Paisible, embourgeoisée, digne, Thuburbo Majus est l'exemple même d'une ville romaine provinciale d'extension moyenne. Installée sur un replat dominant la riche vallée de l'Oued Méliane, un des rares oueds permanents du pays, elle pouvait embrasser du regard ses terres fertiles colorées par le soleil couchant, qui faisaient sa richesse et son orgueil. En raison du point de passage obligé sur la rivière, qui se trouvait à peu de distance de là, Thuburbo Majus était donc établie sur un carrefour routier important ; elle devint ainsi un centre de transit et de commerce. UN PEU D'HISTOIRE Du passé lointain de la ville, on ne sait que peu de choses, sinon que le site a été occupé avant la conquête punique, comme l'indique le nom même de la localité, à consonance libyque. Plus tard, les Carthaginois se sont intéressés à la région, mais comme la vie a continué pendant longtemps sur les mêmes lieux, rares sont les vestiges de cette époque excepté le tumulus monumental d'un riche propriétaire punique inhumé sans doute sur ses domaines. Quelques éléments d'architecture et une petite chapelle datant de la fin du IIIème siècle avant J.C. ou du début du IIème ont été ramenés au musée du Bardo, la maîtrise et la finesse d'exécution dont ils témoignent montrent que Thuburbo Majus avait les moyens de faire appel à des artisans de haut niveau, très probablement venus de Carthage même. Puis d'autres gens vinrent à leur tour, attirés par la richesse agricole de la contrée. Des bornes-limites portant un texte en caractères étrusques, dirait-on, ont été retrouvées dans la vallée de l'oued Méliane à l'Est de Thuburbo Majus. Ces inscriptions bornaient un domaine appartenant sans doute à des colons qui, fuyant les troubles ravageant l'Italie aux IIème et IIIème siècles avant J. C. avaient tenté leur chance outre-mer. Un peu plus tard, peut être, Thuburbo Majus a-t-elle reçu quelques bienfaits de Jules César ou de l'Empereur Auguste mais, comme la plupart des cités africaines, elle est à son apogée aux IIème et IIIème siècles après J.C.. Municipe en 128, elle devint colonie sous Commode (180-192 après J.C.). Elle s'appelle alors Colonia Julia Aurélia Commoda. C'est à cette époque que furent édifiés les principaux monuments de la ville. Aux siècles suivants, la bourgeoisie locale préféra restaurer les édifices déjà existants, investissant plutôt dans le privé et améliorant ou construisant de belles demeures aux mosaïques polychromes. Parallèlement, après le triomphe du Christianisme, les temples païens furent désaffectés et abandonnés ou réutilisés. A cette occasion, leurs statues de culte furent transportées dans les thermes publics où leur exposition était moins compromettante, car elles n'étaient plus que de simples objets d'art. Après une période de troubles sociaux, la cité prit le nom de Respublica Félix Thuburbo Majus. Il semble qu'à partir du Vème siècle et sous les Byzantins, le déclin de Thuburbo Majus ait été irrémédiable. Comme ailleurs, nombre de rues furent abandonnées et barrées par des habitations construites directement sur leur dallage. Vers le milieu du VIIème siècle, un trésor de pièces d'or fut abandonné dans une maison voisine du Capitole. La vie s'éteignît peu à peu vers le VIIème siècle. A la fin du XIXème siècle, ce fut plus loin dans la plaine, prés de la voie ferrée, que fut établie la nouvelle agglomération. VESTIGES La superficie de la ville est de 40 Hectares environ. A titre de curiosité, signalons l'emploi dans les murs, de bloc de « béton de plâtre » moulé, pour remplacer la pierre de taille. Le forum est une vaste esplanade entourée de colonne de marbre importé de Grèce. L'accès en était réservé aux piétons, par deux portes de faible ouverture. Le Capitole domine la place de toute sa masse. Un ample escalier précédé d'un autel conduisait au pronaos (portique à colonnes) et au saint des saints. Mais au cours des siècles, les voûtes du podium