Hier à l'espace «Theatro», le Front Populaire a tenu une conférence de presse pour annoncer son initiative signée par 8 partis politiques et 19 associations de la société civile: un congrès national de salut. Selon son porte-parole, Hamma Hammami, cette alternative émane d'une volonté populaire qui était, clairement et fermement, exprimée le jour des funérailles du martyr de la patrie Chokri Belaïd. A travers sa présence massive, le peuple a transmis des messages très explicites et très faciles à décoder : sa disposition à faire face à tous ceux qui veulent engager le pays sur la voie du terrorisme, son refus catégorique aussi bien de la pérennisation de la crise à ses dépens et que du gouvernement actuel qui assume la responsabilité politique du crime d'assassinat pour en avoir préparé le terrain, selon Hammami. 0,.. responsabilité La crise dont même Hammadi Jebali reconnaît l'existence rien qu'en prenant l'initiative de former un gouvernement de technocrates et qui s'impose à tous touche aux domaines politique, économique et social. Le porte-parole du Front Populaire a tenu à souligner que l'opposition ne pourrait, aucunement, partager la responsabilité de cette crise, comme le prétend celui-ci, étant donné qu'elle est dépourvue de tout pouvoir, et c'est à ce niveau que la fameuse formule 0,.. lui est, vraiment, applicable, ironise Hammami. L'entière responsabilité incombe à la partie qui détient l'autorité, c'est-à-dire le gouvernement, il est le seul responsable de la crise dont les raisons sont multiples. Il est accusé d'avoir bloqué la vie politique, la constitution, les réformes, les instances de régulation, la justice transitionnelle, de ne pas rompre avec les choix de l'ancien régime, de ne pas arrêté le fléau de la violence... « Ennahdha a mis la main sur tous les rouages de l'Etat, mine la constitution pour réinstaller la dictature, vend le pays par la conclusion de conventions ayant un caractère stratégique. Toutes ces raisons imposent la démission du gouvernement, affirme Hamma Hammami.» Ni forme, ni fond Concernant la proposition de Jebali, qui n'est pas innovateur en la matière, puisque, affirme-t-il, l'opposition en a déjà parlé bien avant lui, il en a critiqué le procédé dans lequel il voyait une attitude altière assimilable à celle de l'époque dictatoriale. Pour lui, la question n'est pas aussi simple pour y apporter une réponse monosyllabique, oui ou non, par émail ou par fax. De plus, ladite proposition ne comporte que des titres vagues, elle ne contient pas de programme politique se rapportant à l'ouverture de l'enquête sur l'assassinat du martyr Chokri Belaïd, la dissolution des « ligues de protection de la Révolution », l'incrimination de l'incitation à la violence et au meurtre dans les lieux de culte par certains imams, la sauvegarde des libertés... La proposition aurait du appeler à un dialogue portant sur toutes ces questions de fond. « Malheureusement, elle n'est recevable ni au niveau de la forme, ni sur le plan du contenu et elle ne pourrait, donc, résoudre les problèmes du pays auxquels nous sommes confrontés, nous sommes pour un gouvernement de compétences nationales mais pas avec ce profil, précise Hammami. » Déblocage Reconnaître l'existence de la crise est, suivant lui, insuffisant, pour sortir de la crise. Cela ne serait possible qu'avec la tenue d'un congrès national de salut où prendraient part des forces politiques et civiles. Ce congrès qui se tiendrait dans une semaine n'est, en fait, que la forme évoluée de l'initiative de l'UGTT dont le secrétaire général se représente bien l'urgence d'un tel projet. Le programme de salut national consiste dans le déblocage de la vie politique par l'établissement d'un agenda, des instances de régulation, de la loi électorale, la mise d'un terme final à la corruption financière et politique, l'annulation de toute les nominations dans des postes clés au sein de l'administration sur la base de l'obédience politique et non pas conformément au critère de compétence... l'ensemble de ces mesures devraient être garanties par la loi et non pas promises verbalement. Toutefois, pour réussir, ce volet politique devrait être soutenu par des mesures urgentes touchant à la vie sociale, en d'autres termes, le citoyen n'a pas seulement besoin de liberté mais aussi et surtout de subvenir à ses besoins sans lesquels celle-ci n'aurait aucun sens. La satisfaction de ces derniers passe nécessairement par le gèle des prix des matières de base pour une période bien déterminée, selon le porte-parole du Front Populaire. Réforme fiscale Les autres urgences susceptibles d'amortir la crise sinon la dépasser sont la suspension de la dette au lieu de l'endettement avec des conditions qui sont de nature à hypothéquer le pays comme le propose la Banque Mondiale à travers son nouveau Plan d'ajustement Structurel (PAS), une telle option permettrait de renflouer les caisses de l'Etat de quelques 4200 milliards de millimes, la lutte contre l'évasion fiscale s'élevant à 15000 milliards, l'établissement d'une imposition sur les grosses fortunes qui n'est pas une mesure socialiste, fait remarquer Hammami qui rappelle que même Obama a appliquée dans le plus grand pays capitaliste au monde. Face à cette rigueur à l'égard des fortunés, l'Etat devrait observer une certaine souplesse vis-à-vis des petits agriculteurs au profit desquels le Front Populaire réclame la suppression des maigres crédits qu'ils ont perçus et dont l'ANC a refusé l'annulation alors qu'elle a décrété l'exonération fiscale pour les classes aisées. Les artisans du crime La situation dans le pays est chaotique sur tous les plans. « On a mis les autorités en garde sur la gravité de la situation sécuritaire, mais elles en ont fait fi, et en fin de compte on en est arrivé au crime politique. On espère que cette fois-ci elles prendront au sérieux cette nouvelle mise en garde. On s'achemine petit à petit vers le crime organisé avec ces « ligues de protection de la révolution » et l'émergence de groupes armés parallèles aux forces de l'ordre. Les autorités doivent réagir et intervenir immédiatement en dissolvant les premières et en arrêtant les seconds, la sécurité est l'apanage de l'Etat, il en est le seul garant, le concurrencer à ce niveau c'est le diviser et l'affaiblir, ce qui serait le prélude à la terreur, ajoute le porte-parole du Front Populaire. » L'incitation à la violence et au meurtre n'émane pas seulement de quelques imams mais également de certains ministres dont celui des transports qui a dit, lors de la manifestation de samedi dernier à l'Avenue, « si on avait voulu les liquider on aurait pu le faire » en parlant de l'opposition, ou bien encore Habib Ellouze qui scandait le slogan « Ennahdha, une poignée de fer » au cours du même rassemblement. Notre société ne pourrait jamais connaître la paix tant que ces gens-là agissent en toute impunité et tant que l'accusation d'impiété n'est pas incriminée. Ce sont des conditions indispensables pour mettre fin à la haine et au crime, à ce fléaux qui menacent notre tissu social et dont Hamma Hammami réclame la mise en application au plus vite pour sauver notre pays et le prévenir contre toute dérive.