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« Je suis plus que jamais convaincu que le secteur public est le pilier de la santé et doit le rester »
Publié dans Le Temps le 05 - 02 - 2015

Après une année passée à la tête du ministère de la Santé, Mohamed Salah Ben Ammar cèdera aujourd'hui même sa place à Said Aïdi. Médecin de carrière, cet anesthésiste réanimateur a succédé à Abdellatif Mekki et à ses très controversées propositions telles que la construction de facultés de médecine au Kef, Sidi Bouzid, Médenine, Kasserine et Gabès ou encore les trois années de service obligatoires à l'intérieur du pays imposées aux jeunes médecins spécialistes. Héritant de dossiers brûlants, Mohamed Salah Ben Ammar a pourtant bénéficié d'une certaine accalmie et n'a pas fait face à des mouvements de protestation majeurs. Sur les colonnes du journal Le Temps, il dresse le bilan de son mandat, énumère les réformes prioritaires pour un meilleur système sanitaire en Tunisie et donne son avis sur son successeur.
Le Temps: Beaucoup estiment que vous avez bénéficié d'une période de grâce qui vous a permis de mener à bien votre mandat. Êtes-vous d'accord ?
Mohamed Salah Ben Ammar: Disons que mon mandat a été relativement calme, même si les apparences sont parfois trompeuses. Tout récemment, nous avons par exemple fait face au mouvement de protestation des infirmiers et des cadres soignants qui réclamaient une augmentation salariale. Nous avons aussi connu une importante crise avec les facultés de médecine lors de l'ouverture des postes de l'agrégation. En tout, il y aura eu quelques manifestations, beaucoup d'impatience, quelques mots rudes et de rares dérapages et écarts mais heureusement, la situation n'a jamais complètement dégénéré. Ce n'est que grâce au dialogue et aux négociations que nous avons pu résoudre ces conflits et éviter les catastrophes.
Quelles ont été vos priorités durant ce mandat ?
Je suis issu d'un gouvernement de technocrates non partisans nommés à une période transitoire très particulière de l'histoire du pays, pour une durée et une mission bien déterminées, à savoir amener le pays vers les élections, apaiser les tensions, gérer le quotidien et préparer le terrain pour de futures réformes de fond. En tant que médecin, je connaissais parfaitement les rouages, les défaillances et les insuffisances du système de la santé. Pourtant, je me suis efforcé de ne pas entamer un processus de réformes urgentes et vitales auxquelles je crois profondément. Suivant la mission qui m'a été confiée, je me suis plutôt positionné dans un rôle d'écoute et de concertation. L'une de mes priorités a été de rétablir le dialogue sociétal entre les syndicats professionnels, les conseils de l'ordre, les facultés de médecine, les représentants de la société civile et les responsables du ministère. Pour moi, il était capital de les réunir tous pour une entente et de fédérer toutes ces forces autour d'un même projet. Ainsi, depuis mars dernier, mon équipe et moi avons organisé des réunions quasi-quotidiennes, parcouru plus de 20.000 km, rencontré des milliers de personnes et visité presque tous les gouvernorats. Des efforts qui n'ont pas été vains puisque le dialogue sociétal sur les politiques, les stratégies et les plans nationaux de santé a abouti en septembre 2014.
Vous avez réussi à apaiser les tensions des professionnels de la santé. Qu'en est-il de la colère des citoyens face à l'inégalité d'accès aux soins ?
Les disparités entre les régions concernant l'accès aux soins sont une évidence que nul ne peut contester. Malheureusement, cette situation qui ne date pas d'hier a été politiquement instrumentalisée durant ces quatre dernières années. A chaque visite dans les régions, mon équipe et moi étions accueillis par des citoyens très en colère, à qui on avait fait comprendre que la solution passait exclusivement par les moyens et qui réclamaient qu'on construise une faculté de médecine dans leur ville ou qu'on équipe leurs hôpitaux de scanners et autres appareils d'examen clinique. Leurs revendications étaient certes légitimes mais elles ne résolvaient aucun de leurs problèmes. Il a donc fallu, à chaque fois, expliquer que la construction d'une faculté de médecine n'était pas du ressort du ministère de la Santé mais plutôt de l'Enseignement supérieur. Il a aussi fallu trouver les mots pour convaincre les citoyens que leur vrai besoin consistait en des médecins de première et deuxième ligne et non pas des équipements coûteux et qui ne serviraient qu'occasionnellement. Ainsi, suite à l'étude de plusieurs dossiers, plusieurs hôpitaux régionaux ont été transformés en centres hospitalo-universitaires (CHU), à l'instar de celui de Médenine, de Bizerte, de Gabès et de Kairouan. Des professeurs ont été nommés à la tête de plusieurs services et ces structures accueillent désormais les résidents et les internes. Cette dynamique est salvatrice pour le système sanitaire en Tunisie.
Quels sont les principaux projets mis en place lors de votre mandat ?