se sont écroulées, entraînant l'étage avec elles. La façade était plus majestueuse encore qu'à Dougga puisqu'elle comptait six colonnes (comme au Capitole de Rome) au lieu de quatre. Le temple est daté de 168 après J.C.. La tête, les bras et les pieds de la statue colossale de Jupiter, retrouvés dans les sous-sols, sont exposés au Musée du Bardo. A une date tardive, le podium a été transformé en huilerie. On voit encore le plateau du pressoir, les bassins et un contrepoids. Le Temple de la Paix est un temple de type oriental, et non romain : en effet, le sanctuaire est situé au fond d'une grande cour à péristyle, et de niveau avec elle. Au fond du bâtiment, se dressait un baldaquin surélevé qui contenait autrefois la statue de la Paix et portait une dédicace à cette divinité. Le Temple de Mercure a été construit en 211 après J.C.. Il ne manque pas d'originalité avec sa colonnade circulaire et ses niches arrondies aux angles. Il surplombe le marché, ce qui est normal puisque Mercure est dieu du commerce. Le marché se compose d'un ensemble complexe de trois places situées en contrebas du forum. Deux sont entourées de colonnes. La troisième est bordée par une série de boutiques. La place est pourvue d'un puits pour fournir l'eau nécessaire aux commerçants. es Thermes d'hiver ont été en grande partie restaurés au IVème siècle. A l'origine, l'entrée se faisait par un porche à colonnes, situé sur le côté^sud. Puis, à basse époque, fut ajouté sur le côté £st une salle ornée de colonnes rougeâtres et pourvue de banquettes : elle servait de vestiaire et de salle de repos. A peu près au milieu du bâtiment se trouve le frigidarium (salle froide) tandis que les pièces chaudes, plus au Nord, sont très ruinées et leurs pavements, effondrés. La palestre des Petronii est un bâtiment où se pratiquaient différents sports. Elle fut construite en 225 après J.C. par de riches bourgeois de la ville, Petronius Félix et ses fils. C'est actuellement une vaste cour entourée de colonnes. Les corniches en sont décorées de feuillages diversifiés. Dans l'angle Sud, au pied des colonnes, des oisifs ont gravé une sorte de jeu de société, le « jeu des 36 lettres ». Les Thermes d'été sont également très perturbés par les remaniements, à l'exception des luxueuses latrines, installées dans une aile semi-circulaire bordée de colonnes. Un égout collecteur courait le long du mur courbé. La salle la plus chaude, pourvue de trois lobes arrondis, est située au fond du bâtiment. On peut aller voir aussi le Temple de la Baalat, le Temple de Caelestis et un temple transformé en église. On ira sûrement découvrir le Temple de Saturne. LES ALENTOURS Les alentours de Thuburbo Majus offrent de très nombreux buts de promenades. Les « marcheurs » peuvent revenir sur leurs pas et d'abord escalader la colline pour rendre visite au mausolée de Sidi El Ajmi qu'on voit perché sur une colline juste au-dessus d'une ferme construite au bord de la route où on peut laisser son véhicule. Ce sanctuaire est curieux. Il est construit sur ce qui semble être un tumulus antique sur lequel a poussé un olivier au pied duquel les dames des alentours viennent faire leurs dévotions. Un peu plus loin, sur la gauche de la route, sur une petite colline, isolée, une autre « sépulture » antique a été construite : très curieuse. Un peu plus loin, près de l'embranchement vers Thuburbo Majus, regardez à gauche de la route : il ne reste plus qu'une bosse éventrée d'un tumulus antique pillé sans avoir été étudié. Allez, trêve de pessimisme, continuez votre chemin, dépassez El Fahs, prenez à droite, la petite route montant au Jouggar, l'antique Zuccara et allez voir le nymphée du deuxième aqueduc alimentant Carthage romaine et, au choix, poursuivez jusqu'au magnifique domaine de Ksar Ezzit dont nous reparlerons au randonneurs et vététistes, redescendez le long de l'aqueduc jusqu'à la route d'El Fahs : la promenade en vaut la peine.