La subvention accordée dans le cadre du budget de l'Etat au profit des carburants et des produits pétroliers, en Tunisie, serait fictive et ne correspondrait à rien de concret, estime Fawzia Bacha, avocate à la Cour de cassation et spécialiste internationale des contrats pétroliers Présentant, dernièrement à la presse tunisienne, les conclusions de l'une de ses enquêtes en la matière, Fawzia Bacha a soutenu que pour savoir ce qu'il en est exactement de la subvention des carburants, il importe de comprendre ce qu'il en est exactement du secteur de l'énergie en général en Tunisie, en soulevant un ensemble de questions et on constatera en y répondant que la thèse de la subvention des carburants n'est pas exacte et que l'argent dépensé, à ce titre, n'est qu'un moyen pour couvrir la mauvaise gestion et la dilapidation des deniers publics
Contradictions Dans ce contexte, Fawzia Bacha a signalé que les puits pétroliers et de gaz exploités en Tunisie et qui appartiennent à des compagnies étrangères à 100/100 ou sont à capital mixte tuniso-étranger, ne sont pas équipés de compteurs fiables et en bon état permettant à l'Entreprise tunisienne d'activités pétrolières (ETAP) de connaitre le volume réel de la production afin de calculer la valeur exacte de la redevance à payer à l'Etat tunisien et sa part dans la production réelle. L'Etap n'a pas posé des compteurs propres à elle, aux côtés des compteurs mis par les producteurs et les fournisseurs. Au même moment, le pétrole tunisien est de qualité supérieure, de sorte que son exportation devrait tenir compte de cette caractéristique. Or, dans les rapports officiels de l'Etap, en 2011, le pétrole tunisien de qualité supérieure a été exporté à raison de 112 dollars le baril, alors que le pétrole étranger de qualité inférieure a été importé à raison de 118 dollars le baril. Dans le même ordre d'idées, l'Etap s'approvisionne auprès de sociétés privées et non pas de sociétés publiques, mais les sociétés privées vendent le pétrole plus cher que les sociétés publiques. Fawzia Bacha a invoqué à cet égard le rapport annuel de la Cour des comptes pour 2011 qui a mis en évidence l'existence de contradictions flagrantes dans le rapport financier de l'Etap, notant qu'en principe l'enveloppe budgétaire consacrée à la subvention des carburants et des produits pétroliers est versée à l'Etap. Or, en 2011, l'Etat a versé à l'Etap, à ce titre, la somme de 572 millions dinars et a versé également à la Société tunisienne des industries de raffinage (STIR), à ce titre, la somme de 424 millions dinars. L'enveloppe budgétaire allouée à titre de subvention des carburants et des produits pétroliers dans le cadre du budget de l'Etat pour 2013 avoisine 3000 millions dinars, soit la moitié de l'enveloppe budgétaire consacrée à la subvention des produits de large consommation en général.
Manipulations Puis, conformément aux conventions signées avec les sociétés pétrolières et de gaz opérant en Tunisie, la Société tunisienne d'électricité et de gaz achète auprès de ces sociétés le gaz à des prix avantageux, ce qui est à vérifier. Sur un autre plan, les sociétés pétrolières et de gaz opérant en Tunisie fixent à 47 dollars le coût technique de la production d'un baril de pétrole, alors que ce coût technique atteint seulement environ 11 dollars. La raison en est que les sociétés pétrolières en question gonflent les dépenses occasionnées par la production à défaut d'un contrôle sérieux. L'enquête a signalé, en outre, une baisse de la consommation des carburants et des hydrocarbures en général, en Tunisie, en raison de la stagnation économique, parallèlement à la recrudescence de la contrebande des carburants à partir de la Libye et de l'Algérie vers la Tunisie et la distribution des quantités importées en contrebande à des prix bas. Fawzia Bacha a signalé, aussi, une augmentation de la production en pétrole et en gaz, dans les concessions détenues par l'Etap, alors que les concessions détenues par les sociétés étrangères affichent des baisses de la production à des taux importants, mettant en doute cette baisse et attribuant sa déclaration au manque de contrôle et à de l'évasion fiscale. Elle a signalé aussi les dépenses importantes consenties par l'Etap dans des recherches pétrolières sans résultats en Mauritanie, car, a-t-elle dit, la réglementation permet à l'Etap d'accorder à elle-même des licences de recherches et de prendre en charge toutes les procédures et les opérations liées aux activités pétrolières, sans dépendre d'un autre organisme de contrôle, au point que le directeur général de l'énergie au ministère de l'industrie est payé par l'Etap qu'il est censé contrôler. Le rapport annuel de la Cour des comptes pour 2011 a signalé ces disfonctionnements et la mauvaise gestion qui entachent le secteur pétrolier et de l'énergie en Tunisie, mais ses conclusions n'ont été suivies d'aucun effet, a-t-elle dit.