C'est la deuxième fois que les trois accusées appartenant au groupe féministe Femen, ont comparu hier, devant le tribunal au palais de Justice emmitouflées chacune dans son Sefsari, voile classique tunisien, comme le veut la procédure pour toute femme appelée à la barre des accusés. Devant le Palais de Justice plusieurs représentants d'organisations sociales, de défense de droit de l'Homme,ou d'associations islamiques se sont rassemblées, pour défendre ou dénoncer l'action des Femen. La salle d'audience était bondée dès neuf heures du matin, et des mesures de sécurité aussi musclées que discrètes ont été prises, comme c'est le cas dans de pareilles circonstances. D'autant plus que plusieurs avocats représentant des organisations islamiques en tant partie civile, estimant que ces filles ont atteint par leur attitude à la dignité. D'ailleurs tel qu'il ressort de l'acte d'accusation, ces trois filles, dont deux Françaises et une Allemande, encourent une peine d'emprisonnement de six mois, tel qu'il est prévu par le code pénal pour le délit de débauche. « Une femme libre s'affame plutôt que de manger grâce à ses seins » C'est par cet vieil adage arabe que l'un des avocats de la partie civile a entamé sa plaidoirie pour dénoncer l'action des accusées, constituant une atteinte aux bonne mœurs voire à la sûreté de l'Etat, en vertu de l'article 71 du code pénal ! L'adage arabe dont il s'agit n'était pas du tout utilisé dans un contexte de débauche, car il visait initialement les nurses, auxquelles on recourait fréquemment notamment pour allaiter un bébé dont la mère était malade ou affaiblie physiquement. Les femmes issues de familles de notables refusaient de recourir à tels emplois jugés dégradants. Ce ne fut qu'à l'avènement de l'Islam que la nurse a été socialement réhabilitée au rang des dignitaires, grâce à Halima, nurse du Prophète Mohamed. C'est donc par extension que le proverbe en question a été utilisé ultérieurement dans le sens de débauche. C'est grâce à l'Islam que la femme a recouvré sa dignité et sa liberté, a fait remarqué l'un des avocats de la partie civile. Le fait de se dévêtir ne fait que la déshonorer, a-t-il encore précisé. Absence de l'élément moral La débauche, ou l'incitation à la débauche est parmi les délits intentionnels,qui ne peuvent être établis sans la preuve de l'existence de l'élément moral. La nudité dans un pareil contexte n'est pas du tout signe de débauche, d'autant plus que le mouvement Femen a pour but de défendre la liberté de la femme, et par là même sa dignité. Découvrir les seins, n'est pas dans un but charnel, mais c'est symbolique ; c'est une forme de militantisme a déclaré à la barre, l'une des trois accusées. Des avocats français ont pour leur part déclaré depuis la France qu'ils ont préféré ne pas faire le voyage, car ils savaient que les droits de défense des Femen n'ont pas été garantis. Déclaration, contraire à la réalité, les trois accusées ayant eu droit à un procès équitable avec plusieurs avocats, pour assurer leur défense et des conditions de détention, conformes aux normes internationales et aux règles des droits de l'Homme. Cela dit les avocats étrangers ne peuvent pas assurer leur défense sans être représentés par un avocat inscrit au barreau national. C'est la règle qui est également pratiquée en France et dans tous les barreaux européens. Les avocats en question menacent d'amplifier leur mobilisation au cas où les accusées ne seraient pas libérées, profitant de la venue de François Hollande en Tunisie, début juillet. Mobilisation n'est pas chantage, et le juge décidera en toute objectivité, en son âme et conscience et conformément à la loi. Le 14 juin dernier à Grenoble , une jeune femme est verbalisée parce qu'elle s'est présentée à la préfecture avec le voile intégral. Aucun avocat d'aucune organisation, en France ou à l'étranger n'a dénoncé l'attitude abusive du préfet, car il y a la liberté de se dévêtir , comme celle de se vêtir. C'est l'intention qui conditionne l'acte et le rend délictuel, lorsqu'il est établi que son auteur cherche à nuire à autrui. Ce n'est donc pas une question de chantage ou de pression, et la Justice saura librement faire la part des choses, sans aucune influence ni aucun parti pris. A l'heure où nous mettions sous presse, aucune décision n'a été annoncée par le tribunal qui s'est retiré pour délibérer. Nous y reviendrons.