Vendredi dernier, nous avons été conviés à une projection spéciale de « Conflit », le dernier film de Moncef Barbouch. Les événements de ce long-métrage se déroulent pendant la période du règne de Ben Ali. Le film a donc tout naturellement une résonance politique. Il retrace le parcours d'un militant islamiste opposé au pouvoir et décrit la condition des prisonniers d'opinion et même ceux du droit commun. Le réalisateur effectue une plongée dans l'univers carcéral, à « Borj Erroumi » et dans la prison du « 9 Avril ». Il dénonce le traitement inhumain, les pratiques tortionnaires, les humiliations quotidiennes dont sont victimes les détenus, hommes et femmes, politisés ou non politisés. Les personnages principaux de ‘'Conflit'' représentent diverses mouvances politiques : islamistes, militants de gauche, syndicalistes et même des hommes d'affaires influents, qui ont tous subi la dictature dans leur chair, dans leur dignité, dans leur vie familiale et intime. L'histoire montre également les souffrances endurées par leur entourage immédiat. Des scènes émouvantes sont à retenir surtout la douleur de la séparation entre le père et ses enfants. Des moments bouleversants jalonnent ce film tendre et subversif à la fois qui se présente comme une critique virulente des régimes totalitaires qui bafouent les droits les plus élémentaires de l'homme. Les principaux rôles sont campés par une pléiade d'acteurs tunisiens, à leur tête Salah Jday (le professeur), Lamia Amri, Hichem Rostom (l'homme d'affaires) Hlima Daoued (l'épouse du professeur), Slah M'saddaq(le directeur de prison). Le réalisateur du film, Moncef Barbouch, est né en Tunisie à Djerba, il est diplômé de l'Institut Supérieur du Cinéma au Caire. Il a réalisé plusieurs longs-métrages parmi lesquels : « 9 Avril », « Al Sabiroun » et « Tunisie 87 ». Tout juste moyen Inspiré, nous dit-on, de faits réels, ‘'Conflit'' trahit un parti pris trop marqué en faveur de l'islamisme politique. L'intrigue a même tendance à gauchir quelque peu le processus révolutionnaire qui a amené la chute de Ben Ali. Le metteur en scène joue un peu trop sur la fibre émotionnelle et sur le pathos larmoyant. Techniquement parlant, c'est un film honnête sans plus. Le jeu des acteurs est moyen quant aux scènes, elles sont parfois trop longues et donnent l'air d'être parachutées sans raison valable dans l'action. Entretien avec le réalisateur : Nous avons eu un bref entretien avec le réalisateur de ‘'Conflit'' et l'avons interrogé sur le message qu'il souhaite transmettre à travers ce film. Il nous a répondu en ces termes : « Le film se veut un témoignage sur les souffrances de milliers de pères et de mères de famille qui, du jour au lendemain, ont vu leurs vies basculer. Ma mission est de faire entendre ces voix oubliées. Mon film est aussi un acte de reconnaissance dédié à tous ceux qui ont souffert en silence. La Tunisie ne peut avancer que si les militants de la gauche et la de la droite travaillent main dans la main et acceptent la différence. Seule la cohabitation peut nous sauver du retour à la dictature ! » Concernant l'interdiction du film aux dernières J.C.C., Moncef Barbouch considère qu'il a été « l'otage des élections présidentielles ». Mais à dire la vérité, le film ne nous semble pas, politiquement parlant, aussi neutre que son réalisateur veut le laisser entendre.