Ouvrir le capital d'une entreprise de rédaction n'est pas une mince affaire. Pourtant l'action a été menée avec brio par trois journalistes algériens qui dans les années 90 étaient les pionniers d'une expérience nouvelle sous des cieux arabes qui ne retiennent de la pluralité médiatique que le nom. « Aujourd'hui, le journal Al Khabar a de quoi se targuer, après 23 ans d'expérience. Notre journal est le plus vendu en Algérie avec un million de numéros par jour. C'est le seul journal avec Al Watan qui dispose de ses propres rotatives qui sont au nombre de quatre », avance Othmane Lihyani journaliste au Khabar algérien, en séjour en Tunisie. Le journaliste nous explique les étapes d'une expérience ayant eu l'effet d'une lame de fond dans le secteur de l'information : « Ils étaient treize journalistes qui se sont lancés dans cette expérience qui a fait la différence dans le domaine des médias. Aucun actionnaire étranger n'a le droit d'être membre du conseil d'administration excepté ces journalistes. Et si jamais l'un d'eux souhaite céder ses parts ce sera à l'un des membres pionniers de cette expérience. » explique notre interlocuteur qui nous explique qu'une société de rédacteurs devrait être obligatoirement dirigées par des journalistes.
Les intrus ne sont pas les bienvenus
Pas de place aux intrus : c'est la règle numéro un pour lancer une société de rédacteurs qui commence par l'ouverture du capital de l'entreprise de presse pour distribuer des actions sur les journalistes. « La cotation en bourse n'est pas nécessaire. Elle n'est pas souhaitée même. Car on a affaire à une entreprise de presse qui a une ligne éditoriale à défendre. Elle ne peut pas figurer en bourse comme n'importe quelle autre société à vocation commerciale. C'est avilissant», commente le journaliste algérien spécialiste en politique qui se rappelle que son journal avait soutenu Taoufik Ben Brik et Sihem Ben Sedrine lorsqu'ils étaient la cible de la machine répressive de Ben Ali. « Nous nous tenons toujours à la même distance par rapport aux forces politiques quelques soient les idéologies des uns et des autres. C'est l'indépendance de notre ligne éditoriale qui a fait notre capital crédibilité auprès de l'opinion politique continue-t-il. La question reste à savoir si l'expérience algérienne en la matière serait-elle de mise dans nos murs qui connaissent beaucoup de remue-ménages médiatiques ces derniers temps.
Un projet en cours
En ce sens, rappelons que le Conseil national indépendant de l'information et de la communication (CNIIC) a tenu dernièrement une conférence de presse dont l'objectif était d'élucider les différents critères qui permettent de lancer une société de rédacteurs. L'initiateur de ce projet est le magistrat au tribunal de première instance de Tunis, Mohamed Afif Jaidi qui a brossé à grands traits le concept de l'actionnariat salarié dans une entreprise de presse « Ce projet très prometteur est une média alternative qui permet de récompenser les compétences dans une entreprise de presse » commente notre interlocuteur qui définit la société de rédacteurs comme étant « une société civile spécialisée travaillant dans le domaine médiatique et comportant au moins cinq journalistes professionnels.» Cette conception permet, selon notre interlocuteur, de bénéficier des avantages fiscaux et du meilleur système fiscal en vigueur applicable aux entreprises économiques tunisiennes résidentes.
Quant à l'indépendance de la ligne éditoriale, Mohamed Afif Jaidi avance : « La société de rédacteurs est régie par un conseil d'administration présidé par le rédacteur en chef. Ce conseil coordonne le travail des journalistes et assure le respect de la nature non commerciale de la société de rédaction. »