Les dernières solutions innovantes de LG en matière de chauffage, ventilation et climatisation présentées au MCE 2024    Tunisie : Réserves en devises de la BCT au 18 Avril 2024    Le taux de remplissage des barrages baisse à 35,8%    USA : Biden pétrifie le pays avec l'histoire de son oncle mangé par des cannibales en Nouvelle-Guinée…    La France n'est plus le paradis des jeunes violents : Attal dégaine des mesures sans précédent    Reprise progressive du trafic à l'aéroport de Dubaï    Ali Mrabet souligne la nécessité d'accélérer la mise en place de l'Agence nationale de la santé publique    Kais Saied inaugure la Foire internationale du livre de Tunis    Abdelaziz Kacem: À la recherche d'un humanisme perdu    Forum économique Niger-Tunisie du 4 au 9 mai : Une délégation d'hommes d'affaires tunisiens s'envole pour Niamey    Express    Inauguration de la séance plénière du Conseil national des régions et des districts    Le Mouvement du 25-Juillet appelle Kaïs Saïed à se présenter à la présidentielle    Ahmed Hachani promeut un retour réussi des TRE pour la saison estivale    Une nouvelle injustice entache l'histoire de l'ONU : Le Conseil de sécurité échoue à adopter une résolution demandant la pleine adhésion de l'Etat de Palestine    Un grand succès sécuritaire : Deux terroristes classés « très dangereux » capturés    CSS : La coupe pour se requinquer    Ligue des champions – Demi-finale aller – EST-Sundowns – Demain soir à Radès (20h00) : Ces choix qui s'offrent à Cardoso...    Le ministre de l'Intérieur : « La sécurité du pays est notre mission et la loyauté envers la patrie est notre credo »    Météo en Tunisie : Vent fort et températures en baisse    Bac sport : L'envers du décor    Mohamed Essafi : la rencontre avec la ministre de l'Education était positive    Un bus de touristes frôle la catastrophe    La Transtu offre un service de bus régulier pour l'accès au Salon du Livre    Baisse de 20 % des précipitations en Tunisie en février    Conservation des Fraises : Comment les congeler pour les savourer toute l'année?    Kasserine - Arrestation d'un troisième terroriste    L'ATB fixe la date de son AGO pour l'exercice 2023    Foire du livre – L'Italie Invitée d'honneur S.E. L'Ambassadeur d'Italie Alessandro Prunas à Tunis : « La culture est l'un des piliers les plus développés et les plus dynamiques de la relation bilatérale tuniso-italienne »    La Presse : M. José Maria Arbilla, ambassadeur d'Argentine, rend visite à La Presse    Aujourd'hui, ouverture de la 38e Foire nationale du livre de Tunis    Ouverture aujourd'hui de la 38° Foire du livre de Tunis : L'Italie invitée d'honneur    Tunisie : Hausse de 32% des exportations des produits agricoles bio    Situation globale à 9h suite la confirmation d'Israël des frappes sur le sol iranien    Orange Digital Center et Coursera s'associent pour offrir des formations certifiantes gratuites sur les nouveaux métiers du numérique    Affaire de complot - Les membres du comité de défense empêchés d'accéder à la prison de la Mornaguia    Ministère de l'Intérieur : Arrestation d'un terroriste classé « très dangereux » à Kasserine    Classement des pays arabes les plus endettés auprès du FMI    Stuttgart : Ons Jabeur éliminée en huitièmes de finale    Jazz Club de Tunis et Centre d'Art B7L9 s'associent pour célébrer la Journée internationale du jazz    La Juventus condamnée à payer près de 10 millions d'euros à Cristiano Ronaldo    Oui, cette photo a été prise à Gaza    Mohamed Boughalleb condamné à six mois de prison    Kaïs Saied préside la célébration du 68e anniversaire de la création des forces de sécurité intérieure (Vidéo)    Ons Jabeur se qualifie au prochain tour du tournoi WTA 500 de Stuttgart    Le sport Tunisien face à une crise inquiétante    Plus de 700 artistes participeront au Carnaval International de Yasmine Hammamet    Le CAB perd de nouveau en déplacement à Tataouine : Une mauvaise habitude !    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



