Le Jebel Bargou, situé au centre de la Dorsale tunisienne, n'est qu'à une centaine de kilomètres de Tunis et à un peu plus de 150 kilomètres de Sousse. Les promenades en forêt, en fin d'été, ne manquent pas d'attraits. Le printemps dans la Dorsale est un véritable enchantement. Une promenade dans le Jebel Bargou est un dépaysement complet. Les observateurs ne s'y sont pas trompées : sur les cartes de Tunisie, ils ont souligné la route d'un trait vert continu indiquant qu'il s'agit d'un parcours pittoresque.
PRESENTATION
Le Jebel Bargou est un mont calcaire qui culmine à 1266 mètres. Sa façade Nord est assez caillouteuse, sèche et peu boisée bien qu'elle reçoive près de 500 millimètres de pluie annuellement. Son versant Sud et les pentes qui lui font face sont couverts d'une forêt dense abritant des sous-bois presque impénétrables. Au printemps, d'où qu'on vienne, quand on emprunte la petite route qui longe le Sud du Jebel Bargou, on est surpris par toute la verdure qui pare la montagne et les multiples ruisseaux qui cascadent vers la vallée. De grands pins, d'innombrables très vieux caroubiers aux multiples troncs et de vénérables oliviers centenaires forment la parure du mont à laquelle des reboisements ont ajouté quelques eucalyptus. A la fin de l'été, ces pentes boisées surprennent après la traversée des plaines sèches et ocre qui les entourent. Les ruisseaux sont bordés soit de lauriers qui se peignent en rose vif à la fin du printemps soit de petites parcelles plantées d'une espèce de pêchers, typiques du Bargou, dont les fruits tardifs sont délicieux. Les caroubes font l'objet d'un commerce actif. Les sous-bois embaumés de thym, de romarin, de myrte, de lentisque, de cistes blancs ou mauves, de genets dorés et même de bruyère permettent aux abeilles de produire un miel au goût incomparable. Au cours de nos promenades, nous avons repéré l'aire d'un couple d'aigles royaux que leurs deux mètres d'envergure permettent de reconnaître facilement et un épervier au « dessous » clair. Au-dessus des champs, proches du mont, de petits faucons crécerelles, roux aux ailes étroites et pointues et des buses qui sifflent en planant, aux ailes larges, dont seules la tête et la queue courtes dépassent, chassent les passereaux. Nous avons eu aussi beaucoup de chance de pouvoir croiser deux « bagours ». Ce sont des bovins qui vivent librement dans la montagne et qu'on capture dans une battue. Leur viande est paraît-il, délicieuse.
UN PEU D'HISTOIRE
De nombreux sites archéologiques sont éparpillés dans les plaines voisines du Jebel Bargou. Le Gouvernorat de Siliana qui recèle les sites très connus de Zama et de Makthar peut se vanter d'être parsemé de plus d'une cinquantaine de lieux historiques importants, tant numides que berbéro-byzantino-romains. En approchant du Bargou par le Nord, les automobilistes peuvent s'arrêter à Oum El Abouab / Seressi. Au Sud, on peut aller admirer la citadelle byzantine, bien restaurée, de Ksar Lemsa, les vestiges de la ville berbéro-romaine de Agger, proche d'Oueslatia, le magnifique pont romain de Foum El Afrit : « La bouche du démon » au pied du Jebel Serj et aller voir les vestiges modestes de Vazi Sarra ou Civitas Vazitana antique juste au tombant Sud-Ouest du Jebel Bargou. Il semble bien que « l'intérieur » du mont n'ait guère été « touché » par les différentes civilisations qui se sont épanouies en Tunisie. La population, sans doute berbère de souche, s'est arabisée et islamisée. Même la colonisation, la grande maison forestière de Sodga, le magnifique captage construit au début du XXème siècle à Bou Saadia et le « Borj » du gérant de la Compagnie de l'eau n'ont guère influencé le mode de vie des « Bargaoui », qui ont vécu dans leurs Dachret montagnardes jusqu'à une date récente. Le Jebel Bargou est surtout apparu dans l'histoire du pays au moment des luttes pour l'Indépendance. Son relief et ses forêts abritaient de nombreux nationalistes tunisiens. Le 13 Novembre 1954, plusieurs centaines de combattants tunisiens ont résisté à l'attaque de milliers de soldats de l'armée française, appuyés par de l'artillerie et de l'aviation. Cette bataille, commémorée chaque année, est rappelée aux visiteurs étrangers par le « Monument des Martyrs » construit à Bou Saadia. Il existe encore des survivants capables de raconter leur bataille. Actuellement, le Gouvernement aide les populations locales, descendues habiter dans la vallée, à réaliser un développement durable, respectueux de l'environnement susceptible d'engendrer un écotourisme culturel. Un petit hôtel et une usine de mise en bouteilles de l'eau minérale « Mélina » ont été récemment construits. Mais il semble que le petit hôtel ait des difficultés à démarrer et que l'installation d'une deuxième usine : celle de l'eau « Fourat », au Nord-Est du massif, excède les potentialités de la nappe phréatique : le vieux captage est pratiquement à sec.
