-Les anciens prisonniers politiques s'organisent et créent une commission de soutien qui comporte des associations et des personnalités nationales. Ils comptent généraliser leur action dans d'autres régions du pays. -Les sit-inneurs signataires du mouvement de résistance entrepris depuis le 17 janvier 2013 sont au nombre de 2000. Ce vendredi, la Kasbah fait ses humanités. Cette fois, ce ne sont pas des extrémistes déchaînés qui investiront les lieux pour scander des slogans idéologiquement orientés, mais ce sont des Hommes ayant été pendant des années dépravés de leur humanité qui réclament leurs droits à l'indemnisation et à la réhabilitation. Comme par stoïcisme, comme par entêtement, les anciens prisonniers politiques continuent leur combat : leur humanité souffrante n'étant pas encore réparée et leur jeunesse volée n'étant pas encore dédommagée. A la Kasbah là où ils investissent l'espace depuis maintenant trois semaines, ils organisent une manifestation qu'ils nomment « Joumouat al soumoud » (Le vendredi de la résistance). Ce qui mérite d'être retenu lors de cette journée est que la résistance se structure. « La commission nationale de soutien au sit-in » a été annoncée hier et selon son porte-parole Mohamed Agrebi, un ancien prisonnier politique ayant connu les affres de l'incarcération « elle comporte beaucoup de personnalités nationales comme Saida Akremi, Abdeljelil Témimi, Raouf ben Yaghlène, qui se sont joints aux 2000 victimes de la répression déjà signataires de ce mouvement de résistance entrepris depuis le 17 janvier. « Maintenant on est plus organisé et on compte créer d'autres mouvements de résistance dans des régions à l'intérieur du pays » commente Mohamed Agrebi qui ajoute, « Il faut dire que notre combat ne date pas d'aujourd'hui. C'est un combat de trois décennies de tortures, de disparitions inexpliquées, d'arrestations et de détentions arbitraires... ». La liste des violations aux droits de l'Homme est, en effet, longue et elle n'est pas propre aux islamistes comme veulent le faire croire certains fauteurs en eaux troubles. A rappeler que le décret-loi relatif à l'amnistie générale a été proclamé depuis février 2011 et qu'il n'exclut aucune catégorie de personnes ayant été poursuivies pour des crimes de droit commun suite à leurs activités politiques ou syndicales. Il ne faut pas se leurrer tout de même, car le dédommagement n'est pas uniquement financier puisque le dommage peut être lié à une perte d'emploi ou tout simplement à un temps de liberté. « On ne transige pas avec le principe qu'un prisonnier politique doit être réparé moralement ou dédommagé financièrement ou les deux à la fois. Nous sommes une force de résistance mais pas une force de propositions. C'est à l'Etat de définir les manières dont il devrait s'y prendre avec les victimes d'un régime tortionnaire. », déclare Mohamed Agrebi, qui continue « Aujourd'hui, j'ai 42 ans. Quand on m'a incarcéré j'étais à la fleur de l'âge. J'ai été le premier de la classe en matière de philosophie et en arabe. On m'a volé ma jeunesse et mon avenir qui aurait été plus brillant. » Simulation d'un séjour en prison Mais est-ce un jeu politique auquel se prêtent les anciennes victimes des mesures répressives? « C'est désolant de réfléchir de la sorte. Car l'indemnisation n'est pas une demande d'allégeance à un parti quelconque, mais c'est un droit auquel doivent accéder tous les amnistiés quelles que soient leur orientations idéologiques. Notre sit-in est en dehors de tous les calculs politiques. », répond notre interlocuteur qui insinue le fait que la volonté politique pour dédommager et réhabiliter les bénéficiaires de l'amnistie générale n'y est pas jusque-là. « Le gouvernement du 23 octobre consacre le système désuet de Ben Ali. On ne veut pas être l'adversaire d'aucune partie mais on réclame tout simplement nos droits les plus élémentaires à une vie digne. » confie Mohamed Agrebi. Au moment où le journal était sous-presse, les sit-inneurs organisaient déjà une soirée porte-ouvertes simulant un séjour dans une unité carcérale dite ‘'Siloun'' « C'est le plus rude des enfermements. On y inflige toutes sortes de tortures contre des prisonniers qu'on enchaîne et qu'on isole dans des cellules où l'on est prive de tous les impératifs de la vie humaine. » Il faut tout juste être un humble humaniste pour goûter au malheur d'autrui. Celui des anciennes victimes de la répression nous semble porteur d'une part mal définie de bonheur « Nous vivons, malgré tout, une ambiance d'un 14 janvier libérateur et tellement salvateur de nos vagues à l'âme » nous dit Mohamed Agrebi.