Comme chaque année, en pareille période les magistrats étaient déjà édifiés sur leur affectation pour la prochaine année judiciaire, leur promotion et en un mot tout ce qui se rapporte à leur cursus professionnel. Jadis, cette opération relevait de la compétence des services du ministère de la Justice. Les magistrats n'avaient d'autres choix que d'obtempérer et de s'astreindre aux décisions du pouvoir exécutif représenté par leur ministre, une procédure unilatérale qui ouvrait la voie à toutes les dérives et à l'annexion des juges au fait du Prince. Tout a changé, semble-t-il pour le mieux. L'Instance de la magistrature juridictionnelle, entité indépendante, a pris les choses en main. C'est elle qui décide du mouvement des magistrats. En attendant la publication par le chef du Gouvernement dans le Journal Officiel de la République Tunisienne (JORT) du mouvement annoncé, la puissante Association des Magistrats de Tunisie (AMT) dirigée par sa présidente Raoudha Karafi, n'a pas manqué de publier ses remarques à propos de ce mouvement. Tout d'abord l'AMT, réitère son attachement à l'Instance de la magistrature juridictionnelle, en tant qu'instance indépendante et un acquis pour la magistrature, les magistrats, la période transitoire que vit le pays et en tant que maillon de la chaîne jetant les bases d'une magistrature indépendante. D'ailleurs, l'AMT s'était réunie avec l'Instance le 11 avril dernier et lui avait fait part de ses principales revendications en rapport avec la préparation du mouvement des magistrats. Pour Raoudha Karafi et son association, le mouvement des magistrats doit satisfaire aux exigences de la réforme de la Justice, rompre avec le passé et élever le rendement du pouvoir judiciaire pour garantir une haute qualité de la justice, son indépendance et sa neutralité en cette période fondatrice où les défis de l'institution judiciaire se sont multipliés. L'AMT avait demandé de définir des critères de choix objectifs pour départager entre les magistrats sur la base des principes de l'équité, l'égalité des chances, la compétence, le mérite, l'ancienneté, la neutralité et l'intégrité. Ces critères devaient être annoncés et proclamés d'avance. En plus le mouvement des magistrats devra se faire après avoir examiné tous les dossiers des magistrats déposés dans l'administration du ministère. Ainsi, il n'y aura pas d'exclusion et l'opération d'évaluation, l'octroi des promotions et des fonctions judiciaires se fera sur des critères bien définis. Le système d'octroi des postes fonctionnels doit être réformé selon l'ancienneté effective, la compétence, l'intégrité et sans se limiter à l'ancienneté dans l'exercice des fonctions de responsabilité. Quant aux juges de la Cour foncière, ils devront bénéficier du droit à l'égalité en traitant leurs mutations et promotions par l'Instance provisoire avec tous ses membres. Les horizons de promotion de ces juges doivent être ouverts. L'AMT rappelle les critères du mouvement des magistrats annoncés par l'Instance de la magistrature juridictionnelle. Ainsi, la promotion de la première catégorie à la seconde doit se faire après une ancienneté de 11 ans. Pour le passage de la seconde à la troisième, il faut attendre 7 ans ou 6 ans dans la deuxième catégorie avec 18 ans d'exercice de la profession de juge. Pour les postes fonctionnels, il faut se référer aux critères d'ancienneté, de compétence et de probité. L'appel à candidatures pour ces postes se fait pour ceux qui satisfassent les conditions indiquées dans l'arrêté N°436 de 1973 daté du 21/09/1973. Qu'en est-il du mouvement annoncé des magistrats ? L'AMT , partant de la volonté d'améliorer l'action de l'Instance de la magistrature juridictionnelle et dans une approche participative et vu l'importance du rôle de contrôle des institutions pour aller plus loin dans la réalisation du projet national de construction d'un pouvoir judiciaire réellement indépendant, a fait une première lecture du mouvement des magistrats avant d'examiner les objections des magistrats et leurs motifs. Concernant la promotion automatique, l'AMT enregistre avec satisfaction la consécration de cette règle au profit de tous les magistrats dans toutes les catégories, en fonction de l'ancienneté annoncée. L'AMT tient à ce que ce mécanisme se développe davantage en tant qu'acquis pour les magistrats consacrant une des normes de leur indépendance. Pour les mutations, la satisfaction dans des proportions raisonnables des demandes de mutation a été bien appréciée. Toutefois, certaines demandes de mutation n'ont pas été satisfaites sans raisons convaincantes surtout pour les cas extrêmes. L'instance devrait motiver ses refus. Beaucoup d'anciennes injustices ont été réparées, que ce soit dans les mutations ou les promotions. Toutefois, plusieurs autres cas d'injustice n'ont pas été réparés. L'AMT demande à l'Instance de réparer toutes les injustices. Pour les postes fonctionnels, les possibilités d'émulation entre magistrats sont plus ouvertes dans les tribunaux de première instance, sur la base de critères d'ancienneté générale, compétences et intégrité sans se limiter à l'ancienneté dans les postes fonctionnels. L'Instance a fourni un grand effort dans la rectification des critères, ce qui s'est répercuté dans plusieurs tribunaux. Toutefois, certains nouveaux promus sont sujets à des polémiques. Pour la Cour foncière, le mouvement a été fait dans le cadre du mouvement général. C'est déjà un acquis qui a permis de satisfaire un grand nombre de demandes. Par ailleurs, un certain nombre de postes vacants annoncés le 17 avril dernier, n'ont pas connu de nominations. Les magistrats insatisfaits sont appelés à procéder aux recours auxquels ils ont droit tout en informant l'AMT de leurs initiatives. L'Instance est appelée à accélérer la publication du mouvement des magistrats dans le JORT pour que les insatisfaits puissent procéder aux recours dont ils ont droit et l'Instance les examine avant le démarrage de la prochaine année judiciaire. En plus, l'AMT demande à l'Instance d'accélérer la mise en application des procédures consacrant son indépendance administrative après l'allocation de son budget. Pour gagner en professionnalisme et ne plus être prise de court, l'Instance est appelée à créer une commission d'évaluation et de promotion, dès le début de l'année judiciaire. Elle préparera le prochain mouvement des magistrats sur la base de collecte sur le terrain de toutes les données nécessaires sur les magistrats concernés par les mutations ou les promotions. En fin, l'AMT demande à l'Instance de tenir une conférence de presse au début de la prochaine année judiciaire pour exposer des réponses précises sur le mouvement des magistrats et lever toute équivoque, consacrant la transparence, un des critère internationaux de gouvernance des instances indépendantes.