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Néji Jelloul , professeur d'Histoire et d'Archéologie islamique – Université de la Manouba
L'avis du spécialiste
Publié dans Le Temps le 22 - 01 - 2013

« Le chiisme culturel, minoritaire ne représene aucun danger pour la stabilité du pays »
Qu'est ce que le chiisme.? Est-ce que c'est réducteur de considérer le chiisme comme étant une doctrine qui s'attaque aux proches du Prophète telle que Aïcha, son épouse.?
Le chiisme est l'une des trois principales branches de l'Islam, avec le sunnisme et le kharijisme, 10 à 15% de musulmans, concentrés surtout en Iran et en Irak, suivent de nos jours cette doctrine, mais ce chiffre traduit mal le rôle politique et intellectuel de premier plan que joua le chiisme dans l'histoire de l'Islam et de sa civilisation.
Le chiisme donna à l'Islam deux grands empires, les Fatimides en Tunisie, puis en Egypte (Xème – XIIIème siècles) et les Safawides en Iran (XVIème siècle), des grands savants (Avicenne, Ibn Al Jazzar, Ibn Al Haythem, Ikhwan Al Safa, Ibn Moussa), des poètes (Ibn Hani) et des peintres (Bahzad). Malheureusement, il est de nos jours associé, à tort, aux intégristes de la république islamique fondée par Khomeiny en 1979. La propagande wahabiste ne retient, quant à elle, de cette immense œuvre théologique et culturelle que les attaques émanant de quelques sectes extrémistes duo-décimaines envers Aïcha qui avait combattu Ali lors de la célèbre bataille du « chameau ».
Dans un sens général, le terme Chiaâ se rapporte au mouvement qui accorda à la famille du Prophète (Ahl al Beït), une place privilégiée dans la direction politique et religieuse de la communauté musulmane. Le nom est dérivé de Chi'aât Ali et fut d'abord utilisé dans le conflit inter-musulman pendant le califat de Ali pour le distinguer de Chi'aât Othman, le troisième calife assassiné. Les Chiites se distinguent des sunnites par la place capitale qu'ils accordent à l'imam infaillible, ainsi qu'à la continuité de cette institution politico-religieuse. Ils sont aussi qadarites et partagent avec les mutazilites plusieurs usul. Les Chiites se divisent généralement en deux branches, les Hasanides et les Husaymides. Les Alaouites du Maroc sont des Hasanides, mais c'est la branche Husaynite qui joua un rôle politique et religieux de premier plan. Un descendant d'Al-Husayn, tué à Karbala 680, Jaâfar Al Sadik est le véritable architecte du Chiisme imamite. A sa mort (en 762), l'Imamiya se scinda en deux : les duodécimains (Ithaashariya), qui reconnaissent douze imams (le dernier est Mohamed Al-Askari qui avait disparu dans un souterrain de Samarra) et les Ismaïliens, partisans du septième imam Ismaïl.
Les Chiïtes d'Iran et d'Irak sont ithnaashariya. L'Ismaïlisme, se scinda en deux au Xème siècle de cette scission naquit la secte des quarmates qui fondèrent une célèbre principauté au Bahreïn.
Les Ismaïliens, tenant de la ligne officielle fondèrent à leur tour le califat fatimide en Tunisie en 910. Les Druzes du Liban et de Syrie, les Nizarites (dit Hashâshun) d'Alamout, les Bohara de l'Inde et les partisans de l'Agha Khan sont des sous-groupes de l'Ismaïlisme.
Est-ce qu'on peut considérer que le Chiïsme en Tunisie est un phénomène grave ?
- Certainement pas. Il ne faut pas oublier que la Tunisie avait vu la naissance, en 910, du premier califat chiïte de l'histoire de l'Islam. Avant d'aller s'installer au Caire, au temps du quatrième califate Al Moëz, ils firent de l'Ifriqiya le centre d'un immense empire englobant le Maghreb et l'essentiel des îles de la Méditerranée. Leur règne correspond à un âge d'or marqué par une grande prospérité économique et une activité culturelle intense. Le grand médecin Ibn Al-Jazzar, le philosophe Ibn Masarra et Qadi Al-Noôman étaient Chiïtes. C'est également, à l'époque des califes de Mahdia que le fakih malékite, Ibn Abi Zayd avait vécu. Leur règne fut marqué par une grande tolérance envers les Sunnites, mais envers les Chrétiens et les Juifs.
