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Les deux portes de la cité endormie
Redécouvertes
Publié dans Le Temps le 04 - 02 - 2007

En ce moment où le temps, très perturbé, « souffle le chaud et le froid », sortir, en direction du sud, c'est prendre une double assurance. Si le temps, « incertain » au départ, « se dégage », les premières pentes boisées de la Dorsale tunisienne offrent de superbes objectifs de promenades à moins de cent kilomètres de la capitale.
Si le ciel « maussade » du matin, devient franchement « menaçant », ne faites pas demi-tour en estimant que la journée est gâchée, au contraire, continuez, cap plein sud. Nous vous assurons que vous avez toutes les chances du monde de retrouver le soleil brillant dans un ciel tout bleu dès que vous aurez franchi la Dorsale qui arrête les intempéries.
Voulez-vous essayer avec nous en empruntant un matin la route d'El Fahs ?
Dès la sortie sud de Tunis, vous allez vous régaler : les champs forment un camaïeu vert piqueté de tâches de couleur. Les plantes se trompent de saison, la douceur des journées a fait s'épanouir les fleurs des champs, en avance d'un mois, au moins. Les céréales ont bien levé. Espérons que d'autres pluies confirment les promesses de l'hiver.
Dans l'air du matin, voilà qu'apparaissent les hautes arches de l'aqueduc de Carthage. Caressées par la lumière blonde d'un lent soleil hivernal, elles se dressent et découpent leur silhouette ocre sur l'azur du ciel et le vert cru des champs. A peine ont-elles été restaurées, qu'elles ont été réoccupées par les oiseaux à la recherche d'un trou pour y construire leur nid. De petits faucons crécerelles roux font « le Saint-Esprit » : immobiles, les ailes frémissantes, agitées de petits battements courts et rapides, ils guettent un passereau dissimulé dans l'herbe. Les pigeons plus ou moins sauvages, trop rapides et trop puissants pour être inquiétés par les crécerelles, vont et viennent entre l'aqueduc et les méandres de l'oued Miliane où ils se nourrissent.
La route est belle et large. On dépasse le carrefour avec la voie qui mène à Zaghouan : on l'a empruntée bien des fois. On se contentera aujourd'hui de saluer la silhouette altière du Mont de Jupiter. Depuis la sortie de Tunis, le Bou Kornine, les collines du Mornag, les pentes escarpées du Jebel Ressas ont été dominées par la « Dent » bleutée du Zaghouan qui est maintenant nettement plus proche.
Là-bas, à votre gauche, blotti au creux des collines, au-dessus du « dos » de la conduite de l'aqueduc qui serpente dans la plaine, exactement à l'est, se dressent les colonnes récemment restaurées du Capitole d'Uthina / Oudna. Nous irons nous y promener très prochainement. Des travaux de restauration ont rendu ce site antique très intéressant à visiter.
Voilà bientôt les silos à céréales de « Cheylus » / Jebel Oust. Ce qui n'était naguère qu'une gare où l'on chargeait les blés que la plaine environnante produisait à profusion, est devenu un bourg actif qui grandit vite. Il ne devrait pas s'appeler Jebel Oust de crainte de devoir changer de nom, encore une fois, prochainement. Cela ne nous désolera pas parce que des Jebel Oust, nous en connaissons plusieurs en Tunisie. Ils sont « au milieu » de ... rien ! Celui-ci est rongé par d'énormes carrières qui approvisionnent une grande cimenterie dont on devine l'existence à l'énorme nuage de poussière qui couvre les alentours et même une charmante station thermale qui existe depuis l'Antiquité : des vestiges de l'époque romaine en témoignent. Mais au rythme où les engins de chantier dévorent les pentes, naguère reboisées, le Jebel Oust ne sera bientôt plus qu' « au milieu » de nos souvenirs.
D'autres souvenirs s'effacent aussi : ceux du Protectorat. « Cheylus », venu des pentes pyrénéennes, était accompagné d'autres hameaux créés au début du XXème siècle, lors de la mise en valeur des grandes plaines de la région d'El Fahs et on trouvait, aux alentours, « Armand Colin », qui n'était pas une maison d'édition, « Ampère » et « Depienne » !
Et, au sortir de Cheylus / Jebel Oust, au bout de la ligne droite qui mène au carrefour avec la route d'Aïn Al Asker, une sorte de tour en ruine, percée de fenêtres, se dresse sur une éminence. Vestige datant de quelle époque ? Du Protectorat, m'ont appris les paysans voisins. Ils ne savent plus exactement quel président de la République française, devant venir en Tunisie, avait été invité par les riches « colons » des alentours. Pour le loger dignement, ils avaient entrepris de faire bâtir une belle villa campagnarde. Le voyage ayant été annulé, la construction a été aussitôt arrêtée et la villa n'a jamais été achevée ! Il faudrait fouiller dans les archives de l'Ambassade de France pour avoir confirmation de cette histoire.
