Vérités et contre-vérités La Tunisie a toujours été un pays d'effervescence, pour avoir vu défiler des révolutions depuis la fondation de Carthage en 814 avant J.C. La Révolution du jasmin, ou du printemps arabe n'étant que la conséquence logique de la loi de l'évolution. Jadis, les révolutions étaient en réponse aux invasions du pays par ceux qui cherchaient à exploiter les richesses du pays et à profiter de ses sites et son magnifique climat sans compter l'avantage de sa position géographiquement stratégiques. Les vestiges de ces civilisations dont la Tunisie a été le berceau en disent long des occupations, mais aussi des pillages, tant par les vandales à l'ère romaine en 439 que par les Beni Hilal, qui ont profité du départ de Oubeïdoullah Al Mahdi pour l'Egypte, afin de se livrer à une véritable mise à sac du pays. A l'ère musulmane, les révolutions étaient nées des tensions entre les tribus berbères et les conquérants musulmans. On retient notamment le conflit entre Kusayla le berbère, converti à l'Islam et qui entra en conflit avec Okba Ibn Nafaâ, général des Omeyades en 686 ainsi que la lutte acharnée que livra Moussa Ibn Noussair à la Kahéna, résistante qui prit la relève de Kusayla. Après une paix relative durant l'ère musulmane, les révolutions qui s'en suivirent étaient en protestation contre l'occupation espagnole. l'Empire Ottoman qui vint à la rescousse de la Tunisie en chassant les Espagnols en 1574, fit du pays une province turque. Ce fut le début de la catastrophe. Le sort de la Tunisie allait être en effet confié aux Deys puis aux Beys. La dynastie husseinite qui se détacha de l'hégémonie turque en 1705 ,gouverna le pays jusqu'à la proclamation de la République en 1957. Durant l'époque des Beys, les révolutions qui ont lieu, s'étaient déclenchées à cause des abus de ces monarques qui ne pensaient qu'à leur propre intérêt, et de leur mauvaise gestion ayant favorisé les malversations de tout genre. La colonisation par la France, était intervenue sous forme de soi-disant protectorat, en vertu du fameux traité du Bardo, sous prétexte de redresser la situation, et de mettre fin aux différents abus. Sadok Bey, monarque de l'époque se trouva devant le fait accompli et fut contraint de signer ledit traité, sous la menace. Le peuple tunisien ne s'était jamais résigné à l'occupant, et dès les premiers jours de l'invasion des colonisateurs, les différentes tribus s'étaient défendues avec courage et détermination. Ces tribus avaient été malheureusement matées, par les troupes françaises qui étaient matériellement plus fortes, et étaient en outre aidées par les troupes du Bey. Les autochtones n'ont jamais cessé de se révolter, que ce soit contre les abus des souverains husseinites ou contre les exactions des occupants. Peu avant l'occupation française, Ali Ben Ghédhahem, est resté célèbre pour son courage, en conduisant la révolution de 1864 contre le Bey de l'époque qui récoltait abusivement la Mejba, sorte de tribut agricole, sous la pression et la violence. Les révolutionnaires étaient encouragés par des réformistes éclairés qui avaient osé dénoncer les abus du régime, dont notamment Khéreddine, Beyram V , Mohamed Senoussi, le Général Hassine, et le Général Rostom. Ils avaient couru de gros risques, et avaient fini par s'expatrier en Turquie pour fuir les réprobations du monarque de l'époque. A l'époque coloniale, le peuple s'était continuellement érigé devant les abus du colonisateur. Puis des mouvements se sont peu à peu constitués, d'abord discrètement, puis d'une manière officielle. En 1907, fut créé par Ali Bach Hamba le Mouvement des Jeunes Tunisiens, qui a choisi plutôt la concertation avec l'occupant pour défendre les droits des autochtones. Mais la méthode pacifique s'était avérée non efficace, puisque ledit mouvement a été vite étouffé et Ali Bach Hamba préféra regagner la Turquie. Abdelaziz Thaâlbi, un Zeïtounien nationaliste, qui s'était joint au Mouvement des Jeunes Tunisiens, prit la relève. Mais sa manière d'agir n'était pas pour plaire aux autorités coloniales. En effet, il constitua le mouvement du Destour, parti qui se revendiquait de la constitution de 1861 (Destour, mot arabe d'origine turque, désignant la Constitution) et auquel avaient adhéré les militants de première heure. Bourguiba, fraîchement débarqué