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Le monde entier ne parle que de cet ignoble assassinat
Publié dans Le Temps le 08 - 02 - 2013


Le Quotidien : Menaces sur la Révolution
Qui a tué l'avocat Chokri Belaïd, figure de l'opposition de gauche ? Ceux qui sont dans une opposition frontale au mouvement Ennahda - et le défunt en faisait partie - ont immédiatement accusé le parti de Ghannouchi.
Et il ne s'agit pas d'une simple accusation morale en direction d'un parti qui a la charge du gouvernement - et donc de la sécurité - mais d'une mise en cause en bonne et due forme. Cette accusation paraît trop facile car automatique et sans recul. Elle contribue directement à une stratégie de la tension destinée à entraver la transition politique vers un régime démocratique.
Le gouvernement dominé par Ennahda est comptable de la sécurité des citoyens et il est lourdement en défaillance. Mais l'accusation qui est portée contre le parti islamiste d'avoir fait assassiner Chokri Belaïd est aussi injuste que dangereuse. Elle vient conforter l'argumentaire simpliste des milieux qui travaillent à une confrontation idéologique allant jusqu'à la guerre civile. Jusque-là, malgré des graves difficultés, la transition tunisienne a connu des dérapages limités dans la violence. Il reste que l'activisme des salafistes djihadistes à l'extérieur, en Syrie principalement et récemment à Tiguentourine où ils étaient très nombreux au sein du groupe des assaillants, fait peser un grave risque sur le pays. Ces activistes d'une culture frustre constituent le vivier d'aventuriers aussi fanatisés qu'aisément manipulables et c'est une piste possible dans l'affaire de l'assassinat de Chokri Belaïd.
L'autre piste est celle des hommes de l'ancien régime qui disposent de l'argent et de «l'ingénierie» pour manipuler des jeunes nervis qu'ils soient islamistes ou plus prosaïquement des délinquants. C'est à eux que pense probablement Moncef Marzouki en qualifiant l'assassinat de «message des ennemis de la révolution». «Nous refusons cette lettre, nous refusons ce message et nous continuerons à démasquer les ennemis de la révolution», a-t-il déclaré. Rien n'est certain cependant sur les auteurs et les commanditaires de ce crime et les hypothèses sont plus grandes que les certitudes. Pour l'heure, l'affaire empoisonne un climat politique déjà très détestable.
Il faudra que l'enquête se fasse correctement et vite pour démasquer les coupables et les traduire devant la justice.
En attendant, il faudra aux tunisiens beaucoup de volonté et d'effort politique pour éviter de tomber dans le piège de la tension et de la confrontation. c'est bien la plus grande menace qui guette la Tunisie. le président tunisien qui se trouvait a Strasbourg et qui a décide de renoncer a participer au sommet de l'OCI au Caire pour revenir au pays a mis le doigt sur le risque majeur pour le pays. «cet odieux assassinat n'a pas d'autre objectif que d'opposer la composante laïque a la composante musulmane de la société pour susciter le chaos». Il s'agit bien pour la Tunisie de ne pas permettre aux assassins, quels qu'ils soient, d'atteindre ce funeste objectif. Beaucoup travaillent a un scenario de confrontation entre islamistes et laïques pour le plus grand bénéfice des néo-fascistes et des nostalgiques de l'absolutisme. il reviendra aux forces démocratiques tunisiennes, celles qui sont au pouvoir comme celles qui sont dans l'opposition, d'étouffer dans l'Œuf ceux qui veulent la guerre civile et cherchent a rendre désirables les temps humiliants de la dictature de ben Ali.

Observateur : Meurtre de Chokri Belaïd : A qui profite le crime
Le meurtre à Tunis hier matin de Belaïd Chokri, l'un des principaux responsables du Front populaire, coalition de partis et organisations laïques ou libéraux qui s'oppose au régime dominé par le parti islamiste Ennahda, a suscité consternation et colère à travers la Tunisie. A l'annonce de l'odieux crime, des manifestations d'indignation spontanées se sont produites, ainsi que des attaques contre des sièges appartenant au parti Ennahda.
