Tandis que les élus continuent de s'interroger sur le sexe des anges et de chercher l'amalgame, pourtant, patent entre identité, arabité et islamité, dans les zones reculées comme dans celles, urbaines, à forte densité de chômage, la violence prend des proportions réellement inquiétantes. Hier, la Tunisie a enregistré une troisième mort d'homme à la suite d'affrontements dont on ne comprend toujours pas les motivations profondes et qui interpellent la propension et la perfidie de nos élites, de la classe politique, toutes composantes confondues, à embrigader les jeunes.
Voilà que les ferveurs de la Révolution retombent en dissensions et dans une sorte de loi du talion où l'on prétexte aussi la religion pour assouvir des réminiscences tribales, des conflits de quartiers et – plus grave encore – où l'on cherche par tous les moyens à justifier un conflit de classes sous-jacent aux conflits confessionnels et autres idéologiques.
Il ne s'agit pas de jeter l'anathème, en particulier, sur une quelconque force de ce pays. On sait qu'il suffirait, pourtant, d'un mouvement des lèvres pour que les salafistes violents recrutés dans les profondeurs de la précarité, dans les égarements de l'âme et, même, parmi les anciennes milices du RCD, rappellent leurs troupes et cessent d'intimider le bon peuple. Car si, effectivement, Ennahdha, comme le dit Hamadi Jebali, veut être le vecteur de l'édification, en Tunisie, d'un modèle de démocratie unique dans le monde arabe et qu'il déclare, hier, se conformer à toutes les conventions internationales sanctifiant le statut de la femme, eh bien, il faudra couper l'herbe sous les pieds de ces maximalistes, ces négativistes, les nostalgiques et les illuminés qui rêvent d'une Tunisie où le sang coulerait comme ce fut le cas de l'Algérie lors des années 90.
Il serait malvenu de pointer du doigt les forces de l'ordre. Pas plus qu'il ne serait opportun de stigmatiser le rôle de Ali Laârayedh, curieusement, mis sous pression, contesté même par ses pairs radicaux d'Ennahdha. Mais, ces mêmes forces de l'ordre ne devraient pas faire du contexte un prétexte. Ce ne sont pas elles qui sont visées. Mais, la Révolution dans son essence. La paix sociale. Et le rêve de démocratie.