Alors que se poursuit l'exposition "Carthago" au musée de Leyden, aux Pays-Bas, un ouvrage collectif vient de paraitre en deux éditions distinctes, l'une en anglais et l'autre en néerlandais. Intitulé "Carthago", cet ouvrage a été réalisé par Ridha Boussofara, Roald Docter et Pieter ter Keurs qui ont assuré la coordination de cet ambitieux projet qui a bénéficié du soutien de l'Institut national du Patrimoine (INP) et de l'ambassade des Pays-Bas en Tunisie parmi de nombreux autres sponsors essentiellement du monde des entreprises. Il convient de souligner que ce livre compte parmi les publications du musée national des Antiquités de Leyden et figure au catalogue de l'éditeur néerlandais Walburg Pers. Didactique, méthodique et pédagogique! Cet ouvrage de 145 pages contient 17 articles de spécialistes tunisiens et néerlandais de l'Antiquité. Construit à la manière d'une revue, "Carthago" est très richement illustré et s'adresse en premier lieu au public des Pays-Bas. Au fil des articles, on découvre divers aspects de l'histoire tunisienne dont l'ensemble permet de dresser un portrait de notre pays aux époques punique et latine. Dans son esprit, l'ouvrage qui s'ouvre sur une préface de Nabil Kallala (directeur de l'INP) et Wim Weijland (directeur du musée de Leyden), reprend le cheminement intellectuel de l'exposition actuellement en cours aux Pays-Bas. Toutefois, la démarche didactique est encore plus présente dans cet album qui, méthodiquement, explique mythes et réalités de l'histoire carthaginoise, comme le souligne Pieter ter Keurs dans son éditorial. Au début du livre, une dizaine d'articles s'intéressent à tous les aspects de l'essor de Carthage. Ainsi, Lucas Petit propose un gros plan sur la Phénicie, patrie d'origine de Didon, fondatrice mythique de Carthage. Pour sa part, Roald Docter pose son regard sur la Carthage punique dans un article richement documenté. Trois chercheurs tunisiens interviennent ensuite pour apporter des éclairages éloquents sur diverses réalités de l'époque punique. Ahmed Ferjaoui présente l'alphabet punique et ses caractéristiques, Imed Ben Jerbania réunit des éléments d'information sur le Tophet de Carthage et Taoufik Redissi analyse les influences égyptiennes sur la culture punique. Viennent ensuite deux articles en contrepoint à cet ensemble. En ce sens, Nabil Kallala apporte des éléments de compréhension de l'environnement libyque et numide dans lequel s'est développée la cité de Carthage. Ensuite, Fik Meijer s'intéresse à la puissance maritime de Carthage en étudiant sa marine marchande et son réseau portuaire en Méditerranée. Trés documenté, un article de Fik Meijer et Roald Docter revient ensuite sur les enjeux et les conséquences des trois guerres ayant opposé Rome et Carthage, qui s'achèveront par la défaite de la métropole du sud de la Méditerranée qui fut, rappelons-le, fondée bien avant Rome. Pour sa part, Ruurd Halbertsma signe deux articles dans cet ouvrage. Le premier a trait à l'épave découverte il y a un siècle non loin du rivage de Mahdia et le second aux découvreurs modernes de Carthage et d'Utique au dix-neuvième siècle, en l'occurrence Jean-Emile Humbert et Camille Borgia. Un livre de référence, une "revue" de proximité Beaucoup d'autres éléments sont au sommaire de cet excellent ouvrage. Ils ont d'abord pour objet la présentation de la Carthage romaine sous la plume de Samir Aounallah qui pose son regard sur le patrimoine monumental romain de Carthage. C'est ensuite la Carthage chrétienne qui renait dans une synthèse proposée par Fathi Bejaoui. Le reste de l'ensemble est plutôt inattendu. En effet, trois articles s'intéressent à des aspects peu connus de Carthage qui sont le traitement de cette cité par les artistes européens du dix-neuvième siècle et aussi la présence de Carthage dans le cinéma, la littérature ou la bande dessinée. Oeuvres de Eric Gubel puis de Vanessa Boschloos, ces deux articles donnent des prolongements aussi surprenants qu'inédits à l'ouvrage qui ne se contente pas d'investir le champ de l'archéologie mais s'ouvre sur des expressions plus contemporaines. Dans le même esprit, Eric Moormann s'empare des personnages historiques d'Hannibal et Didon pour nous faire découvrir le regard occidental sur ces monuments humains de l'Antiquité tunisienne. Là encore, le travail iconographique est impressionnant et valorisé par le dynamisme de la maquette de ce livre de référence qui se lit comme une revue de proximité. C'est à Mustapha Khanoussi qui est, faut-il le rappeler, le conservateur du site de Carthage, que revient l'honneur de signer en guise de postface un éditorial qui pose les enjeux contemporains de la conservation et la gestion d'une mémoire antique, inscrite au patrimoine mondial de l'humanité. En 145 pages, les nombreux auteurs associés dans la réalisation de cet ouvrage nous donnent une belle synthèse sur les différentes époques de Carthage. Mis en vente au prix de 20 euros en marge de l'exposition et aussi en librairie, cet ouvrage mérite amplement d'être repris, dans son esprit et sa lettre, pour les publics francophone et arabophone. En effet, les trois coordinateurs de cet ouvrage sont parvenus à dépoussiérer des pans de culture confinés dans l'oubli en les simplifiant avec pédagogie tout en leur gardant leur prestige scientifique. Que dire de plus sur cet ouvrage? D'une part, il nous révèlé que les chercheurs universitaires savent être aussi d'excellents journalistes et que leurs "reportages" sur le passé sont bien dans la vulgate dessinée par Hérodote. D'autre part, ce livre, la manière dont il est conçu et mis en oeuvre, pourrait même accrocher un public d'adolescents. Et c'est tout dire! Par ailleurs, l'exposition "Carthago" se poursuit au musée national de Leyden et sera à l'honneur au club Tahar Haddad mardi 27 janvier à 15h dans le cadre d'une présentation de l'événement par le son et l'image.