L'invitée du Dimanche: Marie-Christine Vergiat, députée européenne du Front de Gauche.. «Non, je ne pense pas que les relations entre la Tunisie et la France ont réellement changé après la chute de Ben Ali»
Publié dans Le Temps le 22 - 06 - 2014

Elle était notre invitée il y a plus d'une année, à l'occasion du Forum Social Mondial (FSM), organisé en Tunisie, au mois de mars 2013. Depuis, plusieurs choses ont changé aussi bien au niveau local qu'international et le monde va de mal en pis comme elle l'a déjà pressenti. Les lectures, qu'elle a faites de cette réalité décevante et alarmante et qui s'appuyaient sur des données objectives, étaient avérées par les faits. Autrement dit, ce que vit la Tunisie, actuellement, n'est en fait que l'aboutissement logique de cette politique menée à son égard par les milieux financiers internationaux, principalement, le FMI et ce qu'elle appelle la Troïka, constituée du Parlement européen, du Conseil des ministres européens et de la Commission européenne, qui ont soutenu la Troïka tunisienne, en raison du fait qu'elle appliquait des politiques qui les arrangeaient et qui étaient les mêmes que celles de Ben Ali. Cette fervente militante associative et politique, qui vient d'être réélue, le 25 mai dernier, au Parlement européen, défend avec détermination l'altermondialisation visant à mettre en avant des valeurs comme la démocratie, la justice et l'égalité. Ce projet alternatif, qui fait face à la mondialisation exercée par les pays les plus riches de la planète et à l'exclusion de tous les autres, passe, nécessairement et essentiellement, par une refonte intégrale de l'UE. C'est ce qu'elle propose dans son dernier ouvrage intitulé « Pour une Europe de l'égalité et de la citoyenneté » où elle parle, entre autres, des migrants et des relations avec les pays du sud.
Le Temps : comment expliquez-vous la montée de l'extrême droite aussi bien en France que dans d'autres pays européens?
-Mme Vergiat : Au soir du 25 mai, nous avons tou(te)s été un peu tétanisé(e)s par le résultat des élections européennes. Ceux-ci sont effectivement marqués par une poussée de l'extrême droite et de la droite extrême dans de nombreux pays européens et tout particulièrement en France. Ces partis font leur lit sur la montée d'un sentiment anti-européen qui résulte essentiellement des conséquences sociales des politiques économiques ultralibérales qui sont particulièrement à l'œuvre depuis le début de la crise financière. Leurs discours sont simplistes. Ils prônent la nostalgie du passé et veulent faire croire que tout serait résolu dans le cadre d'un repli nationaliste et identitaire. Dans ce cadre, « les immigré(e)s » (terme aux contours non définis) sont transformés en boucs émissaires. Cela évite de se poser les bonnes questions, notamment en matière économique et sociale, et masque la vacuité de leur programme électoral en ces domaines. Ces résultats sont particulièrement spectaculaires en France où le Front national a réussi à faire élire vingt quatre députés européens, soit plus de la moitié des députés du groupe que Madame Le Pen tente de constituer actuellement au Parlement européen. Notons que pour le moment, elle n'y est pas encore arrivée puisque pour constituer un groupe politique au Parlement européen, il faut non seulement vingt cinq députés mais que ceux-ci soient les représentants de sept pays mais le plus probable est qu'elle y arrivera au final avec des partis pour le moins hétéroclites. On parle notamment d'un parti polonais qui pourrait rejoindre ce groupe qui est tellement sexiste qu'il conteste même le droit de vote pour les femmes.
-Quelles seront les conséquences sur le fonctionnement du Parlement européen après cette nouvelle configuration ?
