Mais finalement, qui appelle à la violence ? Qui la provoque, la nourrit et l'entretient sous nos cieux ? Tout le monde vous répond « c'est pas moi, c'est l'autre ». Et à notre humble avis, tout le monde a raison : lorsqu'on ne définit pas ce que l'on entend par violence ni par terrorisme, chacun a le droit de donner aux deux concepts le ou les sens qui lui conviennent, et de distinguer, à sa guise et selon ses intérêts, les types de violence répréhensibles et ceux qu'il considère comme légitimes. D'autre part, on se paie la tête des gens lorsqu'on condamne la violence « quel qu'en soit l'auteur » ! L'Occident dont la partialité dans le conflit palestino israélien n'est plus à démontrer n'a de cesse depuis des décennies de placer au même degré de gravité et d'horreur les tirs de pierres ou de roquettes palestiniens et les carnages perpétrés par Tsahal dans la région. Comme quoi, ici et là on s'adonne à une forme quelconque de violence. Quand l'accusé devient victime A propos du Congrès contre la violence et le terrorisme proposé depuis des mois par le Front Populaire et initié hier par l'UGTT, il nous renvoie à ces initiatives de Dialogue National dont on ne veut pas avouer le cuisant échec. A quoi peut mener un tel Congrès sinon à mieux faire ressortir les divisions de la classe politique tunisienne et celles des autres acteurs de la société civile. D'autre part, nous avons comme une certitude qu'il ne débouchera sur rien de concret ni d'efficace, et que si par miracle les congressistes parviennent à des accords dignes d'intérêt, rien ne garantit que ceux-ci vont être respectés par leurs signataires respectifs. Le passé récent foisonne d'exemples de promesses non tenues, d'engagements non honorés et de pactes reniés. Et puis, que peut-on attendre d'un Congrès sur la violence et le terrorisme, auquel assistent des personnes et des personnalités qui, de fait et ouvertement, soutiennent ou défendent (en leur trouvant des excuses ou des circonstances atténuantes) les groupes violents et terroristes, quand ils n'en font pas partie ? A la base donc, quelque chose ne tourne pas rond dans l'organisation et la conception de ce rassemblement un peu trop solennel à notre goût. Nous avons même quelques doutes sur les vrais objectifs de ce Congrès : si, en surface, il vise à mettre d'accord toutes les formations politiques et les associations sur la nécessité de bannir de leur action, la violence physique et armée, en profondeur, il œuvre aussi à isoler les partis et les associations impliqués déjà ou susceptibles de l'être dans l'exercice de la violence et dans la couverture des actes terroristes. Seulement voilà, Ennahdha, le C.P.R. et les Ligues pour la Protection de la Révolution figurent parmi les participants, qui plus est en tant que dénonciateurs de la violence. Mieux encore, comme hier leurs représentants ont fait les frais d'une forme de violence et d'exclusion à l'intérieur même de la salle où s'est tenu le Congrès, ils peuvent désormais retourner les griefs dont ils pâtissent contre ceux-là mêmes qui les leur adressent. Les perdants et les gagnants Les organisateurs ont beau présenter leurs excuses aux « victimes » de la violence incontrôlée de certains invités, les sept partis qui se sont retirés de la séance matinale, dont justement Ennahdha et le C.P.R., ont marqué des points non négligeables aux dépens de leurs détracteurs. Alors que ces deux partis au pouvoir, à qui on a tant reproché leur fameux désistement d'octobre 2012, ont « daigné » cette fois prendre part à un rassemblement tenu sous l'égide de l'UGTT, l'accueil qui leur a été réservé ne fut pas à la hauteur de leur « généreuse concession ». Ils vont même trouver une excuse qui les dispenserait de participer aux prochaines initiatives de ce genre. Pire, ils peuvent interpréter l'hostile réaction comme un acte prémédité ourdi par une partie des organisateurs. Ce qui à leurs yeux justifierait une revanche dont on ne peut pour le moment mesurer l'ampleur ni les dégâts. Dans tous les cas, Ennahdha et le C.P.R. verront d'un mauvais œil l'incident d'hier et joueront la carte de la victimisation pour exiger plus que des excuses de la part de l'UGTT et des associations qui parrainent le Congrès. Ainsi donc, ces deux partis les plus accablés de critiques et d'accusations de violence sortent gagnants d'un rassemblement conçu entre autres pour dresser leur procès ! N'est-ce pas là une contre performance majeure, suffisamment grave pour renoncer à la poursuite de ce Congrès somme toute inutile et faussé dès avant sa tenue ? Libres ensuite à ceux qui tiennent à l'achever d'y voir une éclatante victoire sur le… blablablablabla ! Vous connaissez la chanson !