On ne peut pas tout supporter. Des fois, alors, on dégueule ! Ce qui se passe depuis plus d'une année à l'Assemblée Nationale Constituante, est inquiétant. Il y a de quoi aller voir un gastro-entérologue. Cela fait un bon bout de temps que nous ne digérons plus rien de ce que nous sert l'ANC. Il faut dire qu'au tout dernier menu, il y avait du « chien » comme plat de résistance ! Jusque-là, nos chers Constituants nous ont forcés et finalement habitués à manger de tout. Mais voilà le résultat : plus rien ne passe ; nous vomissons tout ! Avant, nous nous plaignions juste de ballonnements « passagers », de petites coliques « pas méchantes du tout », de brûlures d'estomac « faciles à calmer », de gargouillis et de flatulences gênantes qui n'alarmaient pas outre mesure nos Députés traitants. On nous administrait alors, à dose très forte, le pansement gastrique de rigueur, le célèbre, l'incontournable « Légitimium »! Il fallait le prendre toutes les heures, toute la semaine, dimanches et jours fériés compris ! Comme le remède avait un goût âcre et qu'il sentait mauvais, nous le prenions avec du miel en nous bouchant les narines. Qu'est-ce que l'épreuve était dure ! Mais que faire ? C'est une prescription d'experts, et gare au malade qui mette en doute les compétences de son Constituant traitant! Guérir le mal par le mal Donc, tous ces symptômes s'étaient déclarés au tout début de l'année 2012. Avec le temps et pas vraiment sous l'effet des médicaments, nos maux et malaises disparurent pendant quelques semaines. Mais un beau jour, nous nous réveillâmes avec des douleurs lancinantes à l'abdomen et au niveau du côlon. Nous essayâmes une dose double de Légitimium ; rien n'y fit ! Des proches nous conseillèrent l'Imminum Révolutiol (Puissance 3); ce ne fut pas plus efficace ! Alors, nous eûmes l'idée de tenter le Destouradol (sans fin) ; c'était pire que les remèdes précédents. On nous emmena alors d'urgence à l'hôpital. D'emblée, l'infirmier insista pour procéder à un toucher rectal. Nous l'en défendîmes pour les raisons que vous devinez. Plus tard, nous regrettâmes à mort ce geste de fière pudeur ! En effet, on nous soumit le lendemain et depuis ce jour-là à des coloscopies régulières, sans douleurs certes, mais o combien « profondes » et o combien embarrassantes pour l'orgueil de notre rectum. Il existe des patients que cette exploration quasi spéléologique ne dérange pas le moins du monde. Ils s'y prêtent même avec joie et jouissance. Ce n'est pas du tout notre cas. Et c'est pourquoi nous manquons les deux tiers des rendez-vous de consultation. Nous ne confessons plus nos problèmes de transit intestinal à nos Experts Constituants, ni nos vomissements rouges, ni nos fréquents reflux gastriques, ni nos selles noires. En ce moment, nous sommes sûrs (ou presque) d'avoir tout à la fois, un ou deux ulcères, deux ou trois types d'hépatite, des calculs biliaires, des polypes, un cancer quelconque, une cirrhose aussi. Les occlusions et les perforations intestinales ne nous font plus peur ; les hémorragies digestives non plus. Seule la Nausée nous incommode ! Et cette Nausée-là, c'est pourtant notre seul espoir de guérir ! Déveine génétique! Ce n'est certainement pas l'avis de notre Ministre du Commerce qui vient de décider des réductions « significatives » dans les prix de certains produits de première nécessité dont le yaourt! Ce dérivé laitier est souvent recommandé aux malades de l'estomac. Paradoxalement, nous ne le digérons pas du tout et sa consommation provoque dans notre corps toutes sortes de réactions désagréables. Cependant, nous avons eu hier la malencontreuse envie de goûter à un yaourt ristourné de quelques millimes ! Pour notre malheur et comme beaucoup de Tunisiens, nous croyons encore aux miracles. Mal nous a coûté de persister dans cette naïve illusion : dès la première cuillère, nous ressentîmes nos entrailles se déchiqueter. Des éruptions cutanées se manifestèrent et nous éprouvâmes comme l'effet d'une syncope. Effectivement, nous perdîmes connaissance, et à l'hôpital, on nous purgea) les intestins et l'estomac (par voie rectale, bien évidemment). Qu'est-ce qu'on en dégagea comme pourriture ! Le plus insolite, c'est qu'on trouva au milieu des impuretés libérées une pièce de 5 millimes ! C'était à n'en pas douter, le montant de la ristourne consentie par le Ministère du Commerce sur le prix du yaourt consommé. Quelle déveine ! Quelle guigne ! Quelle poisse ! A la place de cette petite monnaie, pourquoi n'avons-nous pas déféqué les centaines de dinars que revendiquent nos Constituants à titre de primes complémentaires ? Imaginez, une diarrhée de liasses de dix, de vingt ou de cinquante dinars ! Des émissions aussi généreuses, c'est le vœu de tous ! Surtout quand ça ne s'accompagne d'aucune douleur, ni d'aucun malaise ! Diarrhée douce, quoi ! Malheureusement, notre lot à nous, patients de l'ANC, de la Troïka et de la Révolution, c'est la constipation chronique. Il paraît même que des antécédents de ce genre ont été enregistrés dans la famille et chez nos plus vieux ancêtres. Ce doit être génétique, et donc héréditaire, pour les nombreux malchanceux de notre espèce ! Les occlusions budgétaires, c'est notre destin ! Manifestement, ce n'est pas celui des demandeurs de primes à l'ANC, ni celui des Ministres de la Troïka, ni celui des Présidents provisoires, ni celui de leurs nombreux Conseillers. C'est cela aussi qui nous cause la Nausée. Et cette Nausée-là, c'est encore notre salut !