Depuis la Révolution, le secteur judiciaire est en pleine effervescence, avec plein de promesses de la part des responsables concernés, et des projets de réformes qui ne voient pas le jour, restant toujours au niveau latent, sans rien de concret. Bien plus certains observateurs et membres de la société civile, tels que l'Association Tunisienne des Magistrats, ou les associations des droits de l'Homme en général, estiment qu'il y a un retour aux pratiques de l'ancien régime notamment en ce qui concerne la magistrature, reprochant notamment cette ascendant exercé par le ministère de tutelle et qui est de nature à porter atteinte à son indépendance, et par là même à l'indépendance de la Justice.
Jadis cet ascendant a altéré le pourvoir judicaire, responsable de la bonne application de la loi, et de la préservation des droits de l'homme d'une manière générale. C'est que les magistrats qui sont à la base de ce pouvoir judiciaire, ne doivent en aucun cas être influencés dans leurs décisions où ils sont tenus de sauvegarder des citoyens, d'aucun autre élément que la loi. Celle-ci est abstraite et générale, c'est-à-dire qu'elle s'applique à tous les citoyens de la même façon sans tenir compte de considérations de quelque nature que ce soit.
Cela est de nature à éviter la loi des deux poids deux mesures, qui mène à l'abus et surtout à la corruption.
Corruption à double sens
L'ascendant qu'avait l'exécutif sur le secteur judiciaire et notamment sur la magistrature, a empêché la bonne application de la loi, et nui aux intérêts des justiciables. Cela a mené à la corruption de certains magistrats, dont l'attitude a été en quelque sorte la contrepartie de cette mainmise de l'exécutif sur la magistrature et la menace qui pesait sur eux au cas où ils contrevenaient aux instructions dictées d'en haut. Ceux qui marchaient dans la combine ont été ceux qui ont plongé davantage dans la corruption. Celle-ci était donc à double sens et le justiciable ne pouvait qu'écoper sans pouvoir intervenir, car il risquait d'être inquiété ou d'être « admis » dans une maison d'arrêt où la torture était de mise et les chances de s'en sortir étaient minimes.
Telle était la situation durant l'ancien régime, au cours duquel le citoyen n'avait pratiquement aucun recours, raison pour laquelle certains se trouvaient acculés à s'y adapter en devenant un des maillons de cette chaîne de la corruption qui a longtemps tenu en laisse les droits et les libertés et a étouffé le citoyen honnête et faillit l'étrangler.
Est-ce à dire qu'elle a cessé après la Révolution ?
La réponse à cette question est nuancée car elle est tributaire de plusieurs facteurs dont notamment celui de l'indépendance de la magistrature.
Celle-ci est en effet remise en question par des acteurs du secteur judiciaire, qui déplorent cette mainmise de l'exécutif qui retarde l'opération d'assainissement du corps de la magistrature, le ministère de tutelle persistant à exercer seul sa tutelle, sur ce secteur.
Pour preuve, la loi créant l'Instance provisoire pour la magistrature devant remplacer le fameux conseil supérieur de la magistrature qui a sévi durant 25 ans et permit à l'exécutif de mieux asseoir son ascendant, n'a pas été adoptée par la Constituante.
Retour au Conseil supérieur de la Magistrature
En attendant, c'est le retour à l'ancien système, dans lequel la magistrature est coiffée par le Conseil Supérieur de la Magistrature, système permettant à l'exécutif d'agir de manière unilatérale, et sans concertation avec les autres membres de la société civile, qui sont pourtant concernés par le problème de l'indépendance de la magistrature, laquelle contribuera à mieux préserver les intérêts des citoyens et les droits de l'homme en général.
Cette instance, proposée d'ailleurs entre autres par le ministère des droits de l'homme et de la Justice transitionnelle, est la meilleure garantie pour permettre un assainissement à la base du secteur judiciaire, et consolider davantage l'indépendance de la magistrature.