Retraçant les témoignages des victimes de la torture sous le régime Ben Ali, le film sort dans les salles le 14 janvier 2015 Mercredi dernier au Colisée, s'est tenue l'avant-première du film tunisien Conflit, une fiction réalisée par Moncef Barbouch. Le réalisateur a fait ses études à l'Institut supérieur de cinéma au Caire et compte à son actif une dizaine de films. Conflit, produit en 2014, sortira en salles le 14 janvier, a annoncé Moncef Barbouch après la projection. Celle-ci, sur invitation, a attiré beaucoup de monde, dont des personnalités politiques appartenant principalement aux partis Ennahdha et le CPR, ainsi que des membres de l'Assemblée constituante (2011-2014). D'une durée d'une heure et cinquante trois minutes, le film présente un casting de comédiens tunisiens de renom, comme de nouvelles figures. On retrouve à l'écran, entre autres, Salah Jday, Lamia Amri, Houcine Mahnouch (scénariste du film), Halima Daoud, Dalenda Abdou et Hichem Rostom. Les évènements de Conflit prennent comme point de départ le 7 novembre 1987 et se poursuivent jusqu'au le 14 janvier 2011. Dans les premières séquences, les personnages, des militants de droite et de gauche écoutent en direct le discours du 7 novembre 1987. Ben Ali est, désormais, au pouvoir. Dans ce texte, il promet liberté, pluralité et succession au pouvoir. Après les premières élections, le vrai visage du régime va se manifester. Cette première partie est filmée en flashs, séparés par des cartons de «un an plus tard» ou «deux ans plus tard». On arrive après au cœur du sujet et du film. Arrestations musclées, tortures et procès mènent les héros du film, hommes et femmes, en prison, pour de longues condamnations. Ils laissent derrière eux des familles désemparées, parfois sans le sou, qui sont elles aussi victimes du régime policier en place. Conflit met en scène, d'une manière assez fidèle, les témoignages des victimes de la torture sous Ben Ali. Des témoignages douloureux et poignants que l'on a écoutés, au lendemain du 14 janvier 2011, pendant des rencontres, des présentations de livres d'anciens détenus ou dans des films documentaires. Quant au film, son image léchée et son bon rythme accrochent. Ça ne l'empêche pas de tomber dans un style télévisuel, surtout avec son trop-plein d'émotion et de scènes qui s'adressent aux glandes lacrymales plus qu'aux esprits, allégées pourtant par quelques passages teintés d'humour. Moncef Barbouch a fait le choix de retracer cette injustice du point de vue des militants islamistes, qui ont la part belle dans son film. Un point de vue assumé jusqu'au bout, mais plat et linéaire, avec des personnages utopiquement bons et solidaires, et des femmes voilées jusqu'à dans leurs chambres à coucher. Sa fin est carrément manipulatrice, reconstituant la manifestation de l'Avenue Habib-Bourguiba du 14 janvier 2011, avec des manifestants islamistes. Il y a ici le danger de conforter chacun dans son combat sans y poser aucun regard critique, dont tout militant ou parti politique a besoin, quelles ques soient leurs orientations. Au regard des réactions du public pendant la projection, Conflit a eu une fonction cathartique qui a déchaîné les passions. Les gens qui ont vécu cette période et qui ont en été témoins veulent s'exprimer et ont en encore plein sur le cœur. D'où l'importance, on ne le rappellera jamais assez, d'une justice transitionnelle qui exposera les bourreaux et les confrontera à leurs victimes. Sans cela, les blessures ne pourront pas être totalement cicatrisées. Et il y va de la construction d'une nouvelle Tunisie, qui assume son passé, le garde en mémoire et en tire les leçons. Après la projection, Moncef Barbouch a déclaré qu'il a fait ce film afin qu'aucune personne ne soit, dorénavant, torturée pour ses idées. Il a eu une pensée pour Yassine Ayari, jugé par le tribunal militaire à trois ans de prison, et pour Inès Ben Othmane, jugée à deux mois de prison ferme pour avoir porté plainte contre une policière. Conflit est un film à voir pour ceux qui regrettent Ben Ali, ceux qui ne savaient pas ou qui ont oublié ce que son régime a fait aux Tunisiens, mais c'est un film peu nuancé à prendre avec des pincettes, tant il embellit ses personnages, joue sur les émotions, suscite une empathie qui entrave la réflexion.