La profession comptable est jugée d'une importance capitale pour le développement de notre pays et ce, en raison de sa participation directe et efficace à la production d'informations financières qui constituent un outil indispensable servant de base essentiellement à la prise de décision pour les différents utilisateurs des états financiers y compris l'administration fiscale. « Mais cette profession n'est pas protégée en raison du nombre important des intrus qui exercent d'une façon illégale ce métier », comme l'a précisé Mohamed Anis Aissa, président du bureau régional de Nabeul-Zaghouan de la Compagnie des comptables de Tunisie. Ce fléau, qui constitue si on ne le combat pas avec toutes les énergies disponibles, une atteinte aux fondements de la profession. Nous sommes en effet, confrontés à une montée en puissance inquiétante de ces sociétés de services. La liste des doléances prend des proportions dramatiques. Doit-on se croiser les bras face à ces intrus?
L'objectif de cette journée est double, informatif et sensibilisateur. Lui succédant Maître Anis Fellah a donné un éclairage sur une situation peu reluisante du secteur. « C'est un fléau qui menace la profession. Le secteur souffre d'une concurrence déloyale très préjudiciable aux comptables mais aussi à l'ensemble des maillons de la chaîne de l'activité économique. Nous appelons tous les intervenants à lutter contre les intrus à la profession qui s'adonnent à des activités légalement du ressort des comptables, sans avoir à supporter les frais, les obligations et les charges auxquels ces derniers sont soumis. Le mal a ajouté Maître Fellah provient de la profession elle-même car on voit certains comptables subir ces abus et ces irrégularités sans les dénoncer. L'indifférence tue parfois et à mon avis il ne faut pas passer sous silence ces abus. Il faudrait agir contre ces intrus qui menacent la profession. Il est vrai qu'il y a un vide au niveau de la législation qu'on doit combler et ceci avec la collaboration de tous les autres métiers libres », Mourad Jameleddine huissier notaire a estimé que la vigilance est de rigueur pour mettre fin aux abus et décourager les intrus pour que la poule aux œufs d'or ne soit pas sacrifiée. Ce fléau qui semble s'accroître au fil des années risque de nuire à l'image de la profession
Sociétés de services non agréées pointées du doigt Les intervenants dans le cadre du débat général ont également pointé un doigt accusateur vers ces bureaux et sociétés de services non agréés. En raison de leur manque de professionnalisme et d'éthique du métier, ces intrus seraient à l'origine de plusieurs problèmes. Tous les présents ont appelé à assurer la sauvegarde des principes et traditions de moralité, de dignité et de probité qui font l'honneur de la profession de comptable. Le professionnel comptable, est un acteur essentiel de la compétitivité et du développement de pérennité de nos entreprises. Tout le monde s'accorde à dire que nos PME par exemple sont sous-encadrées, souvent parce que sous-capitalisées ou ne dégageant pas suffisamment de rentabilité pour pourvoir à leurs besoins en compétences. Mais ce sous-encadrement trouve également son origine, pour un nombre de ces PME dans la difficulté à occuper à plein temps un comptable. De par sa formation pluridisciplinaire (comptable, financière, fiscale, juridique) le comptable est souvent le meilleur compromis dans l'équation coût/rentabilité et le conseiller privilégié du chef d'entreprise, depuis la genèse du projet de création de l'entreprise jusqu'à sa transmission, comme peut l'être le médecin généraliste pour une famille. Mais l'apport de l'expert-comptable va au-delà. Par la veille qu'il assure sur les plans comptable, administratif, financier, fiscal et juridique, le comptable apporte à l'entreprise la sécurité nécessaire à sa bonne marche et à sa pérennisation. Des enseignements qu'il peut tirer de l'observation de son fonctionnement, le comptable peut prévenir à tout risque de dérapage, voire de défaillance de l'entreprise.
