C'est avec une immense fierté et le sentiment du devoir accompli que les Testouriens ont assisté hier à la remise en marche de l'horloge andalouse qui orne le minaret de la Grande Mosquée de Testour depuis son édification au XVIIème siècle. Un instant unique immortalisé par l'objectif de bon nombre de photographes et de caméramans. Près d'une année après le lancement de la collecte de fonds auprès des citoyens pour la restauration de ce monument historique, les aiguilles de cette mythique horloge ont donc de nouveau indiqué l'heure. Fait surprenant, cette horloge est anti-horaire. Ses aiguilles tournant dans le sens contraire que celles d'une horloge classique. De même, les chiffres y sont écrits à l'envers. Par exemple, au lieu de 12, on peut y voir 21. Ce qui en fait un monument d'exception, puisque trois horloges seulement au monde sont anti-horaires. Celle de Testour bien évidemment mais aussi celle du quartier juif de Prague ainsi que celle de la cathédrale « Santa Maria Del Fiore » de Florence, en Italie. Une vraie curiosité architecturale locale qui recèle bien de secrets et qui vaut vraiment le détour ! C'est sur une initiative d'Abdel Halim Koundi, ingénieur conseil en traitement des eaux, que cette aventure a commencé. Soucieux de redonner une deuxième jeunesse à ce monument historique, il a constitué un solide dossier et frappé à bien des portes. Des associations locales ou nationales aux municipalités en passant par le Ministère de la Culture ou encore l'Institut National du Patrimoine, tous ont chaleureusement accueilli le projet sans toutefois donner suite aux requêtes d'Abdel Halim Koundi. C'est alors qu'il a eu l'idée de s'adresser au Goethe-Institut de Tunis qui a accepté d'inclure la restauration de l'horloge de Testour dans son projet « Me3marouna » pour la sauvegarde et la mise en valeur du patrimoine architectural en Tunisie, lancé en mars 2012. « Me3marouna » consiste notamment en une série de recommandations d'experts allemands concernant les mesures à prendre en vue de préserver le patrimoine architectural tunisien et des moyens à mettre en place afin de l'exploiter à des fins culturelles et éducatives. A noter que c'est l'ex-ministre tunisien de la Culture, Mehdi Mabrouk, qui a exprimé à la délégation gouvernementale allemande, en mars 2012, son souhait de se faire conseiller, par des spécialistes allemands, dans le domaine de la restauration et de l'exploitation du patrimoine architectural et culturel dans les domaines de l'archéologie, des conservation et restauration des monuments historiques, de l'architecture, de l'aménagement urbain et des paysages, de l'environnement, du management touristique, de la pédagogie muséale et des arts. Une gestion participative pour un projet citoyen C'est donc grâce à cette coopération tuniso-allemande que ce projet a pu se concrétiser. Le 3 novembre 2013, une fête a été organisée à Testour en présence du Maire, de la Directrice du Goethe-Institut, du Président de l'association pour la sauvegarde de la médina de Testour, d'Abdel Halim Koundi et bien évidement des riverains. Une occasion pour les responsables d'expliquer l'importance de ce projet et de s'adresser, par la même occasion, aux citoyens pour participer financièrement à cette action de restauration, chacun selon ses moyens. La somme requise étant de 6400 DT. Ainsi est né ce projet participatif de restauration de la magnifique horloge de Testour, qui n'est pas sans rappeler celui de la restauration du mausolée de Sidi Bousaïd, incendié en janvier 2013 et remis à neuf grâce à la participation financière des citoyens. Et les aiguilles tournèrent ! Grâce au magnifique élan de générosité des Testouriens, la somme nécessaire a été collectée. Elle a permis de financer l'acquisition et l'installation d'une minuterie électrique, d'une batterie rechargeable, d'une antenne GPS et de nouvelles aiguilles. Et le miracle a eu lieu le 12 novembre, peu après 14 heures! Les aiguilles se sont mises à tourner. Grand moment d'émotion pour tous les présents dans l'enceinte de la Grande Mosquée de Testour, fondée vers 1625 par Mohamed Tagharino, morisque d'origine aragonaise et située en plein coeur de la ville, à l'intersection de ses artères. Elle résule d'une synthèse inédite entre les traditions locales ifriqiyennes et les techniques décoratives et architecturales hispano-mauresques. Jalel Gharbi, poète, universitaire et traducteur, la décrit comme suit: « De point de vue architectural, le monument est d'un syncrétisme évident : on y trouve des épigraphies romaines inscrites sur les éléments récupérés, des influences architecturales rappelant la renaissance espano-italienne et surtout une évidente influence de l'art mudjéar. L'élément le plus spectaculaire est surtout le minaret. Il est composé de deux tours superposés. La première est carrée, la seconde octogonale. Elle est richement décorée et rappelle les clochers et les minarets d'Andalousie. » Il ajoute: « le minaret comporte des étoiles de David. On raconte ici que les Juifs morisques ayant aidé les musulmans à construire cette mosquée, ces derniers voulurent leur témoigner ainsi leur reconnaissance. Une autre explication soutient que l'étoile de David « khatem Souleymane » (sceau de Salomon) est aussi un symbole musulman. » Des témoignages rapportent que l'étoile de David apparaissait également sur les portes des anciennes maisons arabes ainsi que sur le drapeau des alaouites marocains. Plus qu'un simple lieu de culte, la Grande Mosquée de Testour et son horloge andalouse sont un symbole fort du brassage culturel et de l'ouverture sur l'autre qui a toujours caractérisé la Tunisie et qui en ont fait un Carrefour des civilisations et une Terre de paix et de tolérance. Forte de son passé, la Tunisie avance aujourd'hui le regard rivé vers l'avenir, n'en déplaise aux forces obscures qui veulent l'affaiblir et la faire rebrousser chemin. Car même avec des aiguilles à l'envers, on ne saura jamais remonter le temps...