cours du mois de mars avec la participation de toutes les associations qui se sont penchées sur cette question. Un texte de loi sera, par la suite, promulgué par les nouveaux gouvernants pour mettre en route cette justice. Attendons, voir ! Hassine BOUAZRA