Peut-on abréger les souffrances d'un proche, soulager ses douleurs en lui donnant la mort ? L'euthanasie est-elle possible en Tunisie ? Nombreux sont ceux qui nous feront la morale en invoquant une interprétation des textes sacrés de l'Islam sur la valeur de la vie. Mais moins nombreux seront les personnes qui appréhenderont le sens de l'euthanasie passive en Islam, qui fait qu'on peut refuser de se soigner quand la maladie est incurable, comme c'est le cas de certains cancers. Et dans ce cas de figure on évitera les supplices du traitement par la chimiothérapie. Avec le thème de l'euthanasie, nous abordons un sujet sensible qui divise. Quand on dit euthanasie, on pense à cette mère qui a donné la vie à ses enfants et en retour, souhaite en recevoir la mort pour abréger ses souffrances...suite à une maladie qui devient une source de douleurs lancinantes. Mais cette mère n'est pas la seule à s'être adonnée à un combat contre une maladie et aux tourments de la douleur. Devant l'obstination déraisonnable de ses enfants et l'acharnement thérapeutique de ses médecins traitants refusant de reconnaître que cette mère est vouée à la mort, l'on se demande si l'euthanasie ne serait pas le meilleur des remèdes pour lui éviter l'agonie et soulager ses souffrances qui pèsent lourd sur son entourage. L'euthanasie, le terme demeure frappé du sceau du tabou dans un pays de culture musulmane comme le nôtre, pourtant la pratique dans sa phase passive n'est pas prohibée par notre religion. En Islam, le corps a un caractère divin, chose qui ne permet en aucune manière de décider de la fin de la vie d'une personne. Mais se soigner fait partie du «permis» qui signifie le ‘'moubah'' et ne relève nullement de l'obligatoire. Donc une personne dont la maladie est incurable peut ne pas subir un traitement thérapeutique en vue d'accélérer l'inéluctable. Mieux encore, on peut même ne pas prendre de médicaments dans les cas où l'on n'espère pas la guérison. Et même si un débat émulatif sur l'euthanasie fait horriblement défaut sous nos cieux, certains de nos concitoyens ne se refusent pas à la discussion sur le sujet. Un sondage réalisé sur un blog «Asslema Tunisie» montre que 65,52% de la population concernée se disent contre l'euthanasie et seuls 3,45% sont neutres vis-à-vis de cet acte. N'en déplaise aux plus puristes, ils sont 31,03% qui se montrent en faveur de cette pratique. Et c'est un prédicateur sunnite qui nous dit dans la foulée, qu' «en Islam l'euthanasie ne se pratique pas, car l'être humain ne possède pas son corps, c'est Allah qui en dispose. Chaque être humain finira par mourir. C'est le bon Dieu qui décide de l'heure et du lieu de son décès. Alors si l'homme décide du contraire, c'est qu'il commet un crime envers la divinité. L'euthanasie en Islam est assimilée au suicide. » dit-il en ajoutant : « L'Islam a hissé l'être humain à un rang très élevé au point que la maladie qui l'atteint devient une source de récompenses dans l'au-delà. Notre religion nous incite à nous faire soigner puisque le bon Dieu qui a donné le mal a donné son antidote. Elle nous pousse aussi à nous armer de patience. Face à la maladie qui pèse sur l'être humain, la patience est la lumière protectrice qui le préserve du désespoir. » Sous d'autres cieux Et si la question de l'euthanasie divise dans un pays comme le nôtre, la pratique s'avère ancienne. Qu'en est-il au juste ? Dans le dictionnaire, l'euthanasie est définie comme «une pratique consistant à abréger les souffrances des maladies incurables». En Occident, la question est l'objet d'un débat émulatif qui prend en compte plusieurs considérations comme par exemple, «l'homme est le seul titulaire des droits associés à son corps et qu'il est le seul maître de sa vie» ou qu'«une personne agonisante ferait mieux de mourir» ou encore «qu'une mauvaise vie n'est pas digne d'être vécue». Car dans les cas des maladies cancéreuses où les soins palliatifs de la médecine moderne se sont montrés incapables de soulager les maux, l'euthanasie a fait irruption comme une porte de sortie. Dans les pays d'Europe et d'Amérique de Nord qui la pratiquent, la décision de fin de vie se fait de plusieurs manières : comme par exemple par l'interruption du traitement, par l'injection de produits qui provoquent la mort, par l'arrêt de la nutrition ou de l'hydratation et par l'administration de sédatifs en dose importantes. La pratique a existé depuis l'ère des temps sous différentes appellations. Les Grecs l'ont pratiquée même si certains disciples d'Hippocrate s'y sont refusés comme le stipule la teneur de son serment, «Je m'abstiendrai de tout mal et de toute injustice. Je ne remettrai à personne du poison, si on me demande, ni ne prendrai l'initiative d'une pareille suggestion.» Elle était pourtant pratiquée à cette époque-là. Le terme euthanasie renvoie, en effet, à deux éléments tirés du grec dont le préfixe «eu» signifie «bien», alors que «thanatos» veut dire «mort». L'euthanasie est donc littéralement «la bonne mort» qui permettrait d'en finir avec les aléas d'une vie, dont le moins qu'on puisse dire, est loin d'être un long fleuve tranquille. Et si la fin est la même pour tous, pourquoi ne pas choisir le meilleur cheminement pour y parvenir ?