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Sufetula revisitée par l'art, par la vie
Rencontre
Publié dans Le Temps le 17 - 07 - 2013

Sbeïtla, l'antique Sufetula a été fondée par les Romains au premier siècle de l'ère chrétienne. La ville devenue « Colonia » avait pour fonction de sécuriser les marches (le limes occidental central de l'Africa byzacène) contre les incursions des berbères garamantes.
La ville est située en plein centre ouest de notre pays. Elle devint, après maintes péripéties historiques, le siège, au début du 7ème siècle, de la présence byzantine et de son dispositif militaire surtout contre les tentatives de pénétration arabe devenue alors très pressante.
La ville est donc historique. Elle déploie encore et toujours ses prestigieux vestiges romains africains et byzantins sur une très grande partie de sa superficie actuelle (site antique, ville coloniale et actuelle). Le site antique, au centre de la ville, continue encore avec ses 20 ha à déterminer la trame urbaine d'origine antique.
Les édifices antiques archéologiques continuent à imposer leur présence au paysage urbain ancien et actuel. Les monuments antiques sous forme de vestiges pèsent de tout leur poids en pierres taillées. C'est ainsi que les arcs de triomphe de Dioclétien ou d'Antonin le pieux se dressent majestueusement et marquent l'espace tout comme le capitole érigé autour des 3 temples du culte impérial ainsi que le Forum. Ces monuments sont encore, si on les restaurait, presque fonctionnels. D'autres édifices, temples, basiliques, termes, théâtres parsèment encore le site.
La campagne alentour, atteste par ses vestiges de type agraire, d'activités économiques et autres qui prévalaient dans la région comme les huileries ou ateliers de céramique très nombreux. Les arts de la mosaïque, mais probablement aussi de la sculpture, devaient « décorer » les temples et les édifices publics reflétant les exigences de la mythologie romaine ou de celles chrétiennes dans toute leur diversité.
Le site archéologique reste, malgré les agressions subies dans l'histoire et les dangers qui le guettent aujourd'hui, assez bien protégé. Il continue à vivre quelques visites de touristes, dans la solitude des « cimetières » et dans l'abandon des humains.
Ce patrimoine, notre patrimoine qui nous vient de loin est ignoré, sous-estimé depuis très longtemps.
Comment le réveiller de sa torpeur et lui redonner vie en l'impliquant davantage dans les activités des hommes, dans leur quotidienneté immédiate mais aussi dans leur avenir ? Mais d'abord parons au plus pressé en ces temps d'incertitude !
La ville de Sbeïtla, parce que très riche en patrimoine, est comme tous les sites similaires en Tunisie exposée à toutes les menaces de destruction, de trafic, de fouille clandestine, d'occupation et de construction illégale, anarchique de son sol.
Comment protéger ces biens culturels ? Comment les sauvegarder ? Comment intéresser les populations qui vivent à proximité pour qu'elles prennent elles-mêmes en charge leur patrimoine et qu'elles le mettent en valeur et l'exploiter pour qu'il devienne source de vie et de développement ?
La véritable protection de notre patrimoine matériel et immatériel ne consiste pas seulement à installer des barrières physiques d'isolation de ce patrimoine par rapport à la population qui l'entoure mais au contraire d'impliquer celle-ci dans sa protection, sa sauvegarde, son aménagement et sa mise en valeur en vue d'en faire un moteur de développement durable et un outil de démocratisation sociale.
La question principale reste aujourd'hui de savoir comment impliquer cette population, à revenus très modestes en général, à prendre conscience de la richesse des ressources de leur patrimoine et de leur territoire, comment faire pour qu'elle puisse se l'approprier, s'en saisir, le respecter, en le mettant en valeur et à en vivre ?
Cette problématique est au centre des débats soulevés par la deuxième rencontre organisée par l'association de développement durable de Sbeïtla « Azer » et le pôle EUNIC Tunisie (EUNIC rassemble des instituts et des services culturels de l'Union européenne, actifs en Tunisie) faisant office de partenaires communs avec des opérateurs culturels tunisiens (INP, ANEP, Université de la Manouba, le Centre d'Art Vivant de Tunis, des associations culturelles comme Bledii …. des universitaires, des chercheurs du site).
Des personnalités scientifiques européennes comme Jacques Alexandropoulos, Lotfi Naddari, Sabine Ladstätter ou l'architecte Sonia Slim ont participé avec des femmes de terrain comme Anne-Françoise Cannella, Suzana Gomes, Francine Fort ou Roel During ainsi que notre ami marocain Moncef Fadili, à expliciter leur démarche et leur témoignage dans le traitement apporté à leur propre patrimoine.
