Et si les forces occultes de l'ANC faisaient ralentir la confection de cette satanée constitution ? Et si les forces dominantes au sein de la commission de réduction ainsi qu'au sein de l'ANC voulaient d'une constitution taillée sur mesure pour le pouvoir en place ? Et pourtant les Constitutionnalistes disent qu'il suffirait d'éliminer les articles ayant conféré une dimension dictatoriale à la constitution de 57 pour, déjà, simplifier les choses. Ils vont même jusqu'à dire que, quoique remodelée par la personnalisation des articles par Bourguiba, puis défigurées par les amendements obscènes sous l'ancien régime, cette constitution de 57 ne laisse guère de brèche aux manipulations antirépublicaines et que, dans son essence, elle représente un texte revalorisant l'Islam en tant que religion officielle de la nation, et puisant ses sources dans l'arabité représentant les réquisits de base de l'identité tunisienne. D'où vient dès lors que les rédacteurs de la prochaine constitution soient en train de tituber, davantage enclins à définir la nature de gouvernance que le type de régime ?
A cela une réponse bien précise : Ennahdha n'a que faire du Palais de Carthage puisque l'essence même d'un régime islamiste s'apparente au système parlementaire, avec une confortable majorité au parlement et un gouvernement portant bien sûr la même casaque.
On croit à tort que le régime parlementaire représente un garde-fou contre les dérives institutionnelles, organiques et systémiques. Ce n'est pas évident. Une dictature parlementaire cela signifie aussi que tout est synchronisé sur la force du parti dominant. On dit qu'avec Bourguiba puis Ben Ali, le parlement en était réduit à être une chambre d'enregistrement. Or ce n'est pas le système présidentiel qui a voulu cela. Mais le parti monolithique. Et c'est justement à des réminiscences monolithiques de ce genre que doit faire face la prochaine constitution. L'ennui dans tout cela c'est que l'ANC veut nous faire croire qu'en l'occurrence, elle réinvente la roue. De sorte qu'on se perd en conjectures au sein même de la Troïka avec le syndrome récurrent que le président de la République n'enjambe allègrement le perron du Palais où il « règnera » sans gouverner. Tout, finalement, tourne autour de Carthage. Et tous les chemins ramènent à Carthage.