Quelque peu éclipsée par l'enquête sur l'assassinat du martyr Chokri Belaïd, la formation du nouveau gouvernement revient à l'avant-scène politique. Il est vrai que le temps presse et que Ali Laârayedh ne dispose que d'une quinzaine de jours pour former un gouvernement de consensus, celui de tous les Tunisiens, comme il le préconise, apte à sortir le pays de l'impasse et à le conduire vers des élections libres, démocratiques et transparentes. Conscient de la délicatesse de l'étape et des dangers qui guettent la Tunisie, le futur chef du gouvernement, malgré ses lourdes responsabilités à la tête du ministère de l'Intérieur, a lancé une large prospection d'idées et d'attitudes, multipliant les rencontres avec les organisations de la société civile et les partis politiques en vue d'une adhésion plus large à son gouvernement et à un consensus sur le traitement des problèmes qui préoccupent les Tunisiens. Pour Ali Laârayedh, il s'agit d'une mission très difficile. Comment concilier l'inconciliable et réussir là où son prédécesseur Hamadi Jebali a échoué. Ce dernier, n'a-t-il pas prévenu en démissionnant qu'il ne pouvait pas entrer dans une nouvelle expérience vouée d'avance à l'échec ? Car, son propre parti, Ennahdha, à l'origine de l'avortement de son initiative de gouvernement de technocrates, n'était pas prêt à assouplir sa position, pas plus que l'opposition, d'ailleurs, et des partis de la Troïka, dont la principale revendication est la neutralité des ministères de souveraineté. La donne semble changer, aujourd'hui. Ennahdha accepte, enfin de céder ces ministères à des indépendants, ouvrant, ainsi, la voie à une décrispation du climat et à l'accélération de la formation du gouvernement Laârayedh. Une volte-face du puissant parti au pouvoir qui suscite plusieurs interrogations. Pourquoi Ennahdha accorde-t-elle à Laârayedh ce qu'elle refusait à Jebali ? Est-ce une concession tactique pour juguler une colère populaire grandissante, notamment après l'assassinat de Chokri Belaïd, ou tout simplement, comme l'affirme le président du parti, pour l'intérêt de la Tunisie ?