Un jour les Etats-Unis changeront de politique vis-à-vis du monde arabe Que pense l'administration OBAMA de l'Etat des lieux de la situation en Tunisie ? Un républicain ou un démocrate à la Maison blanche, est-ce que cela changera la politique américaine vis-à-vis du monde arabe ? L'Amérique changera-t-elle un jour de politique, pour repenser sa vision des choses quant aux causes arabes ? La réponse, hélas, est non. Le monde arabe commencera par changer de l'intérieur, la politique américaine suivra après. Le pays « gendarme du monde » qu'on prend, à tort ou à raison, pour bouc émissaire de tout le mal qui sévit dans le monde arabe, croit dur comme fer que la raison d'Etat l'emporte sur les droits humains quand il est question de leur politique étrangère. Une réflexion qui nous a value la visite d'une journée dans les murs du département américain des Affaires étrangères du côté de Washington DC.
Direction le ‘'2201 G Street'' dans l'imposant bâtiment qui abrite le ministère des Affaires étrangères. Ici, il faut commencer par subir une fouille à l'entrée du département qui nous rappelle une fois de plus qu'on est aux Etats-Unis d'Amérique. On suivra par la suite le guide dans les dédales labyrinthiques du département, là où on rencontrera des hauts responsables du ministère dont Mike Hammer, l'Assistant de la Secrétaire d'Etat aux affaires publiques, qui nous a exprimé le soutien total des Etats-Unis de la liberté de la presse. Lui, qui serait le premier responsable du secteur de l'information au département d'Hillary Clinton.
Des aides américaines
«La réussite de la transition démocratique dans le monde arabe intéresse beaucoup les Etas Unis. » commente William B.Taylor Ambassadeur et coordinateur spécial des transitions au Moyen Orient « Les aides prennent beaucoup d'aspects. Le gouvernement tunisien a exprimé sa demande d'avoir une aide matérielle. Chose qui a été faite en sept semaines. », avance William B.Taylor dont les prérogatives consistent entre autres à décider des aides aux pays du printemps arabe. « A quoi bon, par ailleurs, remplir la caisse d'un gouvernement d'un argent sonnant et trébuchant lorsque ce même gouvernement est accusé par les ONG nationales et internationales d'étouffer les libertés et de faire la sourde oreille quant aux doléances des journalistes et leur bataille pour une presse libre ? » C'était la question du journal Le Temps adressée à William Bill Taylor qui avance « Nous sommes impressionnés par le courage des citoyens tunisiens qui ont évincé un dictateur. C'est le gouvernement de la transition qui a organisé les élections. J'ai visité votre pays pendant ce temps-là et je suis ébloui par la manière dont ces élections se sont tenues. Nous ne nous sommes pas intervenus pour orienter le résultat de ces élections. Les Tunisiens ont décidé et nous avons exprimé notre prédisposition à collaborer avec le gouvernement élu quel que soit son nom ou sa composition. Nous tenons, par ailleurs, à ce que tous les Tunisiens soient impliqués dans la rédaction de leur constitution et nous sommes convaincus que ce gouvernement accepte les conseils qu'on leur fournit. Les aides au gouvernement tunisien nous donnent quelque crédibilité pour maintenir notre dialogue mutuel. »
Qu'en est-il des attentats perpétrés contre les ambassades américaines notamment en Tunisie et en Libye ? « L'attentat perpétré contre l'ambassade américaine en Libye était un pas en arrière. On nous a demandé pourquoi est-ce qu'on accorde des aides à un pays qui tue nos compatriotes. Nous continuons sur cette même lancée car nous demeurons convaincus que la transition en Libye ne profite pas seulement aux Libyens mais aux Américains aussi. » avance-t-il en concluant dans un autre passage « Le peuple américain ne veut plus d'une autre guerre. Nous sommes en train de diminuer le nombre de nos militaires en dehors du sol américain. Une guerre n'est même pas dans nos plans ni dans nos intérêts. » Message reçu.