-Sans chercher à relativiser le score réalisé par l'extrême droite, surtout pas en France où le Frontnational s'inscrit malheureusement dans le paysage électoral depuis plus de trente ans et s'y enracine peu à peu sur l'ensemble du territoire et dans toutes les couches sociales, il est peu probable que cela change beaucoup la façon de fonctionner du Parlement européen car si l'extrême droite a gagné des sièges, c'est d'abord et avant tout au détriment de la droite classique. Et le Parti populaire européen (PPE), dans lequel siègent les députés UMP français, reste le principal groupe avec plus de cents membres. Il sera juste un peu moins hégémonique puisqu'il en a perdu une cinquantaine. La droite anti-européenne (celle qui se reconnaît principalement autour des Conservateurs britanniques) offre un curieux spectacle en disputant les nouveaux députés à l'extrême droite des populistes anglais de l'UKIP et à celle de Marine Le Pen. Cela induit un sérieux risque de radicalisation des groupes de ce côté de l'hémicycle européen et renforcera la tendance habituelle au consensus mou des groupes dits de gouvernement que nous appelons désormais la Troïka (socialistes, libéraux et ce que j'appellerai la droite classique qui se retrouve dans le PPE). Cette cuisine assez nauséabonde est très symptomatique de la crise démocratique, culturelle, morale et politique qui frappe l'ensemble des Etats de la vieille Europe. Ils sont menacés dans leur hégémonie sur le monde et semblent prêts à tout pour conserver celle-ci au risque d'entraîner une partie de leurs peuples respectifs dans leur folie. Il est d'ailleurs surréaliste quela seule réaction de nombre de gouvernements face à cette montée de l'extrême droite soit de proposer d'aller plus loin encore dans le néolibéralisme et les réformes mortifères qui mettent en cause l'Etat social qui a pourtant été un des grands acquis (conquis) sociaux de l'Europe occidentale.
-Comment peut-on comprendre la faiblesse des résultats des forces de gauche aux élections européennes?
-Tout dépend de ce que l'on appelle les forces de gauche. Globalement, la composition des groupes socialiste et écologiste évolue peu au Parlement européen. Ils régressent un peu mais très légèrement. Quant à la Gauche européenne stricto sensu, celle qui se reconnaît dans le parti du même nom et dont les représentants siègent dans le groupe de la Gauche unitaire européenne/ Gauche verte nordique (la GUE/GVN à laquelle je suis fière d'appartenir), elle a progressé de façon substantielle notamment dans les pays du Sud de l'Europe, ceux qui sont le plus durement touchés par les politiques austéritaires de l'autre Troïka (FMI/Commission européenne/BCE). C'est particulièrement le cas en Grèce avec le très beau score de nos ami(e)s de Siriza qui constitue un immense espoir. Ils étaient à 4 % il y a cinq ans et le 25 mai, ils ont frisé les 30 %. Ils sont désormais aux portes du pouvoir. Grâce à eux mais aussi notamment à nos amis espagnols (tant Izquierda unida que Podemos –issus du mouvement des Indignados - qui nous ont, eux aussi, rejoint), notre groupe passe de trente cinq à cinquante deux membres, soit une progression de 50 % et c'est un groupe paritaire constitué à égalité d'hommes et de femmes. Les résultats sont variables selon les Etats membres de l'Union européenne. Mais pour ce qui concerne la situation en France, c'est vrai que c'est assez catastrophique, le Parti socialiste ayant entraîné dans sa chute, l'ensemble des forces de gauche. Et le Front de Gauche n'a pas été en mesure d'apparaître comme une force alternative aux yeux des électeurs. Nous sommes peu ou prou au même niveau que lors des dernières élections européennes en 2009 et même si nous avons progressé en voix dans toutes les circonscriptions, nous sommes loin des 11 % obtenus lors de l'élection présidentielle de 2012.
-Comment comptez-vous riposter pour rectifier le tir?
-Il y a urgence à réagir pour construire une alternative notamment en mobilisant la société civile, en travaillant autrement avec les mouvements sociaux et avec tous ceux et toutes celles qui portent encore et toujours des valeurs progressistes en nous appuyant, par exemple, sur l'expérience de nos amis grecs et espagnols. La lutte contre le Grand Marché Transatlantique, ce projet d'accord de libre-échange tous azimuts concocté dans le plus grand secret entre les Etats - Unis et l'Union européenne peut nous en donner l'occasion. C'est l'avenir de nos enfants qui est là derrière tout comme celui de la planète. Quel monde voulons-nous pour demain ? Un monde dans lequel seuls comptent les intérêts de la finance, des grandes multinationales ou un monde où les intérêts des peuples seraient de nouveau pris en considération ? Un monde de la concurrence du tous contre tous, de la compétitivité tous azimuts ou un monde de solidarité et de coopération ? Et que l'on cesse de nous dire que ce n'est pas possible, qu'il n'y a pas d'alternative politique possible. Il suffit de voir l'évolution des richesses pour se convaincre du contraire.