Malgré un délai serré et une stratégie volontairement axée sur l'écoute et la préparation du terrain pour l'avenir, plusieurs projets ont pu voir le jour grâce au travail acharné d'une équipe constituée d'une vingtaine de personnes et à qui je rends aujourd'hui hommage. Parmi les décisions dont je suis le plus fier, la gratuité des soins offerts aux femmes victimes de violences dans les urgences. Durant mon mandat, de nouveaux programmes de santé ont également été mis en place, à l'instar de celui de la lutte contre le suicide, la lutte contre les addictions ou encore contre les violences sexuelles. D'autres programmes sont actuellement en cours de révision tels que celui de lutte contre le cancer, de lutte contre le tabac ou encore la stratégie nationale de réduction de la mortalité maternelle infantile. Nous avons aussi oeuvré afin de renforcer notre partenariat avec la société civile, à travers la mise en place d'une cellule de coordination avec les associations et une autre avec les sociétés savantes. Concernant les médecins spécialistes dans les régions, un accord entre le ministère de la Santé et l'UGTT a été trouvé et un projet de partenariat entre les facultés de médecine et les hôpitaux régionaux a été mis en place. Dans le cadre du projet PAZD2, 50MD ont été alloués pour la création et l'équipement de 13 centres intermédiaires, le réaménagement de 59 centres de santé de base, l'octroi de moyens de transport et le renforcement des capacités humaines. D'autres projets ont été amorcés et sont actuellement en cours de développement tels que le m-health (mise en place d'un programme d'éducation nationale via le téléphone portable) et le e-health (mise en place d'un système de numérisation du courrier ainsi que des archives de toutes les structures relevant du ministère de la Santé).
Avez-vous essuyé des échecs ?
Des échecs non mais un fait marquant m'a particulièrement affecté. Suite à la lâche attaque terroriste au Kef, en juillet dernier, des personnes malintentionnées ont déclaré à la télévision que les blessés n'avaient pas été correctement pris en charge et qu'il n'y avait aucun médecin sur les lieux, alors qu'en vérité trois chirurgiens s'étaient immédiatement mobilisés et avaient opéré les cas urgents. Une information erronée qui a pourtant été relayée par d'autres médias et qui est sans doute parvenue aux oreilles des familles de nos soldats. Je me mets à leur place. Cela a dû être terrible pour eux de penser que cette patrie que leurs enfants servent et défendent n'était pas capable de leur offrir le plus élémentaire des droits: l'accès aux soins en cas d'urgence. Cette pensée me révolte jusqu'à aujourd'hui, surtout que sur instruction du chef du gouvernement, des moyens supplémentaires (augmentation du budget alloué à la santé d'un million et demi de dinars et du nombre de personnel soignant) ont été octroyés aux régions les plus menacées par le terrorisme. Je concède que le système sanitaire en Tunisie n'est pas parfait mais ce qui est sûr, c'est que ses professionnels répondent toujours présents, à chaque urgence. Il en a été ainsi aussi bien lors des différentes attaques terroristes mais aussi lors de l'accident de TGM ou encore celui de Bouarada.
Quels sont les principaux chantiers à mener pour une vraie réforme du système sanitaire en Tunisie ?
Aujourd'hui que nous sommes entrés dans la phase 2 du dialogue sociétal et que nous avons identifié les défaillances du système sanitaire, nous sommes en mesure d'énumérer au moins quatre axes principaux sur lesquels il faudrait se pencher à l'avenir. D'abord, le financement. D'après moi, l'idéal serait d'instaurer une couverture sanitaire universelle par le pré-paiement. Ainsi quand un citoyen tombe malade, il n'aura plus à débourser de sa poche pour être soigné, aussi bien dans le privé que dans le public et ce, parce qu'il a cotisé durant des années. Autre chantier et pas des moindres, l'interaction public-privé qui doit être mise à plat et repensée de façon plus déontologique. Cette relation est complètement biaisée, à cause de disparités financières et un système de remboursement inéquitable. En effet, 80% du remboursement de la CNAM va vers le secteur privé et seulement 20 % pour le secteur public alors que 80% des citoyens se soignent dans le public. Autre point, le renforcement de la médecine de proximité. Pendant longtemps, on a placé comme leitmotiv la présence de médecins spécialistes dans les régions. L'idée n'est pas totalement mauvaise mais il vaudrait mieux consolider le rôle du médecin généraliste que le patient consultera pour un premier avis et qui le réfèrera pour avis à un médecin spécialiste. Quatrième axe, l'informatisation de toutes les données relatives au secteur sanitaire. Ce n'est plus possible de continuer à archiver ces documents sur du papier, qui risque de se détériorer. Nous sommes en 2015 et tout doit être informatisé pour faciliter l'accès instantané à l'information qui permet parfois de sauver des vies.
Saïd Aïdi est votre successeur. Pensez-vous que la nomination d'un ministre qui n'est pas issu du domaine de la santé soit un handicap?
Saïd Aïdi est un infatigable travailleur, intègre et très intelligent. Je lui prédit un énorme succès. Il réussira, à condition toutefois que si l'appareil administratif suive derrière. Au cours de mes différentes expériences professionnelles au sein de l'administration tunisienne, je me suis rendu compte à quel point ce système était désuet et démotivant. Aujourd'hui, il faut se rendre à l'évidence, la fonction publique n'est plus attractive pour les hautes compétences. Beaucoup de fonctionnaires sont totalement désabusés par de tels mécanismes archaïques. Aucun programme de développement professionnel continu ne leur permet de se projeter dans l'avenir et de les inciter à améliorer leurs compétences. Les salaires sont bas. Or, l'administration est l'un des éléments clé pour l'instauration d'une vraie démocratie. Dans les pays développés, les ministres changent souvent mais c'est l'appareil administratif qui assure la continuité des services. Le ministre est surtout un administrateur et un réformateur. Si son rôle est important, celui de chacun des fonctionnaires de son ministère n'en sont pas moins primordiaux.


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