En ciblant ainsi ce parti, les assaillants ont clairement montré qu'ils le tiennent pour responsable du meurtre de l'opposant. Ce qui demeure à prouver car rien pour l'instant n'autorise à l'imputer à cette formation ou à un auteur s'en réclamant. Il ne fait aucun doute en tout cas que l'assassinat de Belaïd Chokri est un crime politique et ceux qui le dénoncent ont pleinement raison de l'imputer aux adversaires politiques que la victime combattait et pourfendait avec constance et sans concession. Au premier rang desquels les partisans du courant islamiste dont la frange salafiste a prouvé qu'elle ne recule pas devant la violence politique pour faire taire les opposants au projet de société islamiste en train de se mettre en place en Tunisie. Ghannouchi, le leader d'Ennahda, ainsi que le Premier ministre tunisien issu de cette formation islamiste ont immédiatement condamné l'assassinat et démenti l'accusation que leur parti serait derrière l'assassinat ainsi que portée sans précaution d'aucune sorte par l'épouse et le frère de la victime.
La violence politique en Tunisie est devenue monnaie courante exercée par les activistes du courant islamiste, sans que l'Etat que le parti Ennahda contrôle ne réagisse fermement contre ceux qui en sont les auteurs clairement identifiés, les salafistes intégristes, mais aussi les pseudo «comités de défense» de la révolution peuplés en majorité d'éléments acquis au parti Ennahda.
L'assassinat de Belaïd Chokri n'est pas survenu dans une Tunisie sereine où l'exercice de la liberté d'expression et le droit de s'opposer pacifiquement au régime en place sont admis et respectés par celui-ci. C'est un pays où les tensions ne font que monter depuis l'arrivée au pouvoir des islamistes d'Ennahda. Lequel pouvoir démontre qu'il n'entend plus tolérer les remises en cause dont il fait l'objet, tant par l'opposition laïque et libérale que par cette partie de la population tunisienne qui ne voit rien venir de lui concernant ses problèmes sociaux.
Elles risquent de se traduire par une explosion qui précipitera le pays dans l'instabilité si ce n'est le chaos recherché par les adeptes de la violence politique. Il n'a pas tort ce politologue tunisien qui consulté peu après l'assassinat de l'opposant Belaïd Chokri a déclaré craindre que son pays ne soit entraîné dans un scénario ressemblant à celui que «l'Algérie voisine a vécu durant la décennie 90».
Si Ennahda est innocent du crime contre Chokri, il lui faut néanmoins se démarquer irrécusablement des milieux qui justifient la violence en tant que mode de combat contre leurs ennemis politiques. S'en démarquer et les neutraliser, faute de quoi il sera responsable de la situation chaotique vers laquelle la Tunisie se dirige. Pour ceux qui en Tunisie et à l'étranger n'ont eu de cesse de vouloir rassurer sur ce pays en prétendant que sa société est réfractaire à la violence, y compris les extrémistes qu'elle recèle, l'assassinat du charismatique et très populaire opposant au régime a fait l'effet d'une douche froide qui on l'espère leur fera renoncer à l'optimisme sans fondement qu'ils ont voulu faire partager.

LIBERTE : Tournant grave
Ce que tout le monde craignait est arrivé. Le premier assassinat terroriste vient de cibler un leader d'un parti d'opposition et membre actif de la société civile. Cet assassinat de Belaïd Chokri est à inscrire dans la catégorie des crimes politiques et constitue un tournant grave dans la vie de ce pays, hier encore, havre de paix... Cet acte odieux, dont les auteurs n'ont sûrement pas évalué les conséquences sur la société tunisienne, a fait basculer le débat contradictoire qui a eu lieu jusqu'à présent au sein de l'Assemblée nationale constituante ou dans des manifestations de rue dans une spirale de violence dont ce n'est que le début. À moins que les Tunisiens se ressaisissent en se référant à ce qui s'est passé en Algérie durant les années noires. L'histoire ne peut pas être toujours un éternel recommencement et les Tunisiens, forts de la vitalité de leur société civile, peuvent faire barrage à ceux qui leur ont confisqué la révolution du Jasmin. Ceux-là mêmes qui ont tiré les marrons du feu, aujourd'hui, installés aux commandes du pays, viennent de signer leur arrêt de mort par cet assassinat indigne. Et pourtant, par les élections, ces islamistes à l'apparence BCBG, à l'image de leur chef Ghannouchi, sont au pouvoir au détriment de la majorité de la population, avec en sus la bénédiction des pays démocratiques et des Etats féodaux. Pour les premiers, rien ne peut arrêter la réalité des urnes, pour les seconds, c'est la victoire du religieux sur le laïque.