-Dans votre communiqué précédant la proclamation des résultats des élections européennes, vous avez soutenu que « les partis qui ont gouverné depuis dix ans sont désavoués ». Pourquoi?
-En France, ces deux soi-disant « grands partis de gouvernement » ont fait une campagne déplorable. Ils ont rivalisé dans la politique politicienne se renvoyant les fautes les uns sur les autres alors que leurs représentants gèrent ensembleles institutions européennes depuis l'origine de la construction européenne que ce soit au Parlement européen, au Conseil des ministres européens ou à la Commission. C'est la Troïka que j'évoquais ci-dessus. Ils sont donc coresponsables des politiques européennes d'austérité actuelles et de leurs déclinaisons nationales qui font tant de mal aux peuples européens. L'UMP et le PS ont escamoté les vrais enjeux européens qui n'ont guère fait l'objet de réels débats. Ils ont démontré, par là comme dans la composition de leurs listes où ils ont casé des perdants des élections législatives de 2012 ou des responsables politiques nationaux en mal de mandat au détriment de député(e)s européens qui avaient fait leur travail, que la question européenne était accessoirepour eux.
-Par quoi expliquez-vous cette déflagration concomitante du PS et de l'UMP ? Cela pourrait-il aboutir à une fusion entre les deux partis comme le soutiennent certains?
-En fait, les électeurs comprennent de mieux en mieux que ces partis ne constituent pas un choix réel pour eux et voient très bien, au-delà des discours électoraux, qu'ils mènent les mêmes politiques en matière économique comme en matière migratoire notamment. François Hollande a été élu en prônant le changement et en disant même qu'il allait faire la guerre à la finance. Depuis lors, il conduit les mêmes politiques que son prédécesseur. Et en matière migratoire, le PS imite l'UMP qui a joué à imiter le Front national et en bout de course une partie des électeurs préfèrent l'original à la copie. Quoi de plus surprenant ! C'est sur tous ces renoncements et toutes ces dérives que le Front national a bâti son succès car PS et UMP ont ainsi crédibilisé le slogan du FN de l'UMPS. Nombre d'électeurs français ont donc manifesté leur colère. Beaucoup à gauche notamment, en s'abstenant, et à droite, en votant pour l'extrême droite. Le transfert de voix a été d'autant plus facile de l'UMP vers le FN qu'en 2009 notamment, au moment des dernières élections européennes, où Nicolas Sarkozy avait littéralement siphonné les voix du Front national, les ramenant à un score historiquement bas, notamment, pour des élections européennes d'à peine plus de 6 % et réduisant leur nombre de députés à trois. Néanmoins, de là à penser que l'UMP et le PS vont fusionner, je suis pour le moins dubitative. La France n'est pas l'Italie, nous n'avons pas la même histoire politique. Même la tentative de reconstruction du centre avec la liste MODEM UDI est un échec ; ces derniers n'ayant même pas retrouvé le nombre de sièges qu'ils totalisaient en 2009. Si on cherche à extrapoler l'analyse par rapport à ce qui se passe au niveau européen, on constate qu'une partie de la gauche est en train de rejoindre une partie de la droite. Ce constat peut être fait tant dans la multiplication des gouvernements d'alliance entre les socio-démocrates et tout ou partie de la droite que dans les politiques mises en œuvre. Et parallèlement certaines parties de la droite sont de plus en plus enclines à jeter des passerelles vers l'extrême droite. Nous sommes sans doute dans une phase historique de reconstruction politique. C'est un défi pour la démocratie auquel la Gauche européenne doit être capable de répondre y compris si l'on veut éviter de voir se reproduire les schémas des années 30 qui n'ont pas touché que l'Allemagne, sachons nous en souvenir.
Est-ce que vous estimez que les relations bilatérales entre le Tunisie et la France ont, réellement, changé après le 14 Janvier et qu'elles sont, dorénavant, bâties sur le principe d'égalité souveraine entre Etats?