Halte au bradage ! Certains comptables sont actuellement en sous-activité, sinon en difficulté financière, et seraient tentés d'abandonner la profession pour accéder à une situation matérielle bien meilleure en tant que salarié et ceci en raison du bradage des prix par les intrus or selon M. Jamel Gam ce service a un prix. Ces intrus pratiquent des prix bas. Aujourd'hui, il semble que la profession est menacée par cette politique de bradage. Une concurrence sauvage serait imposée par certains bureaux qui prolifèrent d'une manière anarchique sans respecter les véritables normes. Faut-il établir une charte d'honneur et fixer des barèmes minima et maxima ? Oui, les comptables peuvent s'engager entre eux sur un pacte de bonne conduite dans les affaires, une charte d'honneur et un code de déontologie qui engloberaient un volet prix. Pour résoudre leurs problèmes -dont celui des prix-, ils doivent communiquer davantage entre eux pour créer un climat de confiance, d'entente et de solidarité. Ils doivent discuter et dialoguer davantage sur leurs problèmes et leurs solutions. Rien ne peut leur être imposé. En fait, la profession a besoin de se créer "une culture de secteur". Le métier de comptable est appelé à évoluer vers plus de transparence, d'indépendance, de compétence, de professionnalisme La solution : investir dans la formation et la communication pour mettre en exergue la valeur ajoutée que peut apporter le comptable par rapport aux autres professions. Il est même question de développer un « label comptable » qui sera synonyme de compétences, d'éthique et de professionnalisme. Le comptable ne doit pas se cantonner à la retenue comptable et à la production de l'information financière, il doit faire bénéficier son client de son expertise et lui apporter une vraie valeur ajoutée. Ceci devrait donc inciter nos comptables à mieux s'organiser et se constituer en cabinets pluridisciplinaires regroupant les compétences humaines et scientifiques susceptibles de les rendre capables de faire face à la concurrence étrangère et de gagner la confiance des opérateurs économiques nationaux et internationaux.
La libéralisation des services et l'effet « fantôme » L'ouverture des frontières et la libéralisation des services présentent aujourd'hui plusieurs avantages et opportunités de développement économique, même si certaines craintes de menace existent encore. Ces menaces représentent, en effet, un «fantôme» en particulier pour certains comptables qui risquent de disparaître si ceux-ci se révèlent incapables de faire face à la concurrence. Il est vrai comme l'ont précisé les participants à cette journée que des sociétés de comptabilité européennes viennent de voir le jour à Tunis, Nabeul et Sousse.
«Si on ne réagit pas à la libéralisation des services financiers, on serait menacés de disparaître. Et je peux confirmer que ce qui est valable dans le secteur financier, l'est aussi dans les autres secteurs des services», a affirmé un comptable. Mais ce n'est pas l'avis d'un autre qui estime que cette même libéralisation représente une réelle opportunité dans la mesure où elle encourage les entreprises locales à renforcer leur compétitivité en améliorant la qualité de leurs services. Bref la profession comptable est actuellement dans une phase de profonde mutation. Plusieurs évolutions de l'environnement – communication libérée, concentration des cabinets, accélération des innovations technologiques, intégration des associations de gestion et de comptabilité (AGC) – soulèvent des incertitudes et parfois des inquiétudes sur l'avenir de la profession comptable L'activité de production comptable s'exerce désormais dans un marché saturé, de plus en plus concurrentiel, encore très atomisé, et avec, en tendance de fond, la recherche. « En Tunisie seule une solidarité entre les comptables à l'échelle de chaque région pourra leur donner du souffle pour respirer » comme l'a souligné Maître Fellah qui appelle les comptables à identifier leurs problèmes ensemble et à créer une cellule de veille pour réorganiser la profession et lutter contre les intrus. Avec plus de communication, d'information et de concertation avec les autres métiers et ministères, on pourra assainir la profession a conclu M Aissa. La loi doit être appliquée. Les autorités concernées doivent faire leur travail de contrôle. La vigilance est de rigueur pour mettre fin aux abus et décourager les intrus.