Chaque édition de l'Octobre Musical réserve une surprise pour les habitués à travers un concert particulier qui les transporte ailleurs tout en les éloignant de la sphère classique. Après une pré-ouverture placée sous le signe de la tradition et le rapprochement entre deux contrées et deux continents, l'Acropolium de Carthage et l'Ambassade du Japon en Tunisie ont présenté, le vendredi 25 octobre dernier, une rencontre entre deux univers différents en amont mais si complémentaires en aval. Une rencontre entre le « taiko » (tambour) de Léonard Eto et le monde chorégraphique de Roxane Butterfly. Deux artistes prodigieux dont la renommée et la carrière les ont amenés à se produire sur les scènes les plus prestigieuses et ce vendredi, ce fut la scène de la 20ème édition de l'Octobre Musical qui accueillit ces deux immenses artistes pour un concert époustouflant. Sur la scène, un tambour aux dimensions impressionnantes trônait sur son piédestal entouré d'autres instruments de percussion et d'une estrade carrée, en bois. La salle, s'emplissant petit à petit, on jetait un coup d'œil discret au détour d'une conversation ou on exprimait sa curiosité pour cet objet singulier. Peu après 20 heures, un homme en costume de scène avait frappé la peau tendue. Un son sourd et profond s'est répandu, imposant le silence tout en captivant les sens. Le coup d'envoi avait fait sensation donnant ainsi le ton de la soirée. Cette dernière était placée sous le haut signe de la puissance : celui du rythme et celui du jeu. Le premier avait plongé l'assistance dans l'antre d'une musique originale alliant le traditionnel au contemporain. Le deuxième laissait entrevoir à travers une maitrise parfaite de l'instrument le talent de Léonard Eto. Le ravissement des convives s'est intensifié lorsqu'au tambour s'associèrent les pas de danse. En effet, à mi-concert, Roxane Butterfly a fait son entrée. Pieds nus, elle a entamé une danse vigoureuse sur l'estrade en bois. L'impact des pas sur le bois produisait un tambourinement sourd doté d'une rythmique assez particulière. Dans une chorégraphie originale, l'artiste avait mis en alerte l'oreille du public et avait capté son regard. Au tambourinement sourd avait succédé le tempo plus endiablé des claquettes. Des chaussures rouges, Roxane Butterfly a fait jaillir un son plus perçant et plus aigu. Sur le marbre de la scène ou sur l'estrade en bois, elle a conjugué la force de ses pas à la puissance des bras de Léonard Eto. Ensemble, ils ont ouvert les portes d'un monde fait de musique et de danse atteignant parfois une transe où le corps et l'instrument se sont confondus et où l'artiste devient le trait d'union entre le réel et le mystique. Dans ce mysticisme vers lequel nous ont transportés le percussionniste et la chorégraphe, une transcendance de l'âme s'est opérée. A la fois entraînante et ésotérique, la musique était mêlée de beauté et de force pénétrante. En solo, Léonard Eto a subjugué par son savoir-faire et sa force interprétative. En compagnie de Roxane Butterfly, c'est un duo de choc qui exprime la magnificence à travers l'expression corporelle et la musique particulière du tambour. Des rythmes emplissant la salle, des consonances orientales, maghrébines parfois, était perceptible. Le talent de Léonard Eto était cette communion musicale où l'Orient et l'Occident se confondaient dans une jonction de tempo. A travers la danse de Roxane Butterfly, c'est l'atemporalité et la non-appartenance à un territoire qui était de rigueur. En duo, c'est une musique du monde que les deux artistes ont proposé au public de l'Octobre Musical. Un public de tout âge qui a été conquis par le « taiko » et son interprète et par la danse du papillon. L'Acropolium de Carthage et l'Ambassade du Japon en Tunisie ont permis aux convives de découvrir, dans le cadre d'un festival dédié à la grande musique, une musique grandiloquente et particulière. Un challenge quelque peu risqué mais qui a satisfait grands et petits à travers deux immenses artistes dont le talent est incontestable…