A quelques kilomètres devant nous, au sommet d'une colline bordant la route, appelée le Jebel Sidi El Ajmi, on remarque la blancheur des murs du marabout qui a donné son nom à la colline. Il est curieusement construit sur ce qui semble bien être les restes d'un tumulus de terre cendreuse mêlée de pierres et de tessons de céramique antique. Vestiges d'une « M'zara » plus ou moins musulmane ? D'une « R'madiya » préhistorique ? D'un lieu de culte berbéro-romain ? Avons-nous tort d'affirmer souvent qu'un des traits remarquables de l'histoire de l'Afrique du nord est la pérennité des mœurs et des cultes populaires ?
Le petit marabout est curieux : sa coupole n'est pas hémisphérique. Elle est très surbaissée et sa base paraît ovale. Il était vénéré et recevait régulièrement des offrandes sous forme de pièces de monnaie et de céramiques - en morceaux ou cassées volontairement après les dévotions ? - Sa construction remonterait aux années 1970-71. Auparavant, c'était le « tumulus » qui servait de lieu de culte et un oléastre occupait la place du marabout, parait-il. La dernière fois que nous y sommes allés, il semblait abandonné et une partie de sa coupole était effondrée - naturellement ? - Aurait-il éveillé la désapprobation de « puristes » qui ... ne pourront tout de même pas nier l'histoire de ce pays ?
Un peu plus loin, juste avant l'embranchement vers Thuburbo majus, à gauche de la route, d'autres pilleurs - c'est très à la mode en ce moment ! - ont éventré, sans aucun profit, un antique petit tumulus berbère. Etant incompétents, mais fort riches certainement, ils ont creusé, de nuit sans doute, au bulldozer, une tranchée dans le tumulus jusqu'au sol, dévastant ainsi la chambre sépulcrale. Ils n'y ont certainement pas découvert de « trésor » - il n'y en a pas dans aucune de ces sépultures - mais ils ont fait disparaître des renseignements qui sont de véritables trésors historiques !
Nous dépassons le temple de Saturne qui domine le versant oriental du site de Thuburbo majus. Nous traversons El Fahs qui s'étend très rapidement et franchissons le pont sur l'oued qui s'appelle encore ici El Kebir, avant de devenir Miliane, et qui, un temps, avait donné son nom à la ville : Pont du Fahs.
Nous pourrions aussi décider de continuer, un peu, vers le sud, d'emprunter la petite route qui monte vers le village de Jougar afin d'atteindre Aïn Jougar et le captage monumental.
La source doit son nom à Zucchar : un bourg de l'époque romaine situé au lieu dit Henchir Ben Saïdane.
Le nymphée un peu postérieur à celui de Zaghouan, date du règne des empereurs Sévère au IIIème siècle après J.C. L'aqueduc qui en part rejoint celui de Carthage à Mograne à une trentaine de kilomètres de là, au lieu-dit « La Maison de l'embranchement ».
Le nymphée souterrain qui mérite, à lui seul, d'être l'objectif d'une promenade, est coiffé aujourd'hui d'un fortin byzantin aux murs crénelés qui devait le protéger et permettre à une petite garnison de surveiller les alentours.
L'aqueduc serpente dans la campagne, en suivant l'angle de plus grande pente vers le village de Ben Saïdane et l'Oued Kaoussat ou Gouissat qu'il franchit grâce à une série de très belles arcades qui semblent avoir été soigneusement réparées au moins en 1860 quand tout l'aqueduc a été remis en état par l'ingénieur français P. Colin à la demande de Mohamed Bey.
On pourrait aussi emprunter de grandes pistes, tout à fait carrossables qui permettent de faire tout le tour du massif du Jebel Fkirine, via Aïn Zeress et ressortir sur la route de Kairouan. Nous vous y emmènerons prochainement.
Aujourd'hui, nous avons choisi d'emprunter la route qui mène au bourg appelé Bargou après avoir été traditionnellement nommé Robaâ Ouled Yahia ou Souk El Arbaâ des Ouled Yahia qui était la tribu installée dans la plaine aux alentours.
On traverse alors un petit massif couvert de Pins d'Alep et de lentisques dont les sous-bois aux senteurs balsamiques abritent plusieurs espèces d'orchidées sauvages et vibrent d'innombrables roucoulements de tourterelles des bois dès le début du mois d'avril.
