-Le ministre de l'Intérieur attaque Chokri Belaïd -« Ali Lâarayedh est un bon disciple de Ben Ali dans ce domaine », répond Mohamed Jemour « C'est le gouverneur qui a mis le feu aux poudres », déclare Belgacem Ayari Trois journées infernales où des manifestations houleuses à Siliana, ont nécessité le retrait des forces de l'ordre pour voir l'entrée de l'armée sur scène, on s'attendait au retour au calme. Une rencontre a eu lieu hier entre Hamadi Jébali chef du Gouvernement, Houssine Abbassi, secrétaire général de l'Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT) et Mustapha Ben Jâafar, président de l'Assemblée Nationale Constituante. La veille, les déclarations incendiaires sur les plateaux de télévision ne poussaient pas à l'accalmie. Ali Lâarayedh, ministre de l'Intérieur a déclaré, en substance sur la chaîne Al Watanya 1 : « Des groupes se cachent parfois sous la couverture du syndicat et d'autres sous celle d'un parti. Des noms connus, ainsi que leurs partis ne cherchent qu'à faire capoter l'action du gouvernement au niveau central et dans les régions...Certaines personnes parlent au nom du syndicat. Un parti politique parle au nom de l'UGTT. Moi je considère que Me Chokri Belaïd, parle parfois au nom de l'UGTT. Là où se trouve son parti, il y a des appels à l'anarchie, à la destruction de biens et à la violence partout où il va. Il ne reconnait ni l'Etat, ni la légitimité du pouvoir, ni les lois sauf lorsque cela concerne les autres. La loi s'applique pour tout le monde sauf pour lui ». Dans une déclaration au Temps, Mohamed Jemour, secrétaire général adjoint du Parti Unifié des Patriotes Démocrates a affirmé : « Tel qu'il a présenté les choses, c'est, avant tout, une insulte aux habitants de Siliana. Il veut faire croire que c'est une population dépourvue d'intelligence et manipulable. Il aurait suffit d'un individu intelligent pour les manipuler à sa guise. Deuxièmement, il s'agit d'une insulte à l'UGTT, parce que c'est l'union régionale qui a appelé à la grève générale. Nous y avons nos militants. Les décisions y sont prises de façon démocratique. Nos militants ont pris une part active dans la réussite de la grève générale au même titre que les militants du Front populaire. Cela va de soit qu'ils soient aux premiers rangs. Troisièmement, le fait que Ali Lâarayedh pointe du doigt Chokri Belaïd, nous rappelle les pratiques de l'ancien régime où chaque fois que des citoyens manifestent, on prétend qu'ils sont manipulés par des partis politiques. Ali Lâarayedh est un bon disciple de Ben Ali dans ce domaine. Nous avons la preuve que le ministère de l'Intérieur se cache derrière les calomnies contre Chokri Belaïd. Aujourd'hui, nous faisons assumer la responsabilité à M. Ali Lâarayedh et son département sur tout ce qui peut porter atteinte à son intégrité physique. Nous sommes en droit de défendre l'honneur et l'intégrité de notre camarade Chokri Belaïd ». Au sein de l'Assemblée Nationale Constituante (ANC), Sahbi Atig, président du groupe d'Ennahdha avait déploré hier la politisation de ce qui s'est passé à Siliana et reproché au constituant Iyad Dahmani de s'être déplacé à Siliana dont il est originaire. « Vous avez politisé l'affaire. Qu'est-ce que vous êtes allé faire là-bas, vous et les syndicalistes corrompus », dit-il. Belgacem Ayari, Secrétaire général adjoint de l'UGTT a réagi sur les ondes de MosaïqueFM, en affirmant que « les revendications de développement sont légitimes. Je m'étonne de la réaction du représentant du mouvement Ennahdha. Les citoyens ont le droit de se rendre à Siliana. Nous dénonçons cette déclaration qui touche l'image de l'UGTT ». Concernant les violences subies par les forces de l'ordre, selon les propos d'Ali Lâârayedh, Belgacem Ayari, a rappelé la « solidarité de l'UGTT avec tous ceux qui subissent la violence quelle que soit son origine. Ce qui s'est passé à Siliana, c'est que les bombes lacrymogènes ont compliqué la situation. Il y a eu de légers affrontements qui auraient pu être gérés autrement et la marche aurait pu connaître une fin sans heurts et sans violence. Pourquoi, s'obstiner à occulter le vrai problème ? C'est le gouverneur qui a mis le feu aux poudres. Lorsqu'un télégramme annonçant la grève générale lui a été envoyé, il pouvait tenir une réunion de travail et de dialogue. La marche n'est pas un objectif en soi. Aller jusqu'à utiliser la poudre est inconcevable. Il fallait résoudre tous les problèmes par le dialogue ». Dans un communiqué, publié par Ennahdha, celle-ci appelle «au calme, à déterminer la responsabilité de chacun et à donner à l'administration et aux autorités régionales et centrales la possibilité de stopper les affrontements et de réaliser les revendications légitimes du gouvernorat». Ennahdha jette la responsabilité sur «des parties étrangères au gouvernorat qui ont dévié les revendications légitimes au développement et à l'emploi pour attaquer l'Etat et ses symboles, rejeter le dialogue avec les responsables régionaux et conduire les événements vers des affrontements sanglants avec les forces de l'ordre». Des milliers de citoyens se sont déplacés, hier d'Errouhya, Bargou et d'ailleurs à Siliana pour soutenir les habitants de cette ville. A l'ANC beaucoup de voix se sont élevées contre l'utilisation disproportionnée de la force. Les images qui ont circulé sur l'état des blessés ont affecté l'opinion publique. La voix de la raison finira-t-elle par prévaloir.