L' holocauste, l'atteinte à la personne du Prophète et la cause palestinienne
D'autres sujets épineux et pour le moins qui dérangent ont été l'objet des discussions entre les jeunes journalistes arabes invités et les responsables américains. Cela a porté notamment sur l'holocauste qui selon le journaliste ayant posé la question « revêt l'aspect d'un sujet tabou aux USA alors que l'atteinte à la personne du Prophète Mohamed ne l'est pas pour autant ». Sans oublier la sacro-sainte question de l'islamophobie qui semble toujours à l'ordre du jour quand il est question d'évoquer la communauté musulmane aux USA. Une chose est sûre, en effet : « Les Américains savent qu'il y a une différence entre l'Islam et le comportement de certains extrémistes musulmans. » fait entendre Kozac Michele, Vice-secrétaire d'Etat et ancien conseiller des droits de l'Homme et des libertés des travailleurs qui rappelle que « 60% des affaires en justice sont à caractère antisémite alors que 12% relèvent de la haine à l'égard des Musulmans. »
« Et qu'en est-il de la cause palestinienne et de l'invasion de l'Irak qui n'a pas apporté la démocratie aux Irakiens sinon un environnement apocalyptique au pays du Tigre et de l'Euphrate ? Qu'en est-il aussi s'il est question du liquide noir et visqueux qui vaut mieux que la vie des humains notamment s'ils sont arabes ou Musulmans ? » Cela reste sans réponse, malgré l'insistance de la journaliste qui a adressé ces questions à Aaron Snipe, porte-parole du département d'Hillary Clinton pour les affaires du Moyen Orient. D'autres ont porté sur la cause palestinienne et des rapports égypto-américains, etc. « Où est la colère arabe quand Bachar Assad tue des centaines de Syriens quotidiennement. Arrêtez d'incriminer les Etats Unis et Israël à tout bout de champ. » dit-il en expliquant que les USA ont changé de politique vis-à-vis du monde arabe en acceptant de collaborer avec les gouvernements du printemps arabe en faisant fi de l'idéologie des uns et des autres. «Les Etats Unis sont sensibles aux changements qui s'opèrent dans le monde arabe. Il y a quelques années les USA ne collaboraient pas avec les frères musulmans. Aujourd'hui les USA optent pour le dialogue avec des parties différentes. Peu importe le nom de cette partie. On n'est pas d'accord sur tous les points. Certes. Mais le dialogue a beaucoup d'importance pour se faire comprendre et trouver un terrain d'entente.» avance-t-il. « Au grand dam des peuples arabes » dirait un journaliste dans l'assistance. Reste à savoir aussi si le printemps arabe le restera pour autant. Sinon qui sera responsable de ce mauvais temps ?
Notre interlocuteur laissera entendre, par ailleurs, que ce sont les intérêts de son pays et son leadership et le partenariat continuent d'être des priorités quelle que soit l'administration qui dirige l'Etat fédéral, républicaine ou démocrate. Les propos du porte parole du département d'Hillary Clinton trouvera un écho certainement dans nos esprits « C'est à vous de décider du rôle des USA dans vos pays. » On aurait compris que les Etats-Unis d'Amérique ne changeront pas de politique vis-à-vis du monde arabe tant que le monde arabe n'a pas cherché à s'autocritiquer et à changer de l'intérieur. On commencera par les mentalités.
Une question nous brûle les lèvres, pourtant « Pourquoi sommes nous toujours à la traîne, nous peuple arabe, notamment, peuple tunisien instruit et doté d'intelligence ? »
Miser sur l'enfance
Quelques bribes de réponses nous ont été données, quelques jours après en Philadelphie du côté de l'Université de la Pennsylvanie « Je suis optimiste pour la Révolution en Tunisie. Un peu moins en Egypte et pas du tout en Libye. On doit s'armer de savoir et on doit miser sur l'enfance pour pouvoir avancer et changer la face du monde» nous dit Firoozeh Kashani-Sabet, professeur d'Histoire et chef du département du Moyen-Orient. Bonne résolution. Il faut tout juste y croire. « Yes we can ! ...again ». De notre envoyée spéciale aux Etats-Unis : Mona BEN GAMRA