Entre brouillons, fausses copies, mouture (le terme à la mode), brèches, paraphrases, oublis et prodigalités, la future constitution naîtra au forceps. Hamadi Jebali affirme qu'elle sera prête juin prochain. C'est-à-dire que l'Assemblée Nationale Constituante aura mis un peu moins de deux années pour concocter un texte qu'on est en train de mythifier abusivement et qu'on drape de curieux sacrements. C'est à croire qu'on va réinventer la roue et que la Tunisie dont la première Constitution date de Kheïreddine Pacha n'a guère de traditions publicistes ou qu'elle n'ait jamais eu de textes fondateurs. Pour autant, les commissions chargées de rédiger le texte se perdent en conjectures à cause des débats marginaux, des interprétations malvenues et des spéculations savamment orchestrées pour faire gagner du temps aux maximalistes, aux fondamentalistes qui tiennent mordicus à ce que la chariaâ soit le socle fondateur de la prochaine constitution ce qui déroge au discours officiel des Nahdhaouis prônant un islamisme modéré du style turc. Et pourtant, la constitution turque précisément est celle instituée par Kamel Atatürk, hormis quelques agencements pour amalgamer entre la vocation laïque de la Turquie et son virage amorcé depuis quelques années vers un régime islamiste. En tous les cas, les Turcs ne se sont pas trop attardés, comme le font nos édiles dans l'hémicycle à s'interroger sur le sexe des anges, par plus qu'ils n'aient eu à se débattre dans un questionnement existentialiste renvoyant à l'identité. C'est cette entité, justement et toutes les surenchères qui se font autour d'elle, qui marginalisent le débat comme si les Tunisiens avaient un problème avec leur identité. Pourtant l'article 1er de la Constitution de 59 est clair : arabité et religion musulmane, comme religion officielle y sont mentionnées. Quant aux détails techniques tenant à la nature du régime, ils paraissent quand même dépassés. La République est-elle en équation ? Non, et que nous soyons dans un régime présidentiel, parlementaire, ou panaché (dernière trouvaille de nos constitutionnalistes), il faut bien avoir toujours présent à l'esprit les préceptes immortels de Montesquieu ; à savoir que le pouvoir doit arrêter le pouvoir dans un système de poids et contrepoids, garde-fou incontournable contre les dérives despotiques.