Alors que les activistes de la société se déclarent étonnés, voire indignés par un acharnement contre la magistrature, qualifié par l'association des magistrats d'« acharnement clair et délibéré, au moyen de différentes formes de calomnies », les inculpations de journalistes, sous différents chefs de délits pénaux, passibles de peines privatives de liberté. Etant l'un des piliers sur lesquels repose un Etat démocratique, le pouvoir judiciaire veille au respect de la loi, et à la sanction de ceux qui y passent outre. Sur le plan pénal, cela commence par le procureur qui a l'opportunité des poursuites, et qui est l'organe compétent à engager l'action publique, même de son propre chef, et sans qu'il n'y ait eu préalablement de plainte. Et comme celui qui peut le plus, peut le moins, il lui est autant loisible d'ordonner le classement sans suite d'une affaire dans laquelle il estime que l'accusation est non fondée. Pour agir en toute équité, le procureur doit jouir d'une totale indépendance, afin que sa décision ne soit entachée d'aucune influence ou de subjectivité. Le deuxième élément important est la vérité qui éclaire la voie de la Justice. Vérité et indépendance, sont donc les facteurs essentiels qui conditionnent la décision du procureur, et dont dépend par ailleurs le sort du justiciable. Et c'est où le bât blesse, lorsque l'indépendance de la magistrature est remise en cause, et la vérité est détournée. C'est ce qui sévit dans les régimes dictatoriaux, où le pouvoir judiciaire est tributaire de l'exécutif, et agit selon ses directives, et c'est qu'avait enduré le citoyen tunisien sous l'ancien régime, sous Bourguiba autant que sous Ben Ali, notamment dans les procès politiques. En fait qu'est-ce qu'un procès politique au juste ? En principe, la seule chose qui qualifie un procès c'est l'application de la loi. Dire qu'un procès est politique c'est un non-sens, et c'est contraire au principe de l'équité. Et pourtant des procès politiques, il en a existé, et il en existera toujours, à travers le monde, dans toutes les affaires touchant, directement ou indirectement aux intérêts du pouvoir politique. Dès lors, on est en présence d'un affrontement entre les deux pouvoirs politique et judiciaire. Préserver l'intégrité du corps judiciaire Depuis la Révolution, et dans le cadre d'une restructuration de l'institution judiciaire, qui répond au mieux aux objectifs des justiciables, le souci majeur de tous les membres de la composante sociale, dont notamment, les associations de défense des droits de l'Homme, fut d'œuvrer à la préservation de l'indépendance de la magistrature, condition sine qua none d'une bonne justice. Il fallait mettre fin avec les anciennes pratiques de l'ancien régime, qui ont nui à l'image de marque de la Justice. C'est donc le corps judiciaire qui est essentiellement concerné. Les personnes qui s'y rattachent sont tenues de se plier aux conditions permettant de ne pas entraver sa bonne marche, dont notamment la bonne application de la loi. Les derniers procès, dans lesquelles des journalistes, des artistes, ou des intellectuels ont été impliqués pour avoir critiqué les pouvoirs publics ou le gouvernement, ont incité les composantes de la société civile à réagir, non pas pour mener des campagnes de digression, à l'encontre certains magistrats, mais surtout pour faire part de leur inquiétude, quant à la menace subie de plus en plus par le corps judiciaire, concernant notamment son indépendance un rappeur est inculpé et condamné à une peine de prison, alors que ceux qui ont été impliqués dans l'affaire de l'attaque de l'ambassade des Etats-Unis, où il y eu des morts et des blessés, s'en sortent avec des peines de prison avec sursis. Dernièrement Tahar Ben Hassine, a fait l'objet de poursuite par le procureur, pour avoir appelé à la désobéissance pacifique, et il a passé un mauvais quart chez la brigade criminelle, avant que le juge d'instruction ordonne enfin, sa libération. Le journaliste Zied El Hani, qui a fait des déclaration dans la cadre de sa profession, est poursuivi en vertu d'un article de droit commun, prévoyant la condamnation à la peine de prison, est auditionné aujourd'hui sur cette base. Or, le journaliste concerné a déclaré que l'article sur la base duquel il est poursuivi, à savoir l'article 128, est doublement abrogé : par le code de la presse paru sous l'ancien régime, et le décret- loi 115 de 2011, relatif à la liberté de la presse. C'est ce qui est de nature à inquiéter l'opinion publique, sur un retour éventuel des anciennes pratiques, de nature à nuire à l'indépendance de la Justice. Ce n'est pas le magistrat qui est pris à parie. Il est lui-même au cœur du litige, car il est juge et partie. C'est son image de marque qu'il faut défendre et préserver par tous les moyens. il faut que le justiciable reprenne confiance en la Justice. C'est de l'avis de toutes les composantes de la société civile. Le magistrat doit tirer des leçons du passé pour préserver son avenir Un communiqué de l'observatoire tunisien pour l'indépendance de la Justice paru en date du 12 septembre dernier, a déploré que certaines poursuites soient tributaires des tiraillements politiques. Ahmed Rahmouni, président dudit observatoire a dans le même communiqué souligné notamment qu'il est capital de préserver le droit d'expression dont doivent jouir les journalistes et tous les activistes de la société civile, en faisant part par là même de sa crainte de l'atteinte à ces droits humains par le retour aux pratiques de l'ancien régime. Nous espérons, conclu-t-il, que les magistrats puissent tirer la leçon du passé, et rompre définitivement avec les procès d'opinion, pour pouvoir par là même, recouvrer son rôle fondamental dans la défense des droits et des libertés loin de des antagonismes partisans et des luttes politiques.