Dernièrement, nous avons lu sur face book le pathétique mea culpa d'un universitaire accusé par ses pairs nahdhaouis d'avoir, par le passé, adhéré au R.C.D. de Ben Ali. Pour étayer leur grave reproche, ses détracteurs s'étaient fondés sur une vieille conférence donnée par le chercheur au siège d'un comité de coordination. Le pauvre docteur en histoire dut expliquer comment il avait été amené à conférer sous le toit de ce maudit comité : encore trop jeune et non encore averti des abus et des exactions du RCD, il développa son exposé sur un sujet sans le moindre rapport avec la politique ni avec les objectifs de ce parti. Mieux encore, l'organisateur de la conférence, jugeant l'exposé de l'historien trop hardi, interrompit la séance et plus tard en tint rigueur au conférencier. Nous rapportons cette anecdote en donnant l'air de prendre parti pour l'universitaire contre ses accusateurs. C'est vrai ; mais en réalité ce n'est pas tant le cas de cet historien qui nous interpelle. Mais plutôt la manie fiévreuse qui a atteint une bonne partie des Tunisiens, devenus du jour au lendemain, d'implacables inquisiteurs politiques. Chacun s'en va chercher dans le CV ou l'histoire de ses voisins, de ses collègues, de ses supérieurs, et jusqu'au passé de ses propres frères et sœurs pour y dénicher un indice quelconque, une « tache noire » susceptible de les ranger parmi les « azlem de l'ère révolue ». Tri sélectif Aujourd'hui que la Troïka menace de faire passer la loi sur « l'immunisation de la Révolution », l'occasion est en or pour farfouiller dans toutes les archives afin d'exhumer le plus de preuves « accablantes » (avérées ou pas) contre les rivaux politiques visés par le projet de loi bientôt soumis à l'avis des députés de l'Assemblée Nationale Constituante. Si la proposition est adoptée, il faudrait une armée d'archéologues politiques pour constituer les dossiers des « azlem » indésirables. En effet, il y aura « azlem » et « azlem » ! On prendra soin de distinguer les RCDistes innocents des RCDistes coupables ; on veillera à séparer les « azlem » bénins des « azlem » graves, les véniels des mortels, les passagers des chroniques, les guérissables des incurables, les sceptiques des convaincus, et ainsi de suite jusqu'à la fin du tri sélectif. On aura besoin de plusieurs Darwin et de nombreux Lamarck pour étudier l'évolution des caciques du RCD récupérés surtout par Nida Tounès et par Al Moubadara. Il faudra alors retracer, documents à l'appui, l'itinéraire partisan de chaque inculpé : par exemple, remonter pour certains, jusqu'à leur enfance ou leur adolescence, à la recherche de la moindre appartenance à un club destourien, en quête de la moindre participation à une excursion de la jeunesse scolaire, ou encore d'une quelconque aide financière accordée par l'omda du village à l'intéressé. Si ce dernier a milité longtemps avec les communistes, ou les socialistes ou les démocrates, ou même avec les islamistes avant de finir dans le giron RCDiste, on ne retiendra de tous ses parcours que le dernier ! Pour lequel malheureusement il sera à tout jamais banni et honni. Prouesses et miracles transformistes Les Darwin et les Lamarck de ces fouilles seront recrutés entre autres parmi les Ligues pour la Protection de la Révolution : il y aura par exemple le Professeur Rekobus, le Docteur Dghijus et sans doute aussi l'éminent savant Lassaâdus. Tous les trois se sont fédérés avant-hier dans ce qu'ils ont choisi d'appeler « Le Front National pour la Protection de la Révolution ». Sans doute s'agit-il d'une Académie scientifique de très haut niveau qui ne pourchassera pas que les « azlem » du RCD, mais aussi les « corrompus », les « corrupteurs » et les « corruptibles » de l'UGTT. Lors d'une conférence de presse donnée mardi matin, M. Lassaâd Abidi, président du « Front pour la rectification du parcours de l'UGTT » a fait porter à la Centrale syndicale l'entière responsabilité des violences du 4 décembre 2012 ! Selon sa version, le groupe de réformistes syndicaux et les membres des Ligues pour la Protection de la Révolution rassemblés ce jour-là sur la Place Mohamed Ali, n'avaient pas participé à la bataille rangée et firent plutôt les frais de la sanglante violence « ugttiste » ! D'accusateurs, Hessine Abbassi et Co sont ainsi devenus uniques accusés, et ce, grâce aux enquêtes évolutionnistes très pointilleuses menées par les éminences grises citées plus haut. Evolutionnistes ? En effet, les plaignants dans l'affaire ne se sont-ils pas transformés en inculpés ! Pour ceux qui ne croient pas aux théories darwinistes, ils peuvent à coup sûr croire aux miracles transformistes de la Troïka. Miracles, oui ! Pourquoi pas ? Surtout après que le Congrès Pour la République (CPR) a envisagé de transformer les chaussures jetées contre Sihem Badi en un million de roses récompensant notre chère Ministre de la Femme ! Il faut être magicien pour muer les puanteurs des vieux souliers en senteurs florales ! Le CPR va le faire ! Ce sera le premier grand œuvre de son nouveau Secrétaire Général ! Remarquez qu'avant lui, Mme Badi elle-même avait tenté sa chance en matière de prodige évolutionniste : à propos de la fillette violée, elle a voulu modifier l'identité du violeur. Tout récemment, des rumeurs « louches » courent à propos d'un rapport de médecine légale selon lequel la même fillette n'aurait subi aucune agression sexuelle ! La violée redevenue intacte ! N'est-ce pas là une nouvelle prouesse transformiste ?!!