Pour l'Algérie, ils ont été nombreux ces pays à dénoncer l'arrêt du processus électoral de janvier 1992, criant sur tous les toits leur désapprobation quant à la confiscation des voix des électeurs. Mis en quarantaine et en isolation totale, le pays n'a survécu que grâce à la mobilisation de la société civile et de l'implication de l'armée appelée pour sauver la République. Le prix à payer a été lourd. Si le prétexte, avancé du recours à la violence par les islamistes algériens du fait qu'ils se sont considérés spoliés de leur victoire aux législatives, a convaincu les Occidentaux, que dire de la Tunisie où ils règnent en maîtres absolus ? Rien. Sinon tirer la conclusion qu'il n'y a pas d'islamisme modéré pouvant être soluble dans la démocratie.

El Watan : La bête immonde a frappé
La violence est en train de s'installer en Tunisie, où les salafistes ont frappé à nouveau une semaine après qu'ils aient assassiné un citoyen à Tataouine. Hier, ils ont tué devant son domicile un avocat progressiste, maître Chokri Belaïd, vice-président du Front populaire, très connu pour avoir été un opposant farouche au régime de Zine El Abidine Ben Ali. Le crime a provoqué une onde de choc chez le peuple tunisien, qui a rapidement exprimé sa colère en détruisant plusieurs sièges d'Ennahda, le parti de Ghannouchi qui n'a pas hésité à envoyer la police contre des manifestants dans le centre de la capitale.
Le terrorisme islamiste n'est qu'à ses débuts et il faut craindre que le pire ne soit à venir. Les Algériens sont assez bien placés pour le redouter. Depuis qu'Ennahda est arrivé au pouvoir, tout a été fait pour encourager la mouvance salafiste dont les débordements ont été ignorés par les services de sécurité. La passivité de ces derniers a poussé les barbus à redoubler de férocité, encouragés par Ghannouchi qui a montré, à leur égard, la plus grande des compréhensions. N'ayant pas relancé la machine économique, son slogan «L'islam est la solution» ne donnant pas de pain aux populations, le leader islamiste trouve certainement une diversion grâce au déchaînement de la violence. Il n'a jamais condamné par exemple les destructions des mausolées ni les actes de barbarie perpétrés par ses militants dans les enceintes universitaires.
L'élite intellectuelle est désormais la cible des intégristes, un phénomène déjà connu par l'Algérie. Surtout que les terroristes tunisiens ne doivent pas manquer d'armes et de munitions depuis la chute du dictateur libyen Mouammar El Gueddafi. Et la déstabilisation de la Tunisie aura des répercussions négatives sur toute la région. On le voit avec ce qui se passe au Mali, d'où les djihadistes envisageaient de mettre à feu et à sang toute la région du Sahel. L'avenir de la Tunisie, déjà plongée dans une grave crise politique, économique et sociale, s'annonce malheureusement sombre. Le péril vert fera davantage de dégâts si la communauté internationale ne se mobilise pas de manière conséquente, en attaquant le mal à sa racine, en isolant ses sources de financement. Et celles-ci sont connues.
Ce sont le Qatar et le wahhabisme d'Arabie Saoudite qui veulent renvoyer le Monde arabe dans l'obscurantisme. Les deux pays sont allergiques à tout ce qui est démocratie et n'hésitent pas à mettre tous les moyens dont ils disposent pour bloquer les peuples arabes. Il est temps de se pencher sur le cas de ces régimes hors la loi, qui encouragent le crime et la destruction. Ils sont ménagés parce qu'ils disposent de fabuleuses richesses et des moyens de pression et de corruption. Les dégâts qu'ils feront à l'humanité seront irrémédiables, si celle-ci continue à laisser faire en ne s'engageant pas dans un combat résolu contre l'islamisme. Dans le cas contraire, le réveil sera plus que brutal.

Le Monde : Le berceau du “printemps arabe" à l'heure du drame
Berceau du mouvement de révolte qui bouleverse le monde arabe, la Tunisie vit des heures graves, dangereuses et qui peuvent tourner à la tragédie. Ce n'était pas inévitable. Il y a des responsables. L'assassinat, mercredi 6 février, d'un des dirigeants de l'opposition laïque, Chokri Belaïd, est le point d'orgue d'une situation qui n'a cessé de se dégrader depuis plus d'un an.