Les partenaires européens agissant en Tunisie, coopérants sincères et compétents, sont appelés dorénavant par leurs prénoms … amicalement !
C'est alors Daniel l'organisateur, Dorothée la conseillère, Isabel l'infatigable, Consuelo l'intrépide, qui ont agi avec professionnalisme pour faciliter et animer les débats sur le patrimoine.
Le côté artistique fut animé par l'invincible Sana Tamzini à qui nous rendons de nouveau hommage pour son action pour l'art et le patrimoine en Tunisie. Sana a invité des artistes comme Wadi M'hiri, Marianne Catzaras, Majed Zalila, Moez, Chems …
L'art devait, à l'instar de la musique populaire, des tambours dans la ville, de la musique pop, de la danse moderne dans la gare désaffectée de Sbeïtla, réveiller la ville, rameuter sa population à valoriser le patrimoine en attirant l'attention sur lui …
Plusieurs objectifs furent fixés par la rencontre de Sbeïtla :
le premier de ses objectifs a consisté à élaborer les conditions pour que le patrimoine participe au développement durable ;
le deuxième devait trouver les moyens pour que le patrimoine soit intégré dans son tissu social environnant ;
le troisième a consisté à chercher à valoriser les artisanats et la culture immatérielle en les mettant au service d'un tourisme alternatif …
Tous les exposés, interventions et discussions ont abouti à la rédaction d'une déclaration de Sbeïtla du 30 juin 2013 qui propose de faire du patrimoine un outil de développement et de démocratie.
L'art à Sbeïtla
La valorisation artistique du patrimoine a été réellement une action emblématique de la rencontre de Sbeïtla. Cette action fut dirigée de main de maître par Sana Tamzini, la directrice du Centre national d'Art vivant de Tunis. Sana fut acclamée pour son action novatrice dans l'animation du site et de sa réanimation. Sana a déjà été reconnue en Corée du Sud pour son travail de land art dans ce pays et dans d'autres ontrées. Peut-être qu'elle pourrait être reconnue dans son propre pays … Mais les prophètes … le peuvent-ils ?
Les artistes sollicités ont de leur côté contribué à animer le site antique de Sbeïtla et susciter l'intérêt de la population locale. Tout a été utilisé pour créer l'événement … La population a réagi en conséquence.
Les artistes contemporanéistes convaincus ont choisi de s'exprimer dans le cadre actuel de l'art spectaculaire déclenchant l'étonnement, l'enchantement et la réflexion des spectateurs sur la mémoire des lieux et l'urgence de la sauvegarder.
Ainsi c'est l'art éphémère qui a été sollicité pour marquer l'historicité du site. L'éphémère vient en somme au secours du durable. Wadi M'hiri, Marianne Catzaras, Majed Zalila ont participé chacun avec ses moyens, installation pour M'hiri, l'animation photographique, musicale, poétique … liturgique pour Marianne et imagines lumineuses dessinées en l'air par Majed … dansant et sautant. Tout cela devant ou dans l'un des temples du capitole ou dans l'amphithéâtre du site … revalorisés ainsi !
Dans le même amphithéâtre, Mokdad Salha, très élégant, nous a chanté avec une voix très fine des chants grégoriens en arabe. C'est ce même Mokdad qui nous a reçus dans son théâtre de poche « Minerva » de Sbeïtla le premier soir de la rencontre.
L'art contemporain tout en se contentant de l'instant qui passe soulève des questionnements durables et aboutit en fin de compte à poser la question centrale des rapports de l'homme à sa mémoire, à son passé. L'homme est fragile par rapport au temps. Il ne peut le défier…..
L'action artistique promue sur le site antique de Sbeïtla revient en grande partie au Centre national d'Art vivant de Tunis et surtout à sa directrice Sana Tamzini, pour son action en faveur des artistes plasticiens tunisiens dans leur démarche contemporaine de revaloriser le patrimoine national.
Sana Tamzini est connue pour avoir participé efficacement au travail spectaculaire du Goethe Institut sur les trois collines sur les sites archéologiques du nord ouest et aujourd'hui sur le site du centre ouest de Sbeïtla. Un travail d'évaluation des artistes présents à Sbeïtla sera réalisé prochainement.
L'essence des œuvres d'art contemporain réalisées à Sbeïtla ainsi que celles projetées, chantées à travers la musique, le son du tambour, la truculence des mots, est de type particulier. Ces œuvres ne sont pas durables. Elles ne visent pas l'éternité … Et pourtant elles arrivent à nous faire vibrer face à cette matérialité interne des pierres, des arcs et des édifices monumentaux. Les pierres possèdent aussi une mémoire que la population reconnaît … La réconciliation est ainsi faite, réalisée et tout devient possible … Le patrimoine est devenu nôtre. Enfin !


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