J'espère que le Cheikh Rached El Ghanouchi et ses lieutenants de la Nahdha n'auront pas un jour à regretter la main tendue de M. Béji Caïd Essebsi qui n'a jamais fermé la porte à une « entente » avec le Parti islamiste ! En tout cas la mobilisation violente et agressive contre « Nida Tounes » à Djerba ce samedi 22 décembre 2012 signifie pour beaucoup d'observateurs, un arrêt pour ne pas dire la fin annoncée de l'Etat de droit en Tunisie post-révolutionnaire et du processus démocratique véritable. Tout ce dont nous avons rêvé depuis l'indépendance avec des générations successives de militants pour la liberté et la démocratie est en train de s'évanouir du fait de la volonté de domination de ceux qui s'estiment « destinés » à gouverner éternellement la Tunisie sans l'adhésion populaire pacifique à travers une concurrence politique honnête et des élections transparentes. Hier c'était le leader Ahmed Mestiri et ses compagnons qui ont été boutés hors du pouvoir et même de la participation politique par le « hold up » du Congrès de l'aile radicale du Parti Destourien (PSD) en 1971 à Monastir. Puis ce fut au tour des « éliminés » de la gauche et de la mouvance islamiste de la sphère politique par le régime totalitaire et corrompu de Ben Ali. Aujourd'hui après la Révolution qu'on croyait irréversible parce que jamais un peuple n'a tant bénéficié de conditions si avantageuses pour espérer instaurer une démocratie aux normes universelles, on revient à la case départ : seuls les détenteurs de la force brutale soutenue par les idéologies les plus rétrogrades pourront dire à ce peuple et ses élites, quel « niveau » de démocratie, ils peuvent espérer ! En fait c'est le retour à « l'Etat parallèle », un Etat dans l'Etat, où l'Etat légitime et de droit se laisse doubler et usurper de ses fonctions vitales, de la propriété exclusive de la puissance publique. Pourtant Ennahdha vainqueur légitime d'élections à peu près correctes, en tout cas acceptées par l'ensemble du corps politique et social, avait tout pour réussir sans aller à ces méthodes d'un autre âge et d'une autre époque, celle du totalitarisme européen d'avant la 2ème guerre mondiale. L'environnement national et international attendait impatiemment et avec un préjugé très favorable, ce « miracle » Tunisien d'instaurer une véritable démocratie à l'occidentale dans un pays arabo-musulman, donc en harmonie avec les préceptes de l'Islam modéré et bienfaiteur. La Tunisie avait le plus d'atouts dans la région pour combiner la modernisation avec l'identité culturelle héritée de la conquête islamique et la fondation de Kairouan. Voilà enfin le rêve de Kheireddine Bacha Attounsi révélé dans son ouvrage « « Akwam al Massalik fi Maârifati Ahwal Al Mamalek » (les meilleures voies pour connaître l'état des nations) exaucé. On allait assister pour la première fois dans l'Histoire de l'Islam à une synthèse heureuse entre la liberté, la Justice et les préceptes musulmans du Coran et de la « Sunna » (la vie et les recommandations du Prophète vénéré Mohamed). Le professeur Iyadh Ben Achour fils de feu Sidi El Fadhel Ben Achour et petits fils de Sidi Tahar Ben Achour, les deux Ulémas les plus brillants de leurs générations en terre d'Islam, recommandait aussi la même chose rien que ce Dimanche à « Nessma T.V » en appelant la Nahdha à combiner le « Bourguibisme » avec « l'Islamisme » ! Mais le juriste averti et rôdé aux constructions constitutionnelles, puisqu'il a présidé la haute instance de réalisation des objectifs de la Révolution, n'a pas manqué d'exprimer son scepticisme vu le rejet et la haine exprimés par l'aile radicale de la Nahdha à Bourguiba et son héritage y compris l'Etat moderne. Partant de tout cela aucune autorité même celle d'un Homme d'Etat honnête et travailleur comme Hamadi Jebali, Premier ministre ne peut garantir une évolution naturelle et pacifique du processus démocratique. Quelle que soit sa bonne foi, et personnellement j'y crois, il ne peut rassurer en ce moment l'opinion nationale et internationale après Tataouine, la Place Mohamed Ali, et Djerba, sur la bonne organisation des prochaines élections, dans ce climat de méfiance et de violence préoccupant dans le pays. Il va falloir qu'il prenne son courage à deux mains pour dire « Stop » à toutes les dérives et de dissoudre de manière irréversible toutes les « ligues » hors-la-loi qui terrorisent le pays et surtout empêchent les Partis politiques et les associations pacifiques légales de faire leur travail d'encadrement des citoyennes et des citoyens qui partagent leurs opinions ! Que d'occasions manquées pour la démocratie, pour la Nahdha elle-même et pour le pays de plus en plus incertain sur ce qui l'attend dans le futur proche ! Certes nous avons le pouvoir que nous méritons, et pourtant nous avons cru au miracle tant annoncé pour confirmer la Tunisie dans son rôle de leader dans la sphère arabe et musulmane. Allez... Foutaise la politique ! N'est-ce pas! Essayez quand même de garder le moral ! Bonne fête à nos amis Chrétiens... Aujourd'hui c'est Noël... Un peu de neige n'aurait pas été de trop pour apaiser la violence politique !