Je voudrais devenir eau et appartenir à l'espèce des eauxmes, je rêve d'éclabousser les faces hideuses des fantômes, de pleuvoir des cordes dans les cœurs endoloris, de m'écouler comme le long fleuve tranquille d'une belle vie; Quel bonheur de ruisseler, de flotter au milieu d'une tempête dans un vers d'eau ; d'asperger de rosée les joues d'une fleur, de clapoter en finesse au passage des bateaux, d'accompagner avec mes gouttelettes l'orchestre en fête des papillons; Quelquefois aussi l'envie me prend d'écumer, d'entrer en crue, d'inonder de mon déluge le monde entier, de gicler depuis les profondeurs, de sourdre vers les cimes des hauteurs ; de submerger l'empire des imposteurs ; Ce serait bien encore d'être une goutte dans l'océan, d'accueillir rames et avirons, de s'appeler Vague ou Tourbillon, Chutes, Lac ou Etang, Gué, Rivière ou simplement Précipitations ; Qu'est-ce que c'est bon d'abreuver le chien loyal et le compagnon cheval, d'accueillir dans ses fonds tous les bans de poissons, d'arroser la Terre, d'éteindre le Feu et d'adoucir l'Air ; de coucher dans le lit d'une rivière, de perler sur le front d'une ouvrière ; O chères ondées, humectez les cœurs secs des humains ; O bruine douce, O lent crachin, mettez l'eau à la bouche des damnés de la terre; promettez-moi de laver la Ville de ses impuretés, d'emplir ses bassins et de lustrer son destin ; Eaux dormantes, les Princes charmants sont là pour vous réveiller ; Fontaines taries, les Fées du Bien sont de retour pour l'abondance et votre liberté, faîtes tomber les écluses, rasez les digues et avancez vers les Cités déshydratées ; enflez les fleuves desséchés, annoncez le vrai Printemps !