LES ESCAPADES
Elles sont aussi variées que différentes et concernent tous les publics. Les automobilistes peuvent parcourir non seulement toute la vallée mais aussi les façades Nord et Sud du massif. Le pique-nique dans la vallée est tout aussi possible que le repas dans un petit restaurant à Bargou, ex-Robaa, à Oueslatia ou à l'hôtel-restaurant très apprécié de Siliana. Une petite marche à pied, juste pour se dégourdir les jambes permet de visiter la « cathédrale » du captage conduisant l'eau jusqu'à Tunis et peut-être une dachra : celle de Bou Saadia par exemple. Les «vététistes» disposent de deux magnifiques circuits : ils partiraient du village de Bou Saadia vers le Sud et la maison forestière de Sodga, par exemple, feraient le tour du massif en passant par le bourg de Bargou et reviendraient par la petite route Nord. Ils pourraient aussi partir vers le Nord, rejoindre Ksar Lemsa, longer le versant Sud du Kef Chergui : extrémité Nord-Est du Jebel Serj et de revenir à la maison forestière de Sodga en passant par Khanguet El Messireb. Chacun de ces circuits mesure une quarantaine de kilomètres environ et on peut prévoir une halte pour se reposer et se restaurer soit à Bargou soit à Ksar Lemsa. Mais on peut ne parcourir qu'une vingtaine de kilomètres du circuit Nord, en coupant, à partir de Bargou, par une petite route qui mène à l'entrée Nord du Jebel. Le circuit Sud n'est pas « coupable » ! Les marcheurs se régaleront dans le Bargou. N'importe quel « jeune » les guidera vers les Dachra montagnardes. Les responsables locaux, qu'on rencontrera à Bou Saadia, sont à même d'organiser des randonnées superbes. Les excellents marcheurs pourront parcourir la ligne des crêtes soulignée, au Sud, par de belles falaises ocre. On peut gagner la crête en passant par la Dachret El Ghar, au Nord et redescendre, après avoir salué au sommet, le « signal géodésique », vers la Dachra Bahirine, une bonne douzaine de kilomètres ! Mais on peut aussi couper cette promenade en deux : après être allé jusqu'au « Signal », on revient en arrière sur 5 à 600 mètres environ et on emprunte une piste vers le Sud qui se faufile dans un « passage » de la falaise sommitale. Ce chemin permet de rejoindre soit la Dachra Medioula proche de Bou Saadia par une bonne piste soit la Dachra Ballouta puis Bou Saadia par un sentier un peu plus « raboteux ». Ceux qui sont moins entraînés ou qui craignent de se perdre, ils peuvent opter pour le « circuit officiel » ou pour une promenade jusqu'à n'importe quelle Dachra. Toutes valent bien une visite qui n'imposera que trois à quatre kilomètres de marche facile puisque les habitants y vivaient normalement, il n'y a pas longtemps. Ecotourisme, géotourisme, tourisme culturel, sportif ou de chasse, tout est possible et facile à réaliser dans ce mont qui a été préservé, jusqu'à présent, des « injures » d'un modernisme « passe-partout » qui se répand actuellement.