-Non, il n'y a eu aucun changement notable dans la réalité des politiques mises en œuvre dans le cadre des relations avec la Tunisie ni pour la France, ni pour l'Union européenne. Les accords qui sont sur la table, désormais appelés accords de libre-échange complets et approfondis (ALECA), sont pour l'essentiel, les mêmes qu'avant la chute du dictateur. Alors certes, il y a bien quelques belles paroles et quelques déclarations solennelles en termes de justice, d'Etat de droit et de droits de l'Homme mais seuls les actes comptent, et y compris dans ces domaines, j'ai des doutes. Alors que la Tunisie continue d'être une formidable source d'espoir, les vieux réflexes utilitaristes, pour ne pas dire colonialistes ou plus exactement néo-colonialistes, dominent toujours notamment dans les relations franco-tunisiennes. Il serait pourtant temps pour la France, a fortiori dirigée par un gouvernement dit socialiste, de préconiser une autre conception des relations entre Etats. Il serait tout particulièrement temps de ne plus mettre en avant les seuls intérêts de ses grandes entreprises.
-Comment les relations bilatérales entre les deux pays devraient-elles être régies pour qu'on puisse parler d'égalité ?
-Pour qu'il y ait partenariat réel, il faut parler de solidarité - solidarité entre les territoires et entre les peuples. Partir des besoins concrets de ces derniers et cesser de vouloir dicter aux gouvernements, avec qui l'on prétend établir des relations de partenariat, les politiques économiques qu'ils doivent mettre en œuvre. Cela veut dire partir des besoins réels des pays concernés et, entre autres, prendre en compte la sauvegarde des ressources naturelles et garantir que leur exploitation bénéficie en priorité aux populations locales, protéger les cultures vivrières et non détruire les agricultures locales au bénéfice de productions standardisées réclamées par les industries agroalimentaires européennes et notamment françaises. Ce dernier point est en toutes lettres dans l'accord UE/Tunisie sous couvert de libéralisation de l'agriculture. Donc nous sommes très loin de l'égalité souveraine entre Etats.
-Dans votre article intitulé « Prêt toxique à la Tunisie : le bal des Tartuffes, vous continuez à appeler à la suspension de la dette tunisienne et à sa soumission à un audit. Mais, certains soutiennent que de telles mesures porteraient atteinte à la crédibilité de la Tunisie en matière de solvabilité.
-Oui, je continue et continuerai à me battre pour un audit de la dette. Cela vaut pour la Tunisie comme pour beaucoup d'autres pays à travers le monde, au sud comme dans les pays européens. Cette tyrannie de la dette n'a que trop duré. C'est en son nom que les politiques austéritaires initiées en Amérique du sud au début des années 90 sous la houlette du FMI se sont répandues sur la quasi-totalité de la planète. Le système financier est de plus en plus débridé. Il est prêt à spéculer sur tout et n'importe quoi. Rien ne semble pouvoir arrêter son appétit de profits et en prime, il ne veut plus prendre le moindre risque. Et on demande aux peuples de payer les conséquences de l'incurie des gouvernants à réguler la finance mondiale. Les écarts entre les plus riches et les plus pauvres ne cessent de se creuser. Il est temps de stopper cela. Au nom de la« responsabilité », ce sont les politiques publiques et le rôle de l'Etat qui sont mis en cause. Ce n'est pas un discours novateur mais au contraire très conservateur qui nous ramène tout droit au 19ème siècle. Il est temps de dire en Tunisie comme ailleurs que le TINA (« There is no alternative ») de Margaret Thatcher au début des années 80 ne peut être le signe de ralliement des progressistes et de tous ceux et toutes celles qui croient en la transformation sociale et plus largement en la démocratie. Ce n'est pas à la crédibilité des Etats que les audits de la dette peuvent porter atteinte mais aux tenants de la finance internationale, aux tenants de ce système mortifère qui fait que plus un pays est en difficulté, plus il est contraint par les institutionsfinancières, et en récompense de son obéissance à ces diktats, il subira des taux d'emprunt qui seront d'autant plus élevés qu'il est justement en difficulté.
-Quel est l'apport de l'audit et où réside son utilité au double plan économique et politique?
