À l'heure de fêter le 192ème anniversaire de Baudelaire, ce mardi 9 avril 2013, Google lui a rendu hommage avec un Doodle représentant l'un des poèmes les plus emblématiques de son génie : L'Albatros, tiré des 'Fleurs du Mal'. Un recueil de poèmes sulfureux entré depuis au panthéon de la littérature française. Jamais un recueil de poèmes français n'aura été si populaire. Plus couru que les ‘Paroles' de Prévert , que ‘Les Yeux d'Elsa' d'Aragon, ou encore que les ‘Poèmes saturniens' deVerlaine, les rimes de Baudelaire ont laissé leurs effluves dans toutes les mémoires. Souvenirs d'un apprentissage scolaire laborieux ou d'adolescentes crises de l'âme, ils se raniment instantanément, à peine passée le premier hémistiche. Censure et manigances... Pourtant ce trésor si cher au cœur de la France n'a pas coulé que des jours heureux. Quelques semaines à peine après la publication du recueil, le 5 juillet 1857, un article du Figaro, signé Gustave Bourdin fustige les textes de Baudelaire : “Ce livre est un hôpital ouvert à toutes les démences de l'esprit, à toutes les putridités du coeur." Le scandale éclate, attisé par une presse pudibonde choquée par le prosaïsme sordide des poèmes - principalement ceux du chapitre ‘Fleurs du mal' ; ‘La Destruction' et ‘Les Métamorphoses du vampire' en tête. S'ensuit la saisie de l'ouvrage le 17 juillet et un procès qui fera grand bruit, au terme duquel Baudelaire et son éditeur Poulet-Malassis sont condamnés à de symboliques amendes. ‘Les Fleurs du mal' sont censurées, amputées de six poèmes parmi lesquels ‘Les Bijoux', ‘Lesbos' et ‘Femmes damnées'. Mais ce scandale, Baudelaire l'attendait. Certains de ses poèmes, publiés depuis les années 1840, ont déjà suscité les foudres de la critique. Le nom même qu'il choisit de donner à son recueil - après avoir pensé l'intituler ‘Les Limbes' ou ‘Les Lesbiennes' - est une provocation. Il rompt avec le traditionnel schéma qui lie le mal au laid et esquisse d'emblée une vision poétique novatrice qui promet de susciter l'incrédulité et la vindicte. Le ton est donné. Au royaume des fleurs, l'oxymore est roi et les sens esthétiques sont renversés. Le monde entre dans une nouvelle ère, et Baudelaire, dandy irrévérencieux et génie de la rime, signe le prologue de ces temps incertains. La polémique fait son œuvre, et la réparation officieuse qui intervient en 1860 sous la forme d'une indemnité littéraire de 500 francs, allouée au livre par le ministère de l'Instruction publique, vient clore le chapitre des récriminations. Marqué par son jugement et son implication en termes de liberté artistique, Baudelaire repense ses ‘Fleurs du mal', remanie certains textes, et ajoute 32 poèmes aux 94 que la censure n'a pas condamnés. ‘Les Fleurs du mal' sont l'œuvre d'une vie, le fruit vénéneux de la carrière du poète. Il en a pensé la répartition et la chronologie comme on construit un roman, avec son prologue, son développement et sa conclusion. Un roman de poèmes qu'il peaufine, qu'il veut le plus vrai et le plus juste, le plus libre aussi, de dire les contradictions et la dualité du monde. Un souffle de modernité Au-delà de leur puissance évocatrice, de leur beauté sombre et de leur portée syncrétique, les vers de Baudelaire occupent surtout une place exceptionnelle dans la littérature française.Lassé du lyrisme romantique et du formalisme, Baudelaire balaie les codes qui ont fait la renommée des belles lettres françaises et enfonce la porte d'un modernisme qui ne s'arrêtera plus. Son œuvre reflète l'industrialisation galopante, elle est intrinsèquement urbaine, loin, très loin de l'esthétique romantique.