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Retour en force du féminisme contre les tabous de la mysogynie.. «J'ai une chance de passer au deuxième tour. Les ténors des partis s'entretuent entre eux, moi non»
Aujourd'hui, Kalthoum Kannou, magistrate de métier, ex-présidente de l'Association des magistrats de Tunisie (AMT) qui n'avait cessé de batailler avec témérité pour l'indépendance de la Justice durant les années de braise et essuyé les décisions iniques de la dictature, brise les tabous, balance l'interdit dans l'imaginaire de certains et crée la sensation en présentant, officiellement, sa candidature, première en son genre, à l'élection présidentielle. Elle sera de la sorte, la première dame à le faire. Un acte en soi, à l'honneur de la femme tunisienne qui s'est affranchie du joug des pratiques patriarcales et des réflexes machistes. Quel chemin a-t-elle emprunté pour récolter les dix mille parrainages nécessaires ? Indépendante, ce n'est pas parmi les députés de l'Assemblée Nationale Constituante (ANC) qu'elle va chercher des signatures. Jusqu'où peut-elle aller dans la compétition à côté de mastodontes et de concurrents qui ont derrière eux toute une machine ? Quelles sont les difficultés qu'elle a rencontrées ? Que propose-t-elle, comme programme pour briguer la magistrature suprême ? Cette femme de caractère, avait annoncé son intention de se porter candidate à la présidence de la République, au moment où Ennahdha avait sorti sa proposition de président consensuel qui viderait le scrutin populaire de toute sa substance par des arrangements dans une chambre noire. Depuis, cette déclaration d'intention, du chemin a été parcouru et beaucoup de difficultés ont dû être surmontées. Jusqu'à hier les vérifications des parrainages se poursuivaient. Elle présentera son dossier aujourd'hui après la fin de cette opération. Elle y tenait pour ne pas mettre en cause sa crédibilité. Elle déclare au Temps : « je n'appartiens à aucun parti et je n'ai personne derrière moi. Seuls des jeunes, des hommes et des femmes qui croient en mon initiative. Nous nous déplaçons dans les régions pour la collecte des signatures. Devant les difficultés rencontrées, je me demande comment on peut réunir des dizaines de milliers de signatures. Pour chaque signature, il faut consacrer un minimum de dix minutes avec le citoyen sollicité. Comment l'ISIE va-t-elle vérifier les signatures ? Sa base de données n'est pas actualisée. On n'y trouve que les inscrits au 26 juillet dernier. Ceux qui s'étaient inscrits après le premier délai n'existent pas dans la base de données. Comment le parrainage d'un inscrit peut-il être refusé, alors qu'il va voter ? ». Beaucoup de remarques peuvent être faites sur le parrainage. Kalthoum Kannou en relève une, très importante à ses yeux. La loi électorale dit qu'au cas où un citoyen parraine deux candidats en même temps, sa signature sera annulée pour les deux listes de parrainage. Or, l'ISIE a opté pour le retrait de cette signature du décompte de la liste déposée après la première. Le candidat qui dépose le premier sa liste de parrainages sera injustement favorisé. La loi est claire. L'ISIE n'a pas à la contredire. Concernant le Bulletin N°3, Kalthoum Kannou, non seulement pense qu'il ne répertorie pas tout, mais les délais impartis sont très difficiles à respecter. Parfois, la délivrance de ce bulletin peut traîner en longueur. La magistrate, ne s'est pas calfeutrée chez elle ou dans un bureau et laisser les autres lui chercher des parrainages. Elle a retroussé les manches pour faire la besogne. Elle était satisfaite hier d'être arrivée à plier son dossier de candidature, tout en respectant scrupuleusement les normes. Elle s'est déplacée, entre autres, dans les gouvernorats de Gafsa, Kasserine, Siliana, Sidi-Bouzid, Sfax, Sousse, Monastir pour contacter directement les citoyens qui l'ont parrainée. A-t-elle des chances de réaliser un bon score à la présidentielle ? Elle y croit. « J'ai une chance de passer au deuxième tour. Les ténors des partis s'entretuent entre eux, moi non. De larges tranches de l'opinion publique en ont raz-le-bal des partis politiques. On les trouve chez les jeunes et les déçus. Certains m'ont dit qu'ils n'iront pas aux législatives, mais iront à la présidentielle, surtout à l'intérieur de la République », dit-elle. Son grand atout est son indépendance. Elle était toute heureuse avant-hier quand elle recevait un groupe de jeunes étudiants venus la soutenir et lui dire qu'ils sont prêts à travailler bénévolement pour elle . Elle ne les connaissait pas. Les grands partis ont leurs machines. Elle, elle compte sur ce genre d'adhésions spontanées. « Dans les moments décisifs, seul devant l'urne, le Tunisien saura choisir », dit-elle. S'il s'avère qu'elle est la seule candidate femme, cette situation lui profitera-t-elle ? Face à une liste, où il y a une vingtaine d'hommes et une seule femme, elle aura plus de chances. Kalthoum Kannou à Carthage, avec quel programme ? Elle le résume dans une boutade « Bil amel wil amel, tarja Tounes khir min kbal », avec l'espoir et le travail la Tunisie sera meilleure qu'avant. Pour elle, un président de la République doit redonner espoir à toutes les catégories sociales et toutes les catégories d'âge, du jeune chômeur, aux travailleurs, en passant par les parents d'élèves... Le travail est capital. Elle précise : « on ne peut améliorer la situation du pays sans emplois à créer. C'est à l'Etat de fournir du travail. De son côté, le citoyen est appelé à travailler consciencieusement. Lorsqu'on parle de création d'emplois, on parle d'investissement, de projets... L'espoir concerne la stabilité et la sécurité dans le pays. Il faut que le citoyen ait confiance dans les institutions de l'Etat. La réhabilitation du prestige de l'Etat passe par cette confiance. L'administration, la justice et les différentes institutions de l'Etat doivent être réformées. La sécurité et la lutte contre le terrorisme sont une priorité ». Dans le chapitre diplomatique, la candidate croit que le président de la République doit engager une politique étrangère qui serve les intérêts de la Tunisie, en évitant des tensions inutiles avec nos voisins. « Il faut entretenir des relations amicales qui font drainer les investissements étrangers, sans nous départir de notre souveraineté. C'est une ligne rouge à ne pas franchir », assure-t-elle. Par ailleurs, elle pense que le président garant de l'application de la Constitution doit intervenir chaque fois qu'il y a déviation. Il a son mot à dire dans tout ce qui est en rapport avec les Droits et les libertés, ainsi que le développement des régions déshéritées, en vertu du principe de la discrimination positive en leur faveur, incluse dans la Constitution. Le prochain président devra avoir une forte personnalité et une grande volonté pour relever pareils défis.