Avocat de 49 ans, Chokri Belaïd était un homme courageux. Il dirigeait le Mouvement des patriotes démocrates (MPD), membre d'une coalition d'opposition regroupant une douzaine de formations. Il a été tué en plein jour, devant son domicile, atteint de quatre balles, tirées par deux hommes qui ont pris la fuite à moto.
Cet assassinat politique, comme la Tunisie en a peu connu, cristallise une opposition de plus en plus frontale entre deux camps : d'un côté, les sympathisants du parti majoritaire, la formation islamiste Ennahda, qui domine le gouvernement et l'Assemblée constituante ; de l'autre, les tenants d'une laïcité généreuse, saisis d'effroi devant la montée des provocations et violences perpétrées par des groupes multiples agissant au nom de l'islam politique.
Toute la journée de mercredi, des affrontements de rue ont mis la police aux prises avec les militants de l'opposition. Les manifestations ont été violentes. Dans nombre de villes de province, les permanences du parti Ennahda ont été incendiées. Un policier a été tué.
La colère couvait depuis longtemps. Elle est le produit d'une crise multiforme. Politique d'abord, avec un parti majoritaire, Ennahda, qui n'a pas su ou pas voulu ouvrir suffisamment le gouvernement ; qui a traîné avant de fixer une date pour les futures élections ; avec une Assemblée constituante, enfin, qui n'en finit pas définir ses travaux.
La crise est économique. L'instabilité politique fait fuir touristes et investisseurs étrangers. Elle est aussi, surtout, sociale, notamment dans les régions, avec l'explosion du chômage dans une jeunesse désœuvrée et d'autant plus révoltée qu'elle croyait, à la chute de l'ancien régime, en des lendemains qui chantent.
Il n'y a pas assez d'éléments pour privilégier à ce stade l'une des pistes possibles dans le meurtre de Chokri Belaïd. Il peut être le fait des partisans de l'ex-dictateur Ben Ali, chassé du pays en janvier 2011 ; on peut y voir le geste d'un groupe salafiste, ces extrémistes islamistes, voire celui d'une frange radicale et incontrôlée de militants d'Ennahda.
Ce qui est sûr, c'est qu'Ennahda a laissé s'installer un climat délétère en tolérant une incessante série de violences à l'adresse de tous ceux qui ne pensent pas selon ses canons. Impuissance, inexpérience au gouvernement ou désir plus ou moins conscient de soumettre le pays à une islamisation rampante ? Le résultat est là : mausolées soufis brûlés par dizaines, refus d'assurer la protection des opposants, agressions répétées perpétrées par des barbus armés – et, aujourd'hui, assassinat politique.
Il faudra à la Tunisie l'antique sagesse qu'on lui prête souvent pour qu'elle ne s'enfonce pas dans le drame.

TRIBUNE DE GENEVE : Assassinat politique contre le héraut tunisien anti-islamiste, Chokri Belaïd. Précédents, enjeux et conséquences
Mon ancien mal, je le supportais bien, en voici un nouveau, ce qui n'arrange vraiment rien.
(Proverbe tunisien)
Chokri Belaïd, l'un des leaders de l'opposition laïque en Tunisie a été assassiné de quatre balles en ce jour où le Président tunisien, Moncef Marzuki, était attendu pour prendre la parole à Bruxelles. Secrétaire général du Mouvement des patriotes démocrates et avocat de son état, il symbolisait la lutte contre les ennemis de la révolution de jasmin, et par ricochet, contre le pouvoir en place issu du parti islamiste l'Ennhada (terme qui signifie étymologiquement la Renaissance) qui avait gagné les élections. On se souvient d'un célèbre tunisien, chantre des libertés publiques, devenu ministre de la communication mais qui démissionna quelques mois après pour avoir souffert de «dysfonctionnements dans l'exercice de l'état», mettant le doigt sur les réflexes bien ancrés, semblables à l'ancien régime.
Une foule de plus en plus grandissante se rassemble devant le Ministère de l'Intérieur.
Ce triste jour met en exergue les terribles tensions existantes, la volonté d'asphyxier les activités de la société à l'œuvre qui a pour résultat un mal-développement récurrent alors que l'année dernière aurait pu voir un essor socio-économique significatif, véritablement libérateur.
