Présidant le Conseil des ministres qui s'est tenu après l'opération terroriste du mercredi 18 janvier, le président de la République, Béji Caïd Essebsi, s'est exprimé sur les différentes évolutions dans les dossiers sécuritaires et sociaux du pays. Après avoir rendu hommage aux quatre martyrs de la Garde Nationale tombés sous les balles des terroristes, Caïd Essebsi a assuré que la lutte contre le terrorisme est une obligation et que tous les efforts doivent être fournis afin d'éradiquer ce dangereux fléau. Le président a par la suite enchaîné sur deux autres affaires qu'il estime être aussi urgentes que celle du terrorisme : les grèves et les événements du sud Tunisien. Béji Caïd Essebsi a estimé que les grèves – celles des enseignants du secondaire et celles des employés de la Poste Tunisienne – étaient illégitimes. Il a appelé les grévistes à revoir leur façon de faire et à observer une heure de grève au lieu de trois jours. Il leur a rappelé que le brassard rouge était toujours utile et produisait le même effet. Sans manifestation d'une quelconque sous-estimation de l'importance de leurs revendications, Caïd Essebsi a rappelé aux grévistes l'état des lieux de l'économie du pays et l'importance de la patience en ces conditions délicates. De même, le chef de l'Etat a rappelé que l'UTICA et l'UGTT étaient eux aussi tenus responsables de la situation sociale délicate que traverse le pays tout en expliquant qu'Habib Essid était en contact avec toutes les parties concernées. Nous avons contacté Sami Tahri, secrétaire-général adjoint de l'UGTT, pour avoir son avis quant à cette intervention. « Les grèves n'ont jamais été un vice, si l'on va vers une grève, c'est que l'on y est obligés. De plus, les grèves sont un droit comme le stipule la Constitution. Quand le dialogue ne donne plus rien, quand on exerce une pression sur nous, on fait une grève. Le rôle du président de la République est de veiller à faire appliquer et respecter la Constitution ; ce président a aujourd'hui condamné les grèves, serait-il capable de condamner de la même manière et de punir les patrons qui ne paient pas leurs employés ? On nous parle d'insuffisance de moyens et d'impossibilité de répondre à nos requêtes, des requêtes qui ne demandent pourtant pas l'impossible. Tout ce que nous demandons aujourd'hui est de faire appliquer des conventions signées il y a des mois de cela. Tout ce que nous voulons c'est récupérer les droits légitimes des travailleurs. Nous voulons que ce gouvernement expose clairement son programme social et qu'il procède à une répartition juste et égale des richesses au profit du peuple. » A la question de si les grèves étaient justifiées alors que le pays est frappé par le terrorisme, Sami Tahri a répondu que cet argument était le même que celui qu'employait Ben Ali. « Et si je vous posais la question autrement ; est-ce qu'en arrêtant nos grèves le terrorisme va s'estomper ? Voilà une façon bien superficielle de considérer les choses. C'est vouloir priver les travailleurs de leurs droits qui est du terrorisme. Ben Ali employait ce même prétexte pour faire régner sa dictature et son oppression. » En ce qui concerne les derniers incidents survenus dans le sud tunisien, Béji Caïd Essebsi a expliqué que tout n'était pas spontané et quelques interventions n'étaient pas gratuites. Il a ajouté que le gouvernement allait mener des enquêtes et que si ces dernières donnaient des résultats confirmant cette théorie, l'opinion publique allait en être informée. Même s'il réalise que la région du sud n'a été gâtée ni par la nature ni par le développement, Caïd Essebsi a rappelé qu'un conseil ministériel restreint – d'un gouvernement antérieur qu'il n'a pas désigné – avait étudié les problèmes du sud et a classé le dossier et est parti. Béji Caïd Essebsi a fini par expliquer que lui et le nouveau gouvernement d'Essid étaient visés par l'opinion publique et que même s'ils ne pouvaient pas tout démentir ils vont tenir bon aux derniers incidents et révéleront les résultats des enquêtes à l'opinion publique. Même si Béji Caïd Essebsi s'est prononcé à demi-mots, son discours visait quelques dirigeants du CPR comme, notamment, Imed Daimï qui a déclaré – quand il était en visite au sud alors que le soulèvement battait de son plein – que l'Etat et la télévision nationale tunisiens devaient être neutre avec toutes les parties libyennes. Daimï avait implicitement invité l'Etat tunisien à coopérer avec l'organisme Fajr Libya (l'Aube de la Libye) comme étant une partie représentant officiellement l'Etat libyen. Nous avons essayé de contacter Daimï pour avoir sa réponse quant à cette affaire mais en vain. Nos tentatives de joindre Adnen Mansser ou encore Sihem Badi – qui s'est, elle aussi, exprimée sur le sujet des incidents du sud – n'ont pas donné de meilleurs résultats. A la fin de son intervention, le président de la République a tenu à préciser que sa présence résultait d'une convocation qui lui a été adressée par le chef du gouvernement. Il a assuré que toutes ses actions étaient faites sous le couvert du respect de la Constitution et qu'en aucun cas il ne songera à enfreindre cette dernière.