de France, avec une licence en droit en poche, et inscrit au barreau tunisien en 1927, commença à militer en se joignant au parti du Destour. Salah Ben Youssef avocat, formé en France également, et non moins talentueux avocat, avait également rejoint le même parti. Cependant, ils se retirèrent en 1934, pour former le parti du Néo-Destour. Ces premières dissensions entre militants étaient pour une question de stratégie et non pour un problème de fond, car ils militaient tous pour un but commun : la libération du pays. Ces dissensions étaient au grand bonheur du colonisateur qui voulait diviser pour mieux régner Toutefois les troubles qui ont eu lieu à cette époque, n'étaient pas pour favoriser le colonisateur ou pour lui prêter main forte loin s'en faut. En effet , malgré les dissensions entre les militants, le mouvement de lutte continuait et le peuple était solidaire quant à la libération du pays du joug du colonialisme Une série d'évènements au cours desquels les leaders du Destour et du néo-Destour avaient été maintes fois incarcérés, n'avaient fait que raffermir la volonté du peuple à livrer une lutte acharnée contre l'occupant. Plusieurs militants en ont payé de leur vie, dont notamment, le syndicaliste Farhat Hached, qui fut lâchement abattu par des membres de « la main rouge » une organisation pro coloniale, le 5 décembre 1952. Ce qui provoqua une série de manifestations pour dénoncer surtout la répression des autorités coloniales qui alla crescendo, avec la nomination d'un résident général sanguinaire : Jean De Hautecloque. Surtout qu'à cette même période les négociations qu'avait consenti à mener le gouvernement français avec les leaders Bourguiba et Ben Youssef avaient échoué. En juillet 1954, Mendès France, nouveau résident général, annonça la reconnaissance de l'autonomie interne de la Tunisie et la formation d'un gouvernement intérimaire auquel participèrent des membres du Néo-Destour. Un traité de l'autonomie interne fut signé le 3 juin 1955. La rupture Ce traité suscita le mécontentement du leader Ben Youssef, qui considérait que l'autonomie interne était un leurre, permettant à l'occupant de garder une main mise sur le pays Bourguiba , adepte de la politique des étapes voyait en ce traité un pas positif vers l'indépendance. Salah Ben Youssef, prônait quant à lui, le panarabisme, et réclamait l'indépendance pour tout le Maghreb arabe. Ce fut la cause de la rupture entre les deux leaders et néanmoins compagnons de lutte. L'évolution des événements avait donné raison à Bourguiba puisque le 20 mars 1956, la France accorda l'indépendance totale à la Tunisie, et le protocole d'accord a été signé par Tahar Ben Ammar, président du Conseil tunisien, et Edgar Faure, Président du Conseil français. La liesse populaire que retiendront ceux qui ont vécu ce jour mémorable, était quelque peu entachée d'amertume, à cause du désaccord des deuxleaders. Désaccord qui mena infailliblement vers la discorde. On se rappellera toujours à l'aube de l'indépendance, de cette bataille rangée entre Youssefistes et Bourguibistes, avec des tensions et une série d'évènements. Les actes de violence de Sabat Edhlam, en diront long sur cette période et les tortures qu'avaient subies certaines personnes à cause de leurs idées politiques. Plusieurs Youssefistes accusés de troubles d'atteinte à la, sûreté de l'Etat, ont été condamnés à la peine capitale et exécutés. Salah Ben Youssef sera assassiné, alors qu'il se trouvait en Allemagne. La part de vérité des tenants et aboutissants de ce crime politique reste toujours inconnue. Crimes politiques L'assassinat du martyr Chokri Belaïd, n'a fait qu'éveiller des souvenirs chez ceux qui savent pertinemment que la Tunisie n'est pas à son premier crime politique. Les circonstances changent certes, mais les méthodes restent les mêmes. La vérité est que la sincérité ne paie pas toujours en politique. Un élément sincère est gênant pour la stratégie de son adversaire. Ce fut le cas de Farhat Hached , qui était un élément extrêmement gênant pour l'occupant. Quant à Bourguiba et Ben Youssef , leur discorde a atteint son paroxysme. Chacun était gênant pour l'autre, et c'est ce climat de tension qui encourage au crime politique. Celui-ci ne peut être évité que par la concorde et la paix sociale, dans l'intérêt général.