La Suisse s'était mobilisée aux premières heures de la chute de la dictature du clan Ben Ali pour accompagner les étapes de la transition, pour la création d'emplois grâce à la mise en place de structures efficientes ; des opérateurs économiques porteurs de projets à forte valeur ajoutée, tunisiens comme étrangers, étaient prêts à (s') investir dans ce pays ami, refroidis dès cet été à l'annonce du report de l'élection de la nouvelle constitution prévue le 23 octobre 2012 (en référence à la date de l'année précédente, jour pour jour, de l'élection de l'assemblée constituante) où il était stipulé, noir sur blanc, que la place de la femme revenait à être juste aux côtés de l'homme alors qu'elle fut pendant des décennies le fer de lance du développement économique du pays: autrement dit, elle serait reléguée au rang de chose, perdant ainsi les acquis depuis Bourguiba, premier Président d'après l'indépendance, élu en 1956, qui avait attribué les mêmes droits pour tous dans les domaines de l'éducation, l'accès aux emplois, la jouissance des libertés civiques et politiques.
L'exception tunisienne souffre aujourd'hui d'un corset qui l'étrangle et pleure la perte de personnalités qui se sont battus contre la répression politique, la spoliation d'entreprises, garantes d'emplois et de la prospérité du pays.
La Secrétaire d'Etat à l'Economie, Madame Ineichen, a annulé sa visite officielle prévue de longue date pour le mois de septembre à cause d'une telle politique de blocages. Le travail diplomatique, toujours fidèle à ses engagements, continue de plus belle. Il faut ainsi souligner l'accouchement d'un texte fondateur signé par les deux parties, suisse et tunisienne : un protocole pour la protection des entreprises suisses, qui remplace celui en vigueur depuis 1964.
Les ressources économiques étant le nerf de la guerre, on assiste à un nombre important de nouvelles entreprises contraintes à fermer leurs portes alors qu'on aurait pu (s') attendre à un vent contraire. Au début de cette année, la Banque de Développement d'Afrique (BAD), véritable poumon économique, sponsor principal d'actions pour le continent africain dont sont issus certains décideurs politiques, indéniable fierté pour le pays qui accueille son siège, en plus de l'apport substantiel non négligeable que sa présence y assurait, annonçait son départ de Tunis pour aller s'installer à Abidjan. Des investissements extérieurs salués en début de l'année passée dont les acteurs ont perdu toute trace semblent perdus dans la nature, sans traçabilité aucune.
Avec l'assassinat politique de Chokri Belaïd, leader du mouvement laïc, pour qui une dés-islamisation des structures sociales s'imposait naturellement, on a tué la révolution. Le neutraliser n'était motivé que par une volonté de le faire taire. La Tunisie mettra longtemps à se reconstruire. La dignité de ses citoyens a mal. Regorgeant de talents connus autant que reconnus, le peuple tunisien mérite mieux, d'autant qu'il en appelle de ses vœux depuis deux ans à une autre vie, plus propice à la créativité, au respect dû, à l'intelligence libre.

Liberation : Tendu
Le meurtre de l'opposant Chokri Belaïd est un véritable signal d'alerte pour la Tunisie. Les responsables de ce qui apparaît comme un assassinat politique ne sont pas connus, mais Belaïd dénonçait courageusement depuis des semaines les milices islamistes. La violence extrême s'installe dans ce pays qui fut le premier à se libérer de son dictateur. Les manifestations à travers toute la Tunisie, le retour précipité du président Marzouki, un laïc, montrent que le peuple mesure l'enjeu de cette exécution et la gravité de la situation. Comme en Egypte, la révolution s'abîme dans l'affrontement entre les intégristes et les opposants qui voient «leur» révolution confisquée. Aussi bien Ennahda, en Tunisie, que les Frères musulmans, en Egypte, entendent imposer leur ordre coranique, par la force si nécessaire, à leurs concitoyens. Alors que ni l'un ni l'autre de ces partis, vainqueurs certes d'élections libres dans des pays qui n'avaient connu que des dictatures, n'est majoritaire. A lire la pratique du pouvoir de ces mouvements, islamisme et démocratie ne sont pas compatibles. Faut-il pour autant enterrer ces printemps arabes, comme le veulent certains avec une Schadenfreude. Après des décennies de despotisme, l'apprentissage de la démocratie et de l'Etat de droit ne peut être que difficile, long et tendu. Espérons que la Tunisie, où est né le printemps arabe, continue à en être le modèle et non le tombeau.


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