Dans un reportage télévisé de jeudi soir sur Oued Meliz, ville natale de l'assassin présumé de Chokri Belaïd, un jeune homme déplora que le gouvernorat de Jendouba soit de nouveau défavorablement évoqué. Un crime comme celui-là, jugea l'interrogé, ternit encore plus l'image que l'on véhicule sur notre région, laquelle a toujours pâti de la « hogra ». Pour consoler ce jeune frustré, nous lui rappelons à propos de l'assassinat du leader Belaïd deux attitudes très dignes qui plutôt honorent les Jendoubiens : le père de Chokri, originaire lui aussi du même gouvernorat, et celui de son tueur présumé furent en effet exemplaires en réagissant l'un à l'assassinat de son fils, l'autre à l'implication du sien dans l'attentat. « J'ai offert un martyr à la Tunisie » disait le premier, « si mon fils est l'assassin, jamais je ne lui accorderai mon pardon », répliquait le second. Tous laissés pour compte Les Jendoubiens et, d'une manière générale, tous les habitants du nord-ouest tunisien ne doivent pas trop souffrir d'être les laissés pour compte de tous les régimes politiques qui se sont succédé depuis l'indépendance. Grâce à la Troïka, en effet, le nivellement par le bas concerne aujourd'hui, toutes les régions du pays, sans exception : la côte sahélienne que Bourguiba et Ben Ali chouchoutaient ne diffère en rien maintenant de l'intérieur pauvre du pays. Le tourisme y agonise, les hôtels comme les usines connaissent leur plus grave crise, le secteur de la pêche va très mal, les agriculteurs ont du mal à joindre les deux bouts, le taux de chômage monte en flèche, les nouveaux projets sont rares ou inexistants, les jeunes commencent à désespérer et rêvent plus que jamais d'horizons plus prometteurs, les infrastructures urbaines se dégradent sans cesse, les prix grimpent comme partout, l'insécurité est le lot des grandes et des petites agglomérations et la violence sévit plus ou moins dangereusement dans presque tous les sites. Sousse est désormais une ville aussi « sinistrée » que Jendouba ou Aïn Draham. Bizerte, Nabeul, Hammamet, Mahdia n'ont plus la...cote, et sont même plus mornes voire plus lugubres que les gouvernorats du centre, du sud et de l'ouest. La morosité est aujourd'hui, ce que les villes et les villages tunisiens partagent le mieux depuis l'avènement de la Troïka. C'est sans doute cela la politique de celle-ci pour réaliser l'équilibre régional tant réclamé au lendemain du 14 janvier 2011. L'unité nationale, la Troîka la conçoit peut-être aussi selon les mêmes critères : l'angoisse de la précarité, la peur du lendemain, le spectre de l'embrasement général, voilà ce qui aujourd'hui rassemble les Tunisiens ! STEG de la foi et « hogra » éclairée ! De quelle « hogra » les laissés pour compte d'hier continuent-ils de parler ? La « hogra » se démocratise depuis deux ans. De Bizerte à Ben Guerdane, tout le monde s'en plaint. Ce n'est plus un « privilège » de Gafsiens, de Bouzidiens ou de Keffois ! Même dans les cités huppées de la banlieue nord de Tunis, on crie à l'injustice et au favoritisme. Partout aussi, on méjuge de votre foi, de votre pratique de l'Islam. L'autre jour, le salafiste Khamis Mejri mettait en doute l'islamité des Tunisiens, prétendant que durant les règnes précédents, les régimes en place avaient perverti leur croyance et leur application des préceptes religieux. Ainsi donc, la nouvelle « hogra » s'exerce sur notre spiritualité ! Et les « ulémas », les doctes savants, les nouveaux saints de Dieu et leurs petits apprentis nous traitent par-dessous la jambe sur le sujet. Comme quoi, nous sommes encore à l'âge des Ténébres tandis qu'eux, ils vivent le siècle des Lumières. Ils sont donc venus nous éclairer sur cet Islam dont on nous a toujours dit que c‘est un culte de la simplicité et non une religion de la complication ! Face à ces « illuminés », nous devons avouer notre « sous-développement » religieux ! Plus question de régionalisme maintenant, mais nous vivons l'ère du « religionalisme » ! Malheur à celui qui ne s'inscrit pas à une agence de la STEG de la foi. Malheur à celui qui n'installe pas de nouveau compteur nahdhaoui ou salafiste. Malheur à celui qui refuse d'accueillir les nouveaux agents de prélèvement cultuel ! Ces « fonctionnaires éclaireurs» courent les rues tunisiennes et arabes, de jour comme de nuit, pour nous aveugler avec leur Lumière. Mais qu'on ne s'y trompe pas, quoi que nous fassions, jamais nous n'atteindrons la luminosité de ces Elus du savoir théologique. Ils semblent avoir de ces halos inextinguibles que même les prophètes authentiques, plutôt humbles, n'arboraient pas ! Désormais, les Tunisiens ne redoutent plus les pannes ou les coupures d'électricité ! D'ailleurs, ils paient de moins en moins leurs factures depuis la Révolution ! En revanche, on en voit qui s'abonnent à la STEG de la foi et forcent les autres à le faire. Leurs campagnes ne sont pas toujours concluantes, car, heureusement, comme pour l'autre électricité, la plupart des Tunisiens ont peur de...l'électrocution !