La fièvre des élections contamine tous les fervents prétendants à la Haute sphère. D'anciens ministres et figures Rcdistes ou Destouriennes se bousculent pour se mesurer aux joutes à l'élection présidentielle, comme Abderrahim Zouari, Mondher Znaïdi, Kamel Morjène, Hammouda Ben Slama...Dans les élections législatives, Al-Moubadra de Kamel Morjene et le Mouvement destourien de Hamed Karoui, ont désigné leurs candidats. Légalement, rien ne les empêche de présenter leurs candidatures et de voir ce qu'ils valent et pèsent sur le plan électoral. Ont –ils réellement des chances sérieuses ? Le vote des Destouriens à qui profitera –t-il ? Certains pensent que la dispersion des voix des Destouriens desservira Nida Tounès et profitera à Ennahdha. Nombreux observateurs liaient le succès d'Ennahdha dans les élections du 23 octobre 2011, entre autres, à l'apport massif du vote des Rcdistes et de beaucoup de Destouriens en sa faveur par pic pour sanctionner les partis de Gauche et modernistes qui avaient bataillé pour l'adoption de l'article 15 dans la loi électorale de l'époque les privant de présenter leurs candidatures. Ils l'ont fait aussi parce qu'ils réagissaient contre la Gauche qui avait tenu à la dissolution du RCD. Trois ans après, à qui accorderont-ils leurs voix ? Jawhar Ben M'Barek, universitaire constitutionnaliste et observateur averti de la scène politique voit que les dernières candidatures d'Abderrahim Zouari ou Mondher Znaïdi et les autres n'ont aucune chance. Il précise sa pensée dans une déclaration au Temps en affirmant « Je pense que Nida Tounes est le centre de gravité des Destouriens. Les nouveaux venus, vont profiter des vétilles du réservoir de voix que laissera Nida Tounès. Le gros lot du vote des Rcdistes et des Destouriens s'orientera vers Béji Caïd Essebsi (BCE). C'est une évidence. Tous les indices le prouvent. Au second tour, nous aurons deux candidats, Béji Caïd Essebsi et celui soutenu par Ennahdha, très probablement l'actuel président provisoire de la République Moncef Marzouki. Les nouvelles figures du RCD qui veulent se présenter n'ont pas la moindre chance fût-elle infime. Est-ce que ça va perturber la candidature de BCE ? Oui ! Ma lecture est que Nida Tounès, souffrira plus des candidatures Rcdistes dans les législatives que dans la présidentielle. La niche destourienne, Nida Tounès, ne sera pas capable de l'apprivoiser et la gagner en totalité à lui. Une petite frange ira ailleurs, sans pour autant priver Nida du premier poste. L'enjeu pour Nida est d'avoir la majorité absolue, sinon coller à quelques points à cette majorité ? La petite niche que lui prendraient les autres candidats Destouriens, pourra le priver de la majorité absolue». Que pensent les professionnels du suivi de l'opinion publique ? Hassen Zargouni, DG de Sigma Conseils déclare au Temps : « a priori les Tunisiens veulent tourner la page, la page qui leur rappelle un système, pas un pays. Ils peuvent être nostalgiques d'un pays où il y a de la sécurité et un semblant de prospérité, mais pas à un système. Ce système, forcément, est incarné par des personnes. C'est ce qui limite la portée de leurs candidatures et amoindri leurs chances de bien se positionner à la course présidentielle. Ils incarnent l'ancien régime haï. L'enjeu pour ces figures (Mondher Znaïdi et Abderrahim Zouari), c'est de pouvoir se détacher de cette image et d'incarner une nouvelle vision de la Tunisie. Est-ce possible ? Est-ce crédible ? Seule une analyse approfondie et rationnelle de leurs discours lors de la campagne électorale, nous dira à quel point, ils sont crédibles ». Quant au vote des électeurs destouriens, Hassen Zargouni, pense qu'il est dispersé. Il dit : « on les trouve un peu partout, dans toutes les mouvances. Toutefois, le projet destourien au sens Bourguibien est plus incarné dans l'opinion populaire par Nida Tounès qui met en avant la modernité de l'Etat et le progrès de la société ». Pour lui, « les Destouriens vont voter massivement lors des législatives pour Nida Tounès, mais pour la présidentielle, au premier tour, ils vont choisir des personnalités représentant tout le spectre destourien, à savoir Béji Caïd Essebsi, Abderrahim Zouari, Mondher Znaïdi et Hammouda Ben Slama, sans remettre en cause le leadership de BCE». Nebil Belaam, patron d'Emrhod Consulting, rappelle que ces nouveaux noms sont apparus suite à l'interdiction ( du reste logique) de publication des sondages d'opinions. Il déclare au Temps : « Lorsque nous avions sorti notre baromètre, personne ne s'est manifesté. Il est interdit de publier des sondages cinq mois avant les élections. Dans le dernier sondage en Juin dernier, globalement, plus de la moitié des Tunisiens, en âge de voter, se montraient indécis, ne savaient pas pour qui voter ou s'abstenaient ou refusaient de déclarer pour qui ils allaient voter. Toutefois, je ne perçois pas de grands changements par rapport aux résultats de Juin dernier. Pour les candidats qui s'étaient manifestés depuis longtemps, il n'y aura pas trop de changements. Au moment de la campagne électorale, les choses peuvent changer légèrement, sans influence sur la tendance générale. A priori, je ne pense pas que les nouveaux venus sont en mesure de faire basculer les choses. Une remarque : bien que les législatives précèdent la présidentielle, la présidentielle fera de l'ombre aux législatives. Les Tunisiens personnifient les choses. La course aux enchères de la présidentielle attire plus les citoyens. C'est un jeu naturel. On veut parler de la présidentielle. Cela fera l'affaire de ceux qui misent sur les législatives. Ces derniers sont en train de concentrer tous leurs efforts sur les régions, dans le travail de terrain, circonscription par circonscription. Ils canalisent leurs efforts sur les législatives. Même si la tendance générale ne changera pas, à un mois des législatives, beaucoup de choses peuvent survenir. Immédiatement après les législatives, le mois suivant, les choses vont changer en fonction des législatives. De toute façon, la course folklorique à la présidentielle rend certains nostalgiques au passé. En fin de compte les Destouriens lorgneront certainement plus vers Nida Tounès qu'ailleurs. ». Avis aux pronostiqueurs.