Le sport tunisien en a connu de pires. Surtout lors de certaines confrontations traditionnelles où la rivalité exacerbée tourne à la dérive mais toujours à la suite d'un mécanisme déclencheur. Une réaction provoque toujours une contre-réaction (Isaac Newton), mais, dans le cas d'espèce, de quel type de réaction parlons-nous ? Et d'ailleurs, en dehors d'une finale de Coupe remportée par les Cabistes de Mokhtar Tlili, en 82, à El Menzah, sur ce même Club Africain, il n'existe pas de rivalité à proprement parler entre les deux clubs pas plus qu'il n'y eut d'échauffourées notables entre les deux galeries. On pourra disserter à l'envi sur les (prétendus) égarements de l'arbitre. On pourra huer, crier, blasphémer même dans les gradins, et c'est normal puisque sans être un « opium », le football est un exutoire : c'est l'arène où s'opère cette purgation des passions, où l'on se défoule, où l'on s'affirme socialement à travers le cordon ombilical et cette fibre affective vis-à-vis du club « chéri ». Cela se passe ainsi partout ailleurs... Certaines lignes restent, néanmoins, claires. Peut-on justifier, peut-on expliquer même des actes de vandalisme, des actes fichus et irrationnels, en fin de compte, prétextant une colère pour un match perdu ? Qu'est-ce qui pousse ces jeunes égarés à briser tous les interdits, à calciner des voitures, à saccager une clinique, d'hystérie... Posons-nous cette question ? Qui encadre tout ce beau monde qui va au stade ? Ce serait trop facile de confier à la seule vigilance des agents de l'ordre, les lubies parfois démentielles, presque toujours chauvines de ceux qui oublient qu'il s'agit simplement de sport. Lors d'un récent colloque à Hammamet, le Dr. Abdelhamid Slama soulevait la question des comités des supporters. On en conclut, en l'occurrence, qu'il fallait leur conférer un cadre juridique, parce qu'ils existent de fait et non de droit. Une cohérence juridique draperait les comités des supporters, de cette force légale instituant une étroite collaboration avec les services d'ordre. Mais ce n'est pas tout. Quand les entraîneurs s'agitent, gesticulent, n'en finissent pas de palabrer, et si, à leurs côtés, leurs présidents jouent aux victimes, courent, crient (et d'ailleurs que font-ils sur le banc ?), il devient difficile de gérer un match, fût-il dépourvu d'enjeux, comme celui de samedi dernier. Mais c'est encore là, la face émergée de l'Iceberg. Nous savons que notre football est entré dans la logique impitoyable de l'argent. Il n'est plus maître de cette vocation ludique, sportive et éthique qui fut sienne. Mais si nous devions seulement nous contenter de punir les fautifs, nous ne nous attaquerions qu'aux conséquences du problème. Il faut avoir le courage de remonter aux origines du malaise qui se répand dans nos stades.