Le Chiïsme qui se développa en Tunisie durant ces dernières années, notamment après la révolution, est de tradition duodécimaine, contrairement au Chiïsme ismaïlien prôné par les Fatimides. Il est, en grande partie, lié à l'attrait qu'exerça sur une frange de jeunes la révolution iranienne et les succès du Hezbollah libanais. La politique religieuse désastreuse de Ben Ali discrédita « l'Islam officiel » et détourna une partie de la jeunesse, souvent issue de milieux défavorisés et peu instruite vers le salafisme wahabite. D'autres plus instruits, succombèrent aux sirènes du Chiïsme messianique et ses promesses de salut éternel dont quelques aspects rappellent le malékisme maraboutique maghrébin. Donc, contrairement au salafisme, ce Chiïsme culturel, minoritaire, ne représentent aucun danger pour la sabilité du pays surtout que ses adeptes ne pratiquent aucune forme de prosélytisme. Personnellement, cette communauté me rappelle celle des Bahaï, bien intégrée en Tunisie depuis longtemps.
Avez-vous une idée du nombre de Tunisiens adeptes de cette doctrine ?
- On n'a aucun recensement, mais leur nombre ne doit pas dépasser quelques milliers. Gabès est considérée comme leur bastion, il y a, également, deux petites communautés à Kébili, et à Mahdia. Le Chiïsme mahdois est plutôt de nature nostalgique lié au prestige de la capitale des Fatimides, qui furent partisans de la doctrine ismaïlienne alors que le Chiïsme tunisien moderne est plutôt duodécimain (ithnaashariya). Il n'y a, donc, aucune relation historique entre ces deux vagues du Chiïsme.
Est-ce que le conflit Chiïte-Sunnite date d'aujourd'hui ?
- Ce conflit date surtout de l'époque abbasside, quand les principales firqa musulmanes virent le jour. Malgré la trame religieuse il fut surtout d'ordre politique.
Les guerres qui opposèrent les califes de Mahdia à ceux de Cordane et de Baghdad étaient plutôt liés à des ambitions territoriales, il en est de même pour les passes d'armes qui opposèrent les sultans ottomans aux princes safavides d'Iran au XVIème siècle. A l'intérieur de ces empires les diverses communautés avaient souvent vécu en paix d'où la survivance de grandes communautés chiîtes dans des pays à majorité sunnite (Arabie Saoudite, Yémen, Syrie, Koweït). Le contraire est aussi vrai (les Sunnites d'Irak ou du Bahrein). Les Alides de Turquie constituaient depuis des siècles une minorité florissante et prospère. Cette longue histoire était parfois entachée de pogroms du chiïsme tunisien.
De nos jours, le conflit irano-saoudien a ravivé ce conflit et lui donna un aspect confessionnel qui est entrain de plonger le Moyen-Orient dans une guerre civile ravageuse.
Est-ce que ce conflit a ses raisons d'être en Tunisie ?
- Non, mais, le fanatisme des groupes salafistes qui considèrent les Chiïtes comme des « non musulmans » peut entrainer de graves troubles, d'une ampleur plus grande que ceux du 17 août 2012 à Gabès, quand des Wahabites fanatisés s'en prirent aux Chiîtes sortis manifester à l'occasion de la journée d'Al-Qods. L'anti-chiïsme a, malheureusement, pris une forme institutionnalisée après la fondation par l'avocat Ahmad Ben Hasana de la « Ligue tunisienne pour la lutte contre le Chiïsme ». Cette dernière est soutenue par Adel Elmi, Sadok Chourou et le Cheikh salafiste de Msaken qui appela les chiïtes à se repentir ou revenir en Iran », alors qu'ils sont tunisiens de père en fils et qu'ils sont considérés comme musulmans par la très conservatrice université d'Al-Azhar. Ces illuminés risquent un jour de provoquer une chasse à l'homme aux conséquences désastreuses car le Chiïsme s'est développé, notamment dans la région de Gabès, dans un milieu où les relations tribales sont encore vivaces.
Le conflit tel qu'il se présente en Tunisie est-ce un conflit idéologique ou une diversion politique ?
- De nos jours, les Salafistes crient au complot et dénoncent une tentative d'infiltration de l'Iran. Leur croisade est menée au nom de « l'identité sunnite de la Tunisie », oubliant que leur doctrine est, elle aussi, étrangère à la Tunisie. Depuis le XIXème siècle, les Tunisiens opposèrent un refus catégorique à la prédication wahabite et le cheïkh zeïtounien Al-Tamimi rédigea en 1804, une célèbre « risala » dénonçant les déviations de l'Islam de Najd. Cette croisade « religieuse » est en réalité un habillage camouflant à peine des considérations politiques liées aux ambitions de quelques pays du Golfe. Elle prolonge, dans le lointain Maghreb, le conflit d'influence que livre l'Arabie Saoudite, appuyée par l'allié américain, à l'Iran et la Syrie. Lors de la manifestation du 17 août à Gabès, les Chiïtes furent « corrigés » après avoir scandé des slogans glorifiant Bachar Al-Assad.


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