Le conseil sectoriel de la FGESRS, réuni samedi 28 septembre dernier, a décidé d'observer une grève préventive d'une seule journée, le jeudi 10 octobre prochain. La raison de cette décision c'est la politique d'atermoiement suivie par l'autorité de tutelle, selon le secrétaire général, Hussein Boujarra, qui nous affirme que leur syndicat a signé trois accords avec l'actuel ministère mais qu'aucune des clauses n'a été appliquée jusqu'au jour d'aujourd'hui. Les revendications des universitaires sont de deux ordres, matériel et moral. Accroissement des prérogatives du ministère Pour ce qui est de ces dernières, les professeurs restent persuadés que la réforme universitaire ne pourrait avoir lieu qu'à travers l'indépendance de l'université tunisienne et des commissions pédagogiques, et c'est ce que, justement, le ministère a signé dans le dernier accord conclu au mois d'avril 2013 où il est stipulé que celui-ci s'engage à respecter l'indépendance des universités et les libertés pédagogiques. Cependant, la réalité est tout autre, ce qui se produit sur le plan des faits se contredit, nettement, avec cet engagement écrit, étant donné que l'autorité de tutelle refuse de reconnaître des élections organisées conformément aux procédures légales et où sont présents le conseil scientifique de l'établissement universitaire concerné et les membres du conseil de l'université et à leur tête le recteur. Malgré l'observance de toutes ces conditions, le ministère conclut à l'illégalité des élections et en rejette les résultats. Cet imbroglio provoqué par ces attitudes inconséquentes amène Boujarra à se poser une question : est-on en face de l'accroissement des prérogatives de l'autorité de tutelle et les directions centrales s'y rapportant ? Ou bien, au contraire, on est en train de réduire au maximum cette bureaucratie excessive et accorder, par là même, des attributions aux commissions pédagogiques élues qui constituent la pierre angulaire de la réforme universitaire ? Représailles vengeresses Ces jours-ci, les recteurs qui font l'objet d'un règlement de compte de la part de l'autorité de tutelle pour avoir signé le communiqué du mois d'août où ils expriment leur engagement à soutenir l'initiative de l'UGTT selon laquelle la lutte contre le terrorisme et la violence est tributaire du dialogue et du consensus auquel toutes les parties doivent aboutir et où ils en imputent la responsabilité au gouvernement provisoire de manière claire et explicite ( voir l'interview du 15 septembre dernier). Le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique a vu dans ce communiqué signé par 10/13 recteurs un acte hostile qui vise M le ministre en personne. C'est pourquoi il refuse de satisfaire toute demande émanant d'eux comme s'il s'agissait d'un acte de vengeance. « Toutes ces raisons font que tous les élus, que ce soit les structures syndicales ou pédagogiques, soient unanimes à considérer que l'université tunisienne est menacée par ce ministère qui, au niveau du discours, adopte tous les slogans démocratiques que nous revendiquons et les signe dans les accords officiels, alors que, dans la réalité, il emprunte une voie qui y est tout à fait opposée, comme je l'ai déjà précisé » soutient le secrétaire général de la FGESRS. Quant au volet matériel, il y a, tout d'abord, la prime de la rentrée universitaire signée par M le ministre, lors de l'année précédente, qui s'est engagé par écrit à verser cette augmentation en janvier 2013, mais, comme d'habitude, toujours rien, rien que des procrastinations, réitère le secré&taire génaral dela FGESRS. Et ce qui s'est passé tout au long de cet été est presque une rétraction définitive par rapport à tous les points et en même temps une interruption des négociations avec la FGESRS tout en continuant à accuser celle-ci par la bouche du chef du cabinet qui lui en impute, sur les ondes de la Radio des jeunes, la responsabilité de fermer la porte des négociations. Alors que, suite à la dernière séance de celles-ci tenue à la mi-juillet, le syndicat a publié un texte où il a expliqué que les négociations sont arrivées à une impasse, et par conséquent, il a été convenu de programmer d'autres séances sur la période estivale, mais l'autorité de tutelle n'y a pas convoqué la délégation syndicale. « Et si le chef du cabinet prétend le contraire, qu'il avance des documents attestant le bien fondé de ses allégations ; nous, de notre côté, on dispose de toutes les preuves appuyant notre position », défie Boujarra. Procès contre les responsables Le dernier point dans ce chapitre, c'est la question de mutation qui est d'une importance capitale pour les universitaires, vu l'explosion qu'a connue l'université tunisienne et la volonté de dépasser les