«Notre peuple est déterminé à récupérer sa Révolution et à faire évoluer la transition», clame Me Mohamed Jemour, secrétaire général adjoint du Parti des Patriote Démocrate Unifié «Prétendre qu'une seule partie peut déterminer l'avenir du pays est faux », affirme Ajmi Lourimi, dirigeant à Ennahdha «Nous avons échoué sur tous les plans. Il faut une pose de réflexion», avoue Mohamed Bennour, porte-parole d'Ettakatol Avec l'assassinat de Mohamed Brahmi, venant 6mois après celui de Chokri Belaïd et le lynchage de Lotfi Nagdh qui avait entraîné sa mort, les Tunisiens hagards sont de plus en plus inquiets pour leur avenir. Pas plus tard qu'hier, jour d'enterrement du martyr Mohamed Brahmi, un fait dangereux et aux conséquences désastreuses, une voiture de la garde nationale vient d'être piégée par une bombe traditionnelle à La Goulette. Que faut-il faire pour redonner espoir aux Tunisiens ? Nombreuses voix se sont élevées pour demander le départ du Gouvernement et la dissolution de l'Assemblée Nationale Constituante (ANC) et les instances qui en sont dérivées. La confiance est loin d'être de mise. La situation actuelle n'est pas du tout ordinaire. L'avenir de l'Etat et son unité sont menacés. Les gouvernants vont-ils rester enfermés dans la logique de la légitimité et faire la sourde oreille aux appels qui s'élèvent partout dans le pays ? Vont-ils continuer à considérer que leur légitimité est sacrée et une ligne rouge intouchable ? De l'autre côté les appels à la désobéissance civile pacifique vont-ils aboutir ? Où va le pays ? Me Mohamed Jemour, secrétaire général adjoint du Parti des Patriotes Démocrates Unifié, affirme au Temps que « le pays va aborder un virage important où la situation actuelle ne va plus durer comme avant. Nous espérons franchir, avec une mobilisation populaire de plus en plus grande, encadrée par un programme clair, ce virage qui est le commencement de la fin de la Troïka. Nous nous dirigeons vers la démission de l'ANC et du Gouvernement. Cela peut se faire dans quelques jours ou quelque temps. La Troïka est de plus en plus isolée. Le peuple réclame son départ. Le peuple veut une constitution démocratique. La Troïka n'en veut pas. Nous entamons le dernier virage. Concrètement à partir d'aujourd'hui, jour d'enterrement de Mohamed Brahmi, il y aura un sit-in devant l'Assemblée Nationale Constituante (ANC) avec la participation de 52 députés. Ils seront soutenus par des citoyennes et des citoyens. Nous allons discuter au sein du Front du Salut National pour la formation d'un Gouvernement de Salut public. Nous allons débattre de la personne qui s'en chargera. Nous allons approfondir les discussions dans la Conférence Nationale de Salut. Nous avons des pourparlers, avec l'Union Générale Tunisienne de Travail (UGTT), l'Union Tunisienne de l'Industrie, du Commerce et de l'Artisanat (UTICA), la Ligue Tunisienne des Droits de l'Homme (LTDH) et le Conseil de l'Ordre des Avocats. Avec ce qui s'est passé à Gafsa et l'alerte à La Goulette, le Gouvernement d'Ali Laârayedh est décidé d'affronter la contestation populaire en utilisant la violence. Ses propos devant les journalistes étaient menaçants. Ce qui s'est passé à La Goulette, est un message des terroristes. On ne se limite plus à attaquer des personnes. Ils passent aux voitures piégées. Ils voulaient dissuader les Tunisiens de participer aux funérailles de Mohamed Brahmi. Des milliers de Tunisiens ont bradé la chaleur et le jeûne et ont exprimé un message de terrain. Ils ont répondu pour dire que le message des terroristes ne leur fait pas peur. C'est une réplique très forte de la part des Tunisiennes et des Tunisiens. Notre peuple est déterminé à récupérer sa Révolution et à faire évoluer la transition. Il y aura probablement d'autres victimes. On nous a demandé d'être vigilants car les jours qui viennent vont être plus durs. Nous demandons aux Tunisiens d'être vigilants et dénoncer tout ce qui est suspect. Les terroristes vont élargir leur champ d'intervention». De l'autre côté de la barrière Ajmi Lourimi, dirigeant à Ennahdha, esquive la question où va le pays pour répondre à la question où doit aller le pays ? Il déclare au Temps, que « le pays doit aller vers le dialogue et le consensus. Objectivement, il y a ceux qui veulent approfondir la bipolarisation, ce qui entraîne la division des Tunisiens. Toutes les parties doivent éviter la surenchère et la rupture. La rupture mène au dialogue de sourds. Chacun œuvre pour l'échec de l'autre alors qu'on devait agir pour la réussite de tous. Il n'y a pas de voie de salut autre que la reprise de l'opération politique avec les mêmes règles et d'interagir. Personne ne doit fermer la porte du dialogue. Prétendre qu'une seule partie peut déterminer l'avenir du pays est faux. En Tunisie tout le monde doit mettre la main dans la main. Dans les démocraties, pendant les moments de crises, les gens s'unissent. L'assassinat nous devons l'affronter par l'unité des Tunisiens. Cet assassinat ne doit pas être instrumentalisé. Le pays doit passer à la vitesse supérieure pour achever ce qui a été entamé. L'ISIE doit être mise sur pied. La Constitution doit être achevée, ainsi que la loi électorale. L'échéance électorale doit être arrêtée. Toutes les parties doivent trouver un consensus. Les prochaines élections mettront le pays sur les rails. La Constitution doit être celle de tous les Tunisiens. Les divergences politiques sont passagères. L'intérêt de la Tunisie dure. L'affaire de la Tunisie est avant tout politique. Tout peut être résolu par le consensus. Il faut bâtir ce qui a été réalisé ». Avec une position médiane, Mohamed Bennour, porte-parole d'Ettakatol, affirme au Temps que « le pays a besoin de dix dirigeants respectés par tous qui se réunissent autour d'une table et ne pensent à l'intérêt d'aucun parti. Ils répondront à la question qu'est-ce qu'on doit faire pour redresser la barre ? Durant six mois, la Tunisie vivra sans tensions. Ces personnalités trouveront des solutions. Tant qu'il y a des élections en vue, tant que dureront les tiraillements politiques. Dans les insultes mutuelles, les intérêts du pays se trouvent bafoués. Ces personnalités formeront des commissions, amèneront des économistes qui leur préparent un plan de sauvetage du pays. Ils se pencheront sur le sujet des frontières du pays. Comment les défendre de façon efficace ? Le pays est partagé en deux. Il faut chercher comment unir le peuple tunisien dans un seul objectif. Il faut trouver des solutions pour la Constitution, la loi électorale et la Justice. Il n'est pas normal que l'adolescente Amina croupit en prison alors que ceux qui ont mis le feu à l'ambassade américaine sont libres dans leur mouvement. Ils doivent trouver une formule pour la direction du pouvoir. Les services de renseignements doivent être réhabilités et enrichis par des jeunes, sinon d'autres Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi. Une commission doit être consacrée à l'information. Nous avons échoué sur tous les plans. Il faut une pose de réflexion. Que tout le monde se remette en question. D'un côté on appelle à la désobéissance civile, de l'autre on s'accroche à la légitimité. C'est de la cacophonie. Aujourd'hui, les enfants de la Tunisie sont en train de lui nuire. Kamel Saïd avait raison de renvoyer dos à dos pouvoir et opposition. Nous avons besoin de responsables qui ont une haute idée de la Tunisie ».