Le théâtre sous sa forme classique revient sur la scène du festival International de Hammamet mais de manière timide puisque les fans de ce genre étaient très peu nombreux le soir de la représentation d' « Errahib Ibn El Aghlab » du metteur en scène Mounir Argui, dont c'est la deuxième expérience dans le genre après « Antigone ». « Arrahib, Ibn Alaghlab » a été donnée plusieurs fois mais possède un charme particulier dans cet espace à vocation théâtrale celui du Centre culturel international de Hammamet. La pièce produite par le Théâtre National et dont le texte a été écrit par Abdelkader Ltifi et la dramaturgie de Hamdi Hmaidi s'inscrit dans l'actualité politique de la Tunisie en rappelant le passé douloureux du pays. Dénoncer ou attirer l'attention sur les dérives du pouvoir semble être le message que veut passer cette pièce à l'instar d'un grand nombre d'œuvres classiques de Shakespeare comme Caligula, Macbeth, le roi Lear et autres. Le théâtre a toujours eu cette qualité de dévoiler la tyrannie du pouvoir ou encore les mécanismes qui conduisent à la dictature. Parmi les œuvres théâtrales ayant abordé récemment ce thème « Saheb Lahmar » de Fadhel Jaziri d'après le texte de Ezzeddine Madani. « Errahib Ibn El Aghlab » nous introduit à l'époque de l'Ifriqiya et plus précisément à Kairouan. C'est là que va se dérouler la tragédie d'Ibrahim, homme pieux et pourvu de valeurs nobles dont l'entourage le persuade de prendre les rênes du pouvoir à la place du successeur désigné, son neveu. Il hésite puis finit par accepter cette proposition alléchante mais qui va le mener à sa perte. Dès l'aube du premier jour de son investiture, il massacre tous les fidèles qui se sont opposés à sa désignation et ouvre ainsi la voie à une politique de répression qui conduit à la révolte des affamés et des victimes de la cherté de la vie ainsi qu'à l'extermination physique des collaborateurs, des membres de sa famille et des serviteurs dont il n'apprécie pas les réticences et les critiques. Ibrahim aidé par un entourage rapace et sans merci signera de lui-même sa perte et la déchéance d'un pouvoir bâti sur les abus. La chute du régime se prépare progressivement. Emparé de folie et rongé par le remords, l'émir va jusqu'au bout de son acte en rejetant les siens sa femme et sa mère qu'il emprisonne. Le bassin des Aghlabites, reproduits dans un décor sobre qui rappelle les lieux, devient l'endroit sinistre des massacres de ce souverain sanguinaire. Porté par des comédiens professionnels au fait de leur carrière comme Halima Daoud, Béchir Ghariani, Slah Msaddek, Jamal Madani, la pièce montre entre grandeur et décadence le pouvoir du 4ème art capable de transcendance et de jouissance. C'est tout juste terrible !