La galerie Selma Feriani sise à Sidi Bou Said propose une exposition d'art conceptuel ayant pour thème «Le détail se dilate» signée Ismaïl Bahri. Vidéos, collage de journaux, photos et autres sont les matériaux essentiels pour des compositions originales qui s'imposent comme des œuvres à part dans un paysage pictural dominé par la peinture figurative ou abstraite. Artiste vivant entre la France et la Tunisie, Ismail Bahri développe depuis plus d'une dizaine d'années une pratique artistique sensible, polysémique et pluridisciplinaire qui jette subtilement des ponts entre l'Orient et l'Occident, mais qui avant tout propose un autre regard sur l'espace et le corps. Grâce à l'utilisation de la photographie, du dessin, mais aussi de la vidéo et de l'installation, l'artiste fixe son regard et le nôtre sur des matières en mouvement, des corps solides ou liquides vulnérables, indomptables et fugaces qu'il associe entre eux. Ainsi il joue sur le caractère organique, épidermique et physique des supports employés. Dans cette exposition, on assiste par exemple au déroulement d'un long parchemin émanant d'une vidéo. Un parchemin fait d'un assemblage de coupures de presse sur fond d'encre noire diffusant une lumière sombre d'où se détache des articles. D'autres vidéos proposent aussi ce spectacle mais un temps un peu plus décalé. Un travail comme au cinéma où la mise en scène contribue à donner un point de vue personnel sur l'environnement qui l'entoure. Déplacement des regards « Des « ébrasures de lumières » ou encore des « petites brèches réelles ou fictives » dont parle Ismaïl Bahri, il aurait pu en être aussi, avec d'autres présences sourdes, des états percevables ou des choses vues. Au gré de tentatives de restitution, d'une continuité de phrase qui s'enroule et joue de l'entremêlement. De fils guipés entrecroisés en une nappe phrastique qui s'étale, s'oriente et se fige comme en écho avec ce qu'il a produit et mis en œuvre dans Latence », écrit le plasticien Eric Degoutte au sujet de l'œuvre de l'artiste. Pour sa part, le photographe Guillaume Benoit, auteur d'un texte sur le travail d'Ismaïl Bahri, parle d'une démarche où l'artiste s'inscrit en « retrait » par rapport à son environnement, à la société et à l'histoire. Il déplace les regards, les objets et les corps pour les exposer à de nouvelles lectures, de nouveaux discours. Rien n'est imposé et figé, chaque geste, chaque pièce et composition sont modulables et variables . Ainsi, il est toujours question d'éléments fragiles, non pérennes, à l'image du corps humain. Un corps qui ne peut échapper à une lente évolution menant à la disparition. Si les matériaux et outils utilisés par l'artiste sont extraits du quotidien, ils sont chaque fois vecteurs de rencontres et de résultats inattendus, surprenants et imprévisibles. Le travail d'Ismaïl Bahri nous amène à (re)penser à notre propre existence, notre perception de l'espace, des lieux que nous traversons, de notre environnement et du temps qui file entre nos doigts. Né en 1978 à Tunis, Ismail Bahri vit et travaille entre Paris, Lyon et Tunis. Il a étudié l'art à Paris et Tunis. Son œuvre s'ouvre à de multiples références culturelles et esthétiques et développe des expérimentations plasticiennes précises et sensibles. Leurs résultats prennent la forme de dessins, de vidéos, de photographies, d'installations ou encore d'hybridations entre ces différents supports. Des matières simples y sont manipulées et conduites à une transformation, au moyen de gestes et procédés d'inspiration souvent mécanique liés au cinéma ou à la photographie. Son exposition « Le détail se dilate » se caractérise par sa pertinence et son originalité. A ne pas manquer !