disparités entre les universités du littoral et celles de l'intérieur du pays. Le problème c'est que le comité composé des deux parties, syndicale et ministérielle, qui était constitué l'année dernière et qui a bien fonctionné, s'est éclipsé; le ministère se désengage de ses accords, justifiant ce comportement par le fait qu'il est partant. C'est pourquoi, pendant l'année en cours, on ne s'est réuni que trois fois, alors que pendant l'année précédente on a tenu plus que douze séances de négociations. « La première était organisée au mois de juillet dans le cadre du mouvement de mutations, la seconde, immédiatement après le sit-in organisé début octobre, et la troisième, à la suite de l'envoi de notre part de la lettre de grève dont je suis en train de parler, ce qui témoigne du manque de sérieux de la part du ministère dans les discussions qu'il entame avec notre syndicat », précise Boujarra. Autrement dit, l'autorité de tutelle ne prend les choses au sérieux que si et seulement si elle réalise la détermination des universitaires et leur syndicat à aller de l'avant et leur fermeté à s'agripper à leurs revendications ; tant que cette volonté n'est pas esquissée, elle joue aux prolongations. Lors de la dernière réunion, le ministère prétend qu'il a annoncé les résultats des mutations ordinaires en soulignant que ceux relatifs aux états de santé et social sont négatifs et veut que la partie syndicale signe le rapport. « Nous ne signons que lorsque nous sommes partie prenante aux discussions et à l'étude des dossiers, le document que nous avons signé et que nous signerons à l'avenir comprendra notre affirmation que toutes les décisions du ministère en matière de mutation sont dépourvues de toute légitimité et de toute transparence. Et sur cette base, le syndicat demande à tous les demandeurs de mutations d'engager un procès contre le responsable ministériel qui a, personnellement, présidé aux travaux du comité qui en avait la charge, parce qu'est c'est lui qui a dépassé les accords », le secrétaire général. Hostilité au principe électoral Cette situation a poussé les syndicalistes à décréter la grève du 10 octobre, explique Hussein Boujarra, qui soutient, avec fermeté, que la séance de négociations, à laquelle les a appelés l'autorité de tutelle et à laquelle ils ont accepté de prendre part, ne sera jamais comme ses devancières et qu'ils n'accepteront pas de nouveaux atermoiements de sa part. « Nous ne consentirons qu'à un engagement effectif vis-à-vis de l'ensemble des points contenus dans nos accords », ajoute-t-il. Pour lui, c'est le seul moyen de faire restituer la crédibilité aux négociations qui constituent le cadre de travail pour le syndicat. Et quand elles n'aboutissent pas, celui-ci n'aurait d'autre alternative que le recours à tous les moyens de lutte légitimes et régis par la loi, et à la tête desquels se trouve la grève dont la responsabilité incombe au ministre et non pas au syndicat, toujours d'après son secrétaire général, car, comme il l'a démontré, ce dernier n'honore jamais ses engagements signés. En fait, ce comportement dénote une mentalité commune à l'ensemble des ministres de ce gouvernement provisoire, vu que la FGESRS n'est pas la seule à en souffrir, mais c'est le lot de tous les secteurs professionnels au sein de l'UGTT. Enfin, Boujarra appelle tous les universitaires à œuvrer à faire réussir cette grève en quoi il voit le seul moyen susceptible de faire face à l'arrogance du ministère et à l'extension démesurée de ses services aux dépens des structures pédagogiques élues. La rentrée universitaire de l'année en cours est la plus médiocre de toutes, elle est même pire que celle de l'année écoulée. C'est une rentrée jamais connue dans les annales de l'université tunisienne et où l'autorité de tutelle a, même, omis de répondre, dans les délais, aux différentes demandes formulées par les universitaires telles que, par exemple, celles relatives à la retraite. Bien qu'il existe des textes de lois qui obligent les autorités à informer les intéressés six mois avant d'atteindre cet âge limite, elle les en avise seulement quelques jours avant et même après, lorsque les intéressés ont, déjà, obtenu un emploi de temps. Parmi ceux-là, il y en ceux qui exercent des fonctions de responsabilité telles que les présidents de sections et de comités, alors que la loi stipule que tous ceux qui sont élus ne pourraient en aucun cas être mis à la retraite et qu'ils doivent finir le mandat pour lequel ils étaient élus. La FGESRS refuse, vivement, toutes ces pratiques qu'elle considère non seulement bureaucratiques, mais aussi une politique de ressentiment contre tous les élus et le principe électoral en lui-même, suivant les affirmations de Hussein Boujarra.