Un jour qui n'a pas d'aube ressemble à la nuit... Un frêle esquif, un rêve furtif, l'angoisse, comme un aiguillon perfide, chevillée au corps et au cœur, et au bout du compte, à peine entamé le voyage, ce goût de sel, ce goût de fiel, lorsque la terre ferme se dérobe au regard, qu'ils ne fouleront, la plupart du temps jamais, territoire interdit d'un rêve trafiqué, qu'ils n'embrasseront de toute façon jamais, lorsque une à une, les étoiles s'éteignent, dans un ciel qui ne leur a jamais souri, dans un horizon claquemuré de toutes parts, qui a fait qu'un jour, leur désespoir ressemblant à la nuit la plus noire, a pris l'eau de toutes parts... Ceux qui y échappent, miraculeusement, que c'en est à peine croyable, n'hésiteront pas à recommencer. POURQUOI ? Parce qu'il faut bien alimenter les statistiques. Avant de passer à autre chose. L'immigration clandestine n'est pas un sport nautique pour nantis en goguette, mais un voyage jusqu'au bout de la nuit. L'exil et son royaume, perdu au bout d'une lutte, de tous les instants, pour la survie. « Je ne suis pas d'ici, pas d'ailleurs non plus... Etranger? Qui peut savoir ce que ce mot-là veut dire... ? ». Terres d'asile... Pourquoi le paradis serait-il toujours ailleurs ? Bien loin, par-delà les nuages, là où il n'est pas sûr, loin s'en faut, qu'ils soient accueillis à bras-ouverts, parce qu'ils ne sont pas attendus, et qu'il n'y a pas de place pour leurs rêves sur une terre, qui ne sera jamais la leur, rétive à leur tendresse éperdue d'une illusion, qu'ils voudraient voir perdurer, mais qui prend bien souvent les allures d'un cauchemar, lorsque le voyageur, perdu dans le désert, en proie à un mirage, enfouit son visage dans le sable brûlant, pour boire à la source d'eau vive, afin étancher une soif inextinguible, et en a le souffle coupé. Demain c'est déjà hier... Il y a un maillon manquant. Sous des latitudes qui leur sont hostiles. Quelque part une faille, une brèche, qui n'a jamais été colmatée. Quelque chose qui a à voir avec l'essentiel. Sûrement. Autrement, pourquoi prendraient-ils le risque de s'abîmer en pleine mer, femmes et enfants compris, au bord d'un « rafiot » de fortune, aussi peu solide que le mensonge qu'on leur a vendu? Leur désespoir n'est pas soluble dans l'eau... Samia HARRAR