M. Rached Ghannouchi, joue sur du velours. Il se balade avec une très grande aisance dans les meetings politiques avec une bonne maîtrise de la manœuvre, une fois menaçant par le recours aux lois d'exclusion de ses adversaires politiques une fois rassurant sur l'Etat civil, l'Islam démocratique et les droits de la femme. Faut-il le croire, ou faut-il s'en méfier ou les deux à la fois ! Tout est question d'appréciation de l'évolution de l'Islam politique en Tunisie à la lumière de l'épreuve du pouvoir, qu'il vient de traverser. Nous savons tous que la politique a ses règles universelles et immuables et ce, partout dans le monde et même à travers l'Histoire. Il y a l'idéologie qui est le ferment du projet de société et son esquisse préliminaire puis il y a les outils et la mise en œuvre initiale pour engager son exécution sur le terrain. Puis, en fonction des difficultés sur ce même terrain, il y a les réajustements à opérer pacifiquement pour améliorer l'acceptabilité du projet par la société ou à défaut soit son abandon soit l'imposer au peuple par la cœrcition. Les marges sont, par conséquent, fluides et c'est là où apparaît le génie politique des uns et la turpitude des autres. Machiavel, le grand doctrinaire de la pratique politique avait coutume de résumer cela dans des images très frappantes et très instructives. J'en cite : « La main de fer dans un gant de velours », ou autre métaphore très élégante du Florentin : « Moitié lion... moitié renard » ! Le cheikh Rached est un peu tout cela. Certains acteurs apprécieront, d'autres condamneront, mais il faut rendre à César ce qui est à César, et reconnaître les « qualités » de l'homme politique même quand il flirte avec un certain « machiavélisme ». Finalement, tout le monde politique s'abreuve de près ou de loin, à la science du rédacteur du « Prince » et seuls les prophètes pacifiques y échappent. D'ailleurs, à ce propos, notre cher Nicolas va même jusqu'à relever que « les prophètes armés sont vainqueurs... alors que les prophètes désarmés sont vaincus » ! Je ferme la parenthèse pour dire quand même, que les grandes manœuvres approchent à la lumière des prochaines élections. La Nahdha a déjà annoncé la couleur en allant chercher les voix de « la Moubadara » de M. Morjène, si minimes soient-elles pour faire un clin d'œil aux « Rcédistes » même les plus engagés avec l'ancien régime. D'un point de vue, purement tactique, c'est de bonne guerre de la part de la centrale islamiste qui s'acharne à isoler et affaiblir « Nida Tounès » et l'Union pour la Tunisie. Maintenant, il faut attendre et voir s'il s'agit d'un ballon d'essai ou d'un acte délibéré pour réussir l'élargissement à nouveau de la Troïka ou tout simplement la recomposer sur de nouvelles bases. La maîtrise de la Nahdha apparaît clairement dans sa méthode à s'attacher et à conserver le pouvoir aux moindres coûts. Elle va s'allier à ceux qui peuvent nuire à l'adversaire et l'affaiblir tout en sachant que le nouvel « allié » ne pèsera rien sur l'essentiel et sur la réalisation de son projet social, culturel et de gouvernement. Les dernières tractations pour la formation du gouvernement Laârayedh sont très instructives à ce sujet et ont quand même abouti à ce vote confortable à l'ANC en faveur de la Nahdha. L'opposition démocratique y est allée en ordre dispersé comme d'habitude et l'opportunisme de certains « indépendants » et de ceux appartenant à des formations « surdimentionnées » par les médias et les plateaux télévisés, a fait le reste. Résultat : Une petite douche froide à tous ceux comme le jeune et très courageux Mahmoud Barouni, qui fait son apprentissage des dures réalités politiques où les « amis » sont rares et où les apparences sont souvent trompeuses. Il faut dire aussi qu'il paie quelque part les frais de ses collègues de l'alliance démocratique qui ont été pris au piège de la Nahdha laquelle en bon « ours » leur a vendu une peau imaginaire ! Maintenant, il va falloir être sérieux et faire le bilan de tout cela avec quelques repères incontournables. Premier repère : Il ne faut s'allier qu'avec ceux qui peuvent vous intégrer dans un projet crédible et où vous serez « acteur » et non figurant. Deuxième repère : S'intégrer dans une famille idéologique cohérente car la Troïka a démontré que seul est « chef » celui qui dispose de la majorité. Troisième repère : Il faut voter utile et s'intégrer dans un bloc crédible pour espérer peser dans la future redistribution du pouvoir. Toutes ces formations et ces micro-partis seront broyés tôt ou tard par les machines des grands timoniers aux prochaines élections. Ceux qui se font des illusions en croyant trouver une petite place au soleil en jouant « seuls », connaîtront à leur tour des réveils douloureux. C'est pour cela qu'il faut s'attendre à un nouveau paysage et à de nouvelles alliances dans le futur immédiat ! Gare à la douche froide... L'hiver se prolonge !... et les élections sont annoncées pour l'hiver prochain !