Ainsi, commence un nouveau feuilleton, dans le cadre de cette action répressive menée depuis quelque temps contre la liberté d'expression avec l'affaire Zied El Heni, selon la plupart des activistes de la société, juristes , associations de défense des droits de l'Homme, confondus. Ce journaliste, et défenseur des libertés depuis des années, qui a été longtemps traqué durant le régime de Ben Ali, a passé sa première nuit hier en prison, en vertu d'un mandat de dépôt émis par le juge du 10ème bureau d'instruction près le tribunal de première instance de Tunis. Son avocat, et membre du comité de défense de Zied El Heni, a affirmé, que cette décision est juridiquement sans fondement, étant prise sur la base de l'article 128, qui est abrogé depuis des années, ainsi que sur le décret 115, de l'année 2010, laquelle ne prévoit pas de peine de prison. De son côté le comité de défense précité, a déposé une requête à la cour de cassation tendant au transfert du dossier au tribunal de Sousse. C'est d'ailleurs sur cette base que l'audition du journaliste a été reportée, ce qui n'a pas empêché le juge d'instruction de prononcer à son encontre un mandat de dépôt sans pour autant avoir procédé à son audition. Le jet d'oeuf... C'est suite à ses déclarations aux médias dans le cadre de cette affaire de jet d'œuf contre le ministre qu'il est inculpé, et en vertu desquelles, il a affirmé que le journaliste photographe, Mourad Meherzi, impliqué également dans cette affaire, en tant que complice, n'a rien avoué, contrairement à ce qu'il est affirmé par le parquet. Il a même obtenu le procès verbal d'audition et qui ne serait même signé par le photographe en question. Il s'était muni selon ses avocats, dudit procès verbal dans l'intention qu'il aurait présenté au juge d'instruction en appui de ses affirmations. Toutefois, on lui reproche d'avoir manqué d'égard, au procureur de la République, et surtout d'avoir enfreint le secret de l'instruction en parvenant par des moyens détournés à obtenir un procès verbal d'instruction et de l'avoir dévoilé. Mais quand bien même ces actes soient répréhensibles, constituent-ils des délits de droit commun ? De l'avis de la plupart des observateurs dont des avocats et des magistrats, Zied El Heni a agi dans le cadre de sa profession en tant que journaliste tenu d'informer le citoyen et de dévoiler la vérité dans le but d'éclairer la Justice et l'opinion publique. D'autant plus que toute infraction réunit deux éléments importants, outre l'élément légal, c'est-à-dire le texte de loi, l'élément matériel et l'élément moral. Ce dernier élément vise l'intention de l'inculpé. L'intention de Zied El Héni est-elle coupable ? De l'avis de ses défenseurs ainsi que de la plupart des observateurs et activistes de la société, Zied el Heni a agi dans le cadre de sa profession, en tant que journaliste d'investigation, dans l'intention d'éclairer la Justice, et non d'attenter à son intégrité. L'article 128 est caduc et inapproprié Selon le comité de défense de Zied El Héni, l'article 128 sur lequel l'accusation est basée, est sinon abrogé, du moins tombé en désuétude depuis bien des années, et ce depuis l'ancien régime. En effet, le code de la presse, intervenu en 2007 sous Ben Ali, qui bien qu'il prévoit des peines de prison contre les journalistes, a remplacé l'article en question en ce qui concerne les médias écrits et audio-visuels. Par ailleurs le décret-loi 115 de l'année 2011 concernant la liberté de la presse est désormais applicable, et il ne prévoit pas de peine de prison dans de pareils cas. Vice de procédure Par ailleurs les avocats de la défense estiment qu'il y a un défaut de procédure, leur client n'ayant pas été entendu par le juge d'instruction. Ce qui rend le mandat de dépôt sans fondement, tant sur cette base que sur celle de la présomption d'innocence, la culpabilité du prévenu n'ayant pas été encore établie. Réaction des activistes de la société civile Les avocats de Zied El Heni ont occupé le bureau du juge d'instruction en signe de protestation contre la décision prise à l'encontre de leur client, mais ils ont été contraints de quitter les lieux manu militari. Tandis que dans les couloirs attenant au bureau d'instruction, les journalistes s'attroupaient pour faire obstacle aux agents policiers d'emmener leur collègue en prison. En vain, ayant été dans l'obligation de céder devant la résistance des agents de l'ordre, qui ont fini par prendre Zied El Heni à destination de la prison de Mornaguia. Par ailleurs, une vingtaine d'avocats ont décidé de porter plainte contre le juge d'instruction dont la décision sans fondement à l'encontre de leur client n'est qu'une réquisition sans fondement légal à titre de rançon. Une atteinte à la liberté d'expression et à l'indépendance de la Justice Dans une déclaration à Mosaïque Fm, Ahmed Rahmouni, président de l'observatoire de la Justice, a considéré que cette décision du juge d'instruction constitue une atteinte à l'image de marque de la magistrature, et à son indépendance. Elle rappelle, a-t-il ajouté, les pratiques de l'ancien régime, en vertu desquelles les décisions des juges étaient dictées par l'exécutif, notamment dans les affaires touchant à la liberté d'expression et d'opinion. La justice est en effet le meilleur indice du degré de civilisation de toute société évoluée et dotée d'un régime démocratique, sur la base duquel les citoyens jouissent de leurs droits dans le cadre de la loi et du respect des valeurs de la République.