Dimanche dernier, les bénévoles des associations Tunaide et « Génération Liberté » ont pris la route de Makthar, en direction de l'internat du collège, pour y distribuer des matelas, des couettes, des vêtements et y installer cinq ordinateurs. Une action commune qui vient sceller un mois de collecte et qui a permis d'améliorer un tant soit peu le quotidien des 268 élèves qui y résident. Ravagé par deux incendies l'été dernier, le foyer du collège de Makthar nécessite depuis longtemps d'importants travaux de réfection et les conditions de vie n'y étaient pas des plus clémentes pour ces jeunes âgés entre 11 et 16 ans. Tunaide équipe les élèves contre le froid Olpha Slama, Vice Présidente de Tunaide déclare: « Il y a quelques temps, la réalité de cet internat était encore cruelle, choquante : dortoirs froids, douches défectueuses, eau chaude inexistante, réfectoire délabré, vitres cassées, murs suintant d'humidité, casiers rongés de rouille, toilettes immondes, cuvettes pleines de saleté. Zéro hygiène ! Que dire aussi des vieux matelas crasseux et troués de partout? Un tel état d'insalubrité ne peut être que démotivant pour les élèves. Loin de leurs familles et de leurs repères, comment voulez-vous que ces jeunes se sentent à l'aise dans ces internats et aient envie de poursuivre leurs études ? Lorsque nous avons été contactés par une institutrice pour venir en aide à ces collégiens qui mourraient de froid par ce temps glacial, les membres de Tunaide n'ont pas hésité à intervenir. Entre temps, nous avons été agréablement surpris de savoir que l'association « Génération Liberté » travaillait aussi sur la rénovation des lieux. Nos actions étaient complémentaires. Ils s'occupaient de la réfection et nous de l'ameublement. Notre action du dimanche a été un réel succès même si, sur un total de 268 matelas nous n'avons pu en acheter que 88, faute de moyens. Mais la collecte continue ! Nous avons prévu d'y retourner en février car il y a encore tant à faire. J'espère que d'ici là, nous aurons assez de dons pour acheter les matelas restants et peut-être même acheter des livres et des jeux éducatifs pour les heures de loisir. » Les projets de Génération Liberté Dans le cadre de son projet « Wallah we can », l'association « Génération Liberté » s'attelle, en parallèle, à faire de cet internat un établissement pilote et le premier d'Afrique à être énergétiquement autonome. Lotfi Hammadi, initiateur du projet nous en parle : « Au début, ce n'était qu'une petite action citoyenne, lancée avec des amis pour venir en aide à des enfants dans le besoin. Mais devant la gravité de la situation, l'ampleur des dégâts mais aussi la générosité des donateurs, l'action est vite devenue projet et on a dû intégrer l'association « Génération Liberté » pour pouvoir jouir d'un statut juridique nous permettant, entre autres, de signer la convention de partenariat avec le Ministère de l'Education. Concernant l'internat de Makthar, nous avons défini des actions prioritaires qui renforceront l'autonomie de l'internat vis-à-vis du Ministère de l'Education. La première consiste à installer des chauffe-eaux solaires pour que les élèves puissent bénéficier de l'eau chaude et se doucher deux fois par semaine. Nous avons aussi pensé à installer des panneaux photovoltaïques pour chauffer le bâtiment car il faut savoir qu'en hiver, il fait plus froid à l'intérieur de l'internat qu'à l'extérieur. Nous avons également changé les fenêtres et fait couler une dalle de béton léger sur le toit pour que le bâtiment soit mieux isolé. Autre point, nous avons aussi négocié avec le Ministère pour que le budget autrefois alloué à la facture d'électricité soit désormais consacré à l'achat de matériel scolaire et récréatif. Nous œuvrons aussi pour la création d'un potager et d'une ferme pour mieux exploiter le vaste terrain qui entoure l'internat, jusqu'ici servant de dépotoir au vieux mobilier du collège. Ce sont les élèves eux-mêmes qui s'occuperont de ce petit coin de verdure et y planteront des fruits et légumes. Cela ne pourra que les responsabiliser et leur inculquer l'amour de la terre et le sens du partage. Autre projet, l'association « Génération Liberté » a lancé la production de serviettes hygiéniques lavables afin de lutter contre l'absentéisme récurent des jeunes filles, causé par l'inconfort menstruel, qui favorise le décrochage scolaire. Celles-ci, n'ayant pas les moyens de s'acheter des protections hygiéniques, se retrouvent au mieux à utiliser la mousse sale de vieux matelas ou des tissus usagers pendant leurs menstrues. Au pire, elles s'absentent de l'école et n'y vont plus au bout d'un certain temps. En 2015, on ne peut accepter qu'en Tunisie l'hygiène soit un obstacle à l'éducation! Chaque jeune fille aura droit à un ballot de cinq serviettes hygiéniques lavables qui lui permettront de passer toute une année tranquille, sans se soucier de ce problème. Une fois le premier volume de serviettes produit, ce seront des femmes au foyer, sans emploi, qui seront impliquées dans la fabrication des serviettes afin de lutter contre la paupérisation tout en luttant contre la déscolarisation. D'autres projets sont en cours. J'espère qu'ils aboutiront et j'invite la société civile à continuer son combat. De toute façon, on n'a pas le choix.» Un épineux dossier Mauvaise isolation, humidité, quasi-absence d'hygiène, dortoirs en piteux états, froid glacial qui ronge les os... La mission des deux associations est loin d'être terminée. Mais si l'internat de Makthar a pu bénéficier du soutien de la société civile, d'autres établissements, sont encore plongés dans une misère alarmante. Mais pire que les conditions de logement et d'infrastructure, les abus physiques ou moraux commis dans certains internats et qui restent encore de l'ordre du tabou. Le suicide de la petite Chiraz, le mois dernier à Kairouan, avait remis l'épineux dossier des internats sur le devant de la scène. Dans sa lettre d'adieu, la fillette de 12 ans se plaignait, en effet, des mauvais traitements qu'elle subissait à l'internat où elle résidait. Tant de salubrité et de dépassements alors que les autorités concernées semblent totalement impuissantes et dépassées. Les internats tunisiens, un dossier brûlant qui mérite de figurer parmi les priorités du prochain Ministre de l'Education mais en sera-t-il ainsi ?