-Les audits de la dette répondent à un double impératif. Le premier est démocratique. D'où vient la dette ? Comment s'est-elle constituée ? A qui profite-t-elle ? Quelle est, tout particulièrement en Tunisie, la part de la dette publique odieuse qui n'a profité qu'au clan Ben Ali au lieu de profiter au peuple tunisien? Pourquoi faudrait-il continuer à rembourser cette dette odieuse alors qu'elle contribue à l'appauvrissement du pays et empêche l'affectation de ressources au profit des populations et du développement du pays ? Qui doit décider des priorités ? Le second est économique. Au nom de la nécessité obsessionnelle de réduire la dette, on taille dans les dépenses publiques les plus indispensables aux populations et en conséquence, on étouffe l'activité économique. Au nom de la politique de l'offre, on fait disparaître la demande. Et on plonge les économies dans la récession. Si besoin est, il suffit de voir où ces choix ont conduit l'économie grecque. En moins de cinq ans, la dette publique grecque est passée de 120 à 175 % du PIB. Les gouvernements grecs se sont pliés à toutes les demandes de la Troïka et ont fini par accepter des remboursements annuels supérieurs à 4 milliards d'euros jusque 2047 avec des pointes à 18 milliards et ce, sans compter les intérêts ! Au final, le pays est exsangue, le chômage et notamment celui des jeunes a explosé (près de 60 %), les services publics ont été détruits, la pauvreté et l'exclusion se répandent comme une trainée de poudre (un tiers de la population n'a plus aucune couverture sociale). Tout le monde sait que c'est intenable et qu'il va falloir massivement restructurer la dette grecque. La seule question porte sur la date et le degré de cette restructuration. Et l'on veut faire la même chose dans d'autres pays européens et dans les pays dits de voisinage avec lesquels l'Union européenne prétend entretenir des relations privilégiées. En suivant ces sirènes-là, la Tunisie s'enfoncera sur la même pente. Alors quand j'entends effectivement que l'on reprend la même rengaine en Tunisie en répétant urbi et orbi qu'il serait irresponsable « d'inquiéter les marchés » en parlant de dette odieuse, d'audit, voire de restructuration et que l'on fait planer la menace d'une flambée des taux d'intérêt au moindre mouvement dans cette direction. Je dis que tout cela a assez duré. Un tel discours idéologique est inepte, malhonnête et dangereux. On va droit à la catastrophe économique et sociale. Et la seule question qui vaille est de savoir quelle crédibilité en matière de solvabilité aura la Tunisie quand son économie aura été dépecée par le FMI et consorts ? En trois ans, la dette tunisienne n'a cessé d'augmenter, passant de 40 à près de 50 % du PIB, soit une augmentation de 20 %. Et l'on estime que 85 % de ces nouveaux emprunts auraient servi à rembourser la dette dont une grande partie de dette odieuse. Il est temps de poser les questions autrement.
-A votre avis, l'Union européenne apporte-t-elle vraiment son aide et son concours à la Tunisie comme elle le prétend?
-Le dogme de la dette a été imposé par la finance internationale et il ne profite qu'à cette finance et à ses représentants. Là encore, il est temps de reparler de l'intérêt des peuples. Et après les soulèvements populaires qui ont conduit à la chute de Ben Ali et l'immense espoir qu'ils ont soulevé, c'est la crédibilité de la transition démocratique qui est en cause. L'Union européenne qui a soutenu le dictateur jusqu'au bout serait bien inspirée de revoir enfin ses politiques et de mettre en adéquation ses discours et sesactes. Malheureusement, elle a pris le chemin inverse en octroyant à la Tunisie un prêt que j'ai effectivement qualifié de toxique. D'un montant de 300 millions, il est soumis aux conditions habituelles du FMI, reprises en l'état par les institutions européennes et que l'on peut résumer à libéralisation, libéralisation et encore libéralisation. Après les belles paroles de 2011, c'est insupportable et cela l'est d'autant plus que cela ne couvrirait que 10 % des besoins de la Tunisie. Avec le soutien de mon groupe parlementaire, tout en rappelant qu'une partie de cette dette était odieuse ce qu'avait reconnu le Parlement européen notamment dans une résolution adoptée en mai 2012, j'ai proposé de porter le montant de « l'aide » de l'Union européenne à la Tunisie à 500 millions et surtout de la transformer en don. Peine perdue. Même l'amendement condamnant les conditionnalités austéritaires n'a recueilli que moins d'une centaine de voix. Le parlement européen s'est donc déjugé et rallié, une fois de plus, au dogme libéral.