Soyez attentif : au creux d'une vallon, une plaque assez ancienne subsiste à l'orée d'un carrefour avec une petite route qui mène au barrage de l'Oued El Kébir. Nous y reviendrons.
Le temps s'améliore, nous sommes d'humeur vagabonde, nous poursuivons donc vers « la belle endormie », « oubliée » devrions-nous dire.
Comme nous ne sommes pas en train de participer à un rallye, nous nous arrêtons auprès d'un sanctuaire important, bien entretenu, où nous sommes reçus très aimablement par un gardien fort disert. Au bord d'un humble cimetière, un arc de cercle de grosses pierres : un « assès », rappelle le souvenir du Saint gardien des lieux : Sidi Naoui et prouve que les cultes antiques préislamiques n'ont pas complètement disparu.
Quelques kilomètres plus loin, dans un hameau qui entoure un autre sanctuaire vénéré consacré au Marabout Sidi Aouidat, un carrefour indique la direction d'Oueslatia que nous empruntons avec grand plaisir. La petite route s'enfonce très vite dans des collines tapissées de pins d'Alep : les verts, sombres ou clairs, de leur frondaison formée de « boules » denses, tranchent sur celui des céréales qui couvrent les clairières et sur l'ocre rouge des terrains nus.
Soudain, au bord de la route, se dresse un « arc de triomphe » dont la « baie » est malheureusement remplie de constructions maçonnées qui l'empêche de s'écrouler. Nous voilà à Seressi antique appelée aujourd'hui Oum El Abouab : la mère des portes parce qu'un autre « arc » a été construit sur la colline d'en face.
Seressi a été une ville romaine importante qui serait devenue municipe vers la fin du IIème siècle.
Des archéologues de l'Institut du Patrimoine dont Melle Naïdé Ferchiou et Mr. Ghalia ont entrepris de dégager un certain nombre de beaux monuments. On peut y admirer ce qui nous a semblé être le Capitole transformé plus tard - à l'époque chrétienne ? - en huilerie. Les parties qui n'ont pas été fouillées laissent voir une couche de cendres et de charbons qui prouve que le bâtiment a été détruit par un incendie.
La place d'un grand marché a été dégagée. On peut deviner un théâtre. En dehors de la ville, se dessinent les murs d'un amphithéâtre et se dresse un grand mausolée. Sur une piste « coloniale » qui traverse, sans respect, le site entier, nous avons remarqué une mosaïque, sans doute unique en Tunisie parce qu'elle contient d'innombrables tesselles de gypse qui étincellent au soleil. Le pavement, à ciel ouvert, achève de disparaître : chaque pluie l'emporte un peu plus avec les eaux de ruissellement. Les pieds droits d'un arc dont la baie est très étroite ont été dégagés.
Une inscription gravée à l'intérieur de la baie, malheureusement masquée par la maçonnerie qui soutient l'arc, construit à l'entrée de la ville, rappelle que Armenia Auge et Bebenia Pauliana ont participé au financement de sa construction et de sa décoration. Elles étaient mère et sœur d'un citoyen de la ville, fonctionnaire de haut rang qui avait légué, par testament, une somme d'argent pour construire l'arc.
Les habitants de Seressi avaient aussi construits, en grosses pierres de taille, des quais qui protégeaient la cité de l'érosion des eaux d'un oued la traversant.
Et ... là haut sur la colline, au-dessus du hameau, caché dans les pins, il faut aller voir les vestiges d'un superbe petit temple, construit sur un podium à la façade arrondie. Peut-être était-il consacré au dieu du vent, nous a-t-on dit. Sa position, dominant la ville, nous a fait penser qu'il abritait certainement le dieu protecteur de la cité.
Pourquoi le site de Seressi n'est-il pas mis en valeur ? Il pourrait être une des joyaux des tourismes culturel et écologique - dont on parle tant en ce moment ! - du gouvernorat de Zaghouan.
Si les bois de Pins ou les clairières n'ont pas réussi à vous retenir pour un pique-nique à savourer dans un silence agreste ou si vous n'avez pas souhaité aller si loin - même pas 100 kilomètres ! - alors descendez vers le barrage de l'Oued El Kebir, blotti au fond de la vallée. Nous y avons été reçu très aimablement par les employés présents. Ils nous ont raconté l'histoire du barrage. Ils nous l'ont fait, longuement, visité. Ils nous ont montré la conduite qui amène l'eau depuis le grand captage de Bou Saadia dans le Jebel Bargou.
Nous n'en écrivons pas davantage pour ménager votre curiosité. De multiples pistes carrossables serpentent dans les bois parfumés et invitent à la promenade, au pique-nique ou aux siestes réparatrices.


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