-Le « Partenariat de Mobilité entre l'Etat tunisien et l'UE » est-il, vraiment, profitable à la Tunisie comme l'ont annoncé les responsables des deux parties?
-Le 3 mars 2014, un accord dénommé « Partenariat de mobilité » a été signé entre la Tunisie et l'UE et notamment dix de ces Etats-membres (France, Allemagne, Royaume-Uni, Belgique, Espagne, Portugal, Italie, Danemark, Suède, Pologne). Côté promesses, cet accord serait un prélude à des négociations sur une levée de visas pour les citoyens tunisiens désireux de voyager vers l'UE. C'est cette partie qui n'engage que les dix Etats nommément cités. Mais ces négociations ne concernent que les visas de courts séjours (moins de trois mois) et certaines catégories de population au premier rang desquels les chefs d'entreprise. Or, que constatent les Tunisiens dans les faits ? Ils ont toujours autant de mal à obtenir des visas auprès des pays susnommés. On peut donc avoir des doutes sur leur volonté, des doutes sur leur volonté d'ouverture. On fait également miroiter une « meilleure information » pour les citoyens tunisiens « qualifiés » sur les offres d'emploi, d'études et de formation disponibles dans l'UE, doublée d'une plus grande facilitation de la reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles et universitaires. Mais que peut-on voir là derrière ? Que les pays de l'UE qui ont signé cet accord viennent faire leur marché chez les jeunes diplômé(e)s ! Que c'est toujours la même vision utilitariste qui prévaut avec une sorte d'obsession à piller les cerveaux du Sud comme si ces pays n'avaient pas besoin de leurs jeunes diplômé(e)s et comme si on en manquait en Europe. Comme si tout un chacun ne savait pas quels étaient les « emplois en tension » sur le territoire européen, ceux qui sont occupés par les migrants et notamment les migrants clandestins pour le plus grand bénéfice de leurs employeurs. Le partenariat de mobilité a surtout un côté contrainte sous la forme d'un accord de réadmission pur et dur qui vaut lui pour tous les Etats de l'UE avec obligation faite à la Tunisie d'endiguer les « flux » de migrants vers l'UE et de réadmettre les migrants « irréguliers qui ont réussi à atteindre le territoire de l'UE qu'il s'agisse de Tunisiens ou de ressortissants de pays plus au sud. L'Union européenne démultiplie les accords de ce genre et en fait une condition première de l'ensemble de ses « aides ». Comme d'habitude, l'Union européenne externalise ses contrôles migratoires et conforte le rôle de gendarme de l'Union aux pays voisins avec les conséquences que l'on sait pour les droits des migrants et les tensions grandissantes dans les pays concernés vis-à-vis des populations subsaharienne.
-Quelle est la solution que vous envisagez pour résoudre ces difficultés relatives à l'immigration ?
- Pour ma part, avec l'ensemble des membres de mon groupe politique, nous refuserons en bloc ces accords de réadmission. Nous refusons ces politiques migratoires de l'Europe forteresse qui ferment de plus en plus les frontières et ont déjà coûté la vie à des milliers de personnes, notamment, en mer Méditerranée et nous disons que là, comme ailleurs, d'autres politiques sont possibles à partir d'abord du respect des droits de l'Homme et des conventions internationales. Au-delà de cette vision utilitariste, ceux qui veulent bien faire l'effort de lire les travaux des chercheurs qui travaillent sérieusement sur le sujet savent que la seule façon de traiter la question migratoire est de favoriser la migration circulaire en laissant librement les gens aller et venir et donc supprimer les visas de court séjour. C'est principalement par peur de ne pouvoir revenir que les gens restent durablement sur les territoires. Ils entrent dans les pays concernés avec des visas de court séjour et y restent devenant alors des sans papier taillables et corvéables à merci par les employeurs de mauvaise foi. L'UE a, récemment, supprimé les visas pour la majorité des pays des Balkans sans que cela ne crée le moindre mouvement supplémentaire de population en provenance de ces pays et pourtant les adversaires de cette libéralisation avaient une fois de plus utilisé les mêmes